« L'amour interdit est souvent le plus fort,
car il doit surmonter des obstacles pour exister. »
Anonyme
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Théa n'a qu'une envie lorsque ses parents lui annoncent un nouveau déménagement : se perdre dans les îles Caraïbes où elle demeurait dans la...
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Je mords l'intérieur de ma joue avec tellement de force que la trace de mes dents y reste incrustée lorsque j'y repasse ma langue et qu'un goût de sang envahit mon palais. La douleur n'arrive pas à arrêter les battements frénétiques de mon cœur, et je peste intérieurement sans pouvoir m'empêcher de desserrer mes doigts autour de la petite danseuse. J'use de tout mon self-control pour ne pas me retourner sur ma chaise, sentant son regard perçant me chatouiller la nuque. Je sais qu'il me voit. Il sait mieux que moi ce que je ressens en cet instant précis, car le déni que je couve s'obstine à me répéter que je le déteste depuis la fois où il a tout fait basculer.
Tu as encore besoin de temps, souffle ma conscience tout bas, et je ferme les yeux en faisant rouler mes épaules, mal à l'aise. Le goût métallique dans ma bouche devient amer, et je lèche l'intérieur de ma bouche comme pour le réparer. Lorsque la sonnerie retentit, je me lève péniblement, esquisse quelques pas avant de sentir sa présence dans mon dos et finis par me retourner timidement pour tomber sur sa silhouette engoncée dans des habits noirs faisant écho à son air exténué.
Il t'a fait du mal, continue de murmurer la voix en moi. Laisse tomber.
- Salut, la Miss.
Ses cheveux roux sont encore plus ébouriffés que la normale, comme s'il n'y avait pas touché avant de se coucher, ce qui m'aurait auparavant arraché un sourire mais aujourd'hui, après toutes les pensées qui m'ont envahies pendant le cours, reste bloqué dans ma gorge. S'apercevant que je ne lui réponds pas, Brian se lance en essayant désespérément de capter mon regard. Rends-lui la pareille, Théa. Blesse-le.
- J'ai vraiment merdé, hein ? demande-t-il en retirant le cure-dents habituel coincé entre ses molaires pour le glisser dans sa poche.
Je ne trouve pas le besoin de lui répondre et reste silencieuse. Oui, c'est le cas. Et il le sait. Sa main se pose sur mon épaule, cherchant le contact mais je me dégage de la façon la moins subtile possible, ce qui le fait grimacer, puis il pose la question, tendant une perche si facile que je ne peux m'empêcher de la saisir pour le démolir émotionnellement. Non, il ne va pas me récupérer. Son visage se décompose et même si je ne peux apercevoir ses prunelles derrière ses éternelles lunettes en verre glacé, j'imagine que son monde intérieur s'écroule. Bien joué, Théa.
Il s'échappe en secouant la tête, son sac lancé violemment sur son épaule, et je lâche un gémissement en m'écroulant par terre, mes béquilles dégringolant vers le sol dans un bruit métallique. La danseuse en verre qui était logée dans ma main s'échappe et s'éclate en bris tranchants qui volent partout. Luna est partie la première de la salle, et les seules personnes qui m'aperçoivent me laissent recroquevillée contre le carrelage, comme si je le méritais. Les sanglots qui montent à ma gorge semblent vouloir m'étrangler alors que je les retiens de toutes mes forces, avalant ma salive pour les repousser au fond de moi.
Le professeur de français finit par revenir dans sa salle, sûrement pour le cours suivant, et pousse un petit cri d'exclamation quand il me voit, s'approchant précipitamment.
- Tout va bien mademoiselle Judensky ?
Je hoche la tête sans ouvrir la bouche car les pleurs risquent de s'en échapper, trop à l'étroit, prisonniers de ma cage thoracique, accepte la main qu'il me tend pour me redresser maladroitement, récupérant mes béquilles d'une main tremblante.
- Excusez-moi, j'ai glissé et cassé quelque chose, réussis-je à balbutier en mordant ma lèvre inférieure pour refouler les larmes qui me montent aux yeux.
Il secoue du bonnet pour me signifier que ce n'est pas grave et me fait signe de m'en aller sans m'en préoccuper.
C'est une torture, pensé-je en enfonçant mes ongles dans ma paume, une énorme vague de culpabilité me submergeant soudain. Pourquoi j'ai fait ça ? J'enfouis mon visage dans mes mains en remontant ma jambe valide contre ma poitrine, recroquevillée sur un banc. Le couloir dans lequel je me trouve est vide, ce qui est normal car la plupart des élèves sont supposés être en cours à cette heure-là. En plissant les yeux, une larme m'échappe et roule sur ma joue, c'est alors que je me résigne à saisir mon téléphone pour appeler Esther, car elle seule n'est pas en cours.
- Théa ? lance-t-elle dès que la sonnerie finit de s'éterniser. Tu n'es pas au lycée ?
Je prends quelques inspirations tremblantes avant de réussir à trouver la force nécessaire pour lui répondre.
- Si... c'est compliqué...
J'agite une main devant mes yeux pour rejeter le sanglot qui menace de me terrasser mais cette fois cela ne marche pas, surtout quand mon amie commence à me poser une centaine de questions, toute inquiète.
- Tu peux venir me chercher je t'en supplie ? gémis-je en serrant mon ventre entre mes doigts, comme si cela pouvait calmer ma tristesse et repousser mon angoisse.
Elle acquiesce rapidement et me murmure qu'elle arrive le plus vite possible puis rompt le contact en me disant de sortir sur le parvis. Je vérifie que personne n'est aux alentours et presse mon poing contre ma gorge en déglutissant une bonne dizaine de fois puis me lève, ma jambe valide tremblante menaçant de me laisser m'écrouler contre le bitume. Ma conscience elle-même cherche à me rassurer mais je me retiens de lui hurler que tout est sa faute, car elle et moi faisons partie de la même et unique personne, Théa Judensky, alias la fille amoureuse qui réagit de la pire des façons jamais connues.
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