•| 27|| Capharnaüm

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— Non, madame Judensky ! Je vous assure que ce n'est pas nécessaire !

La voix de Matty me sort de l'état comateux dans lequel je me trouve depuis un bon mois. Je jette un œil aux alentours, examine l'endroit dans lequel je me trouve comme si je l'apercevais pour la première fois — ce qui est totalement stupide car je passe mes journées à l'intérieur depuis... Deux gobelets ayant jadis contenu des smoothies préparés par mon frère attentionné jonchent un plateau posé sur mon bureau, accompagné d'une assiette parsemée de miettes d'un goûter inachevé. Un verre d'eau à demi vide trône en équilibre sur mon journal intime, une plaquette de paracétamol reposant à ses côtés. Une pile monumentale d'habits repose sur ma chaise, donnant l'impression qu'une montagne a élu domicile sous le toit, des béquilles dont je n'ai à présent plus besoin sont appuyées contre l'étagère de la bibliothèque. Oui, ma chambre ressemble à l'antre d'une personne en fin de vie, car c'est probablement ce que je suis. Une jeune fille dont le cœur a explosé et qui refuse de se rafistoler, malgré tous les efforts de ses proches.

Lui seul aurait réussi à m'aider, mais je l'ai envoyé paître comme une mal-propre alors qu'il remuait terre et ciel pour me récupérer.

Je reconnais la personne qui grimpe les escaliers à l'aura qui émane d'elle, et à sa démarche à la fois saccadée et débordant de confiance en soi. Et je comprends que Matty court à la poursuite de ma mère en entendant des talons claquer à toute vitesse au rez-de-chaussée de la maison. Il ne manquait plus qu'elle...

Ses bracelets tintent lorsqu'elle tape, à trois reprises, sur mon battant, et sa voix haut perchée m'apostrophe quand je refuse de donner un signe de vie.

Je hais ma mère plus que mon père, car lui est seulement absent. Elle vient nous voir dès qu'elle a souhaite quelque chose, ou qu'elle s'est fâchée avec lui et qu'elle a besoin d'un endroit pour se loger et où elle peut être nourrie. Et, une fois à la maison, elle nous déteste de ne pas être comme elle l'aurait souhaité alors qu'elle n'a jamais été présente pour nous élever. Si nous l'écoutions, mon frère, ma sœur et moi serions à son service dès qu'elle débarque de façon improvisée à la maison. Et lorsqu'elle ne se sert pas de nous, elle nous reproche notre existence.

Un timbre masculin vient me sauver d'affaire, et je remercie silencieusement Haron de prendre le relai en glissant mon nez sous la couette et en m'enfonçant plus profondément dans les coussins.

— Laisse la tranquille, M'man, elle a besoin de dormir. Viens prendre un café plutôt !

Je l'entends glisser à Norah de l'emmener en bas et leurs pas s'éloignent en quelques secondes. En silence, mon frère pénètre dans ma grotte en fermant délicatement la porte dans son dos.

— Va falloir que tu sortes de là, Théa.

Il me lance un regard désespéré en analysant ma posture mais je ne daigne ni croiser son regard, ni bouger un orteil pour s'extirper hors du lit. Il passe une main dans ses cheveux crépus en poussant un soupir qui pourrait s'apparenter à une plainte de douleur, et entreprend de mettre mes béquilles de côté pour se mettre à trier les livres empilés vulgairement les uns sur les autres. Il me tourne le dos, mais au vu de la main qu'il passe dans sa nuque toutes les dix secondes, et les souffles que j'entends, je n'arrive plus à être dupe. Je le rends mal. Lorsque la bibliothèque à de nouveau un aspect ordonné, il s'attaque à ma chaise de bureau, voyant que je n'ai toujours pas effectué un geste. Deux piles se forment au sol : une contenant les habits sales, l'autre ceux à ranger. Quand il a terminé, il sort de la chambre, la pile de tenues à laver dans les bras et mes béquilles à présent inutiles coincées sous l'aisselle. Je suis censée être guérie, pourtant j'ai l'impression d'être plus blessée que jamais. Ça fait deux mois que je n'ai pas dansé, plus d'un que je n'ai pas vu la lumière du jour... ce qui commence à faire beaucoup.

Quand Haron revient, les mains vides, il s'installe que mon matelas et enfouit son visage dans ses mains. Je ne dis rien. J'en suis incapable. Ma gorge est comme nouée alors que mon cœur bat à tout rompre. Il relève le menton et son regard parvient à accrocher le mien, délicatement, et pour une fois, je ne me détourne pas. Ses prunelles brunes pétillent et des larmes bordent ses courts cils noirs, qu'il ne retient pas et laisse glisser sur ses joues. Du bout du doigt, il en recueille une et la contemple lorsqu'elle humidifie son index jusqu'à sa paume.

— Je ne sais plus quoi faire, Sista. Je suis désemparé de te voir comme ça, ça me brise le cœur de savoir que je ne peux rien faire pour que tu te sentes mieux. Tu ne bouges plus, tu ne parles plus, tu ne mangerais plus si je ne te forçais pas... Qu'est ce que je peux faire ? Aide moi, je t'en supplie...

J'entrouvre les lèvres délicatement, cherchant mes mots et goûtant l'air du bout de la langue, mais c'est à cet instant que ma mère décide de débarquer avec son air de drama queen que j'ai envie d'effacer de son visage à coup de griffes.

— Quelle horreur ! s'exclame-t-elle avec une moue dégoûtée à l'encontre du capharnaüm qui règne dans la pièce.

Un goût métallique prononcé envahit mon palais et un haut-le-cœur me secoue tout entière avant que je vomisse tout ce que j'ai dans l'estomac dans la bassine installée au pied de mon lit — c'est-à-dire rien, mis à part un flot de sang. En l'apercevant, je pousse un gémissement de douleur, croise le regard de mon frère qui me rejette un air terrifié avant de virer Maman de la pièce. Lorsqu'elle est définitivement partie, j'éclate enfin en sanglots.

 Lorsqu'elle est définitivement partie, j'éclate enfin en sanglots

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L'Enfer c'est toi #2Où les histoires vivent. Découvrez maintenant