« L'amour interdit est souvent le plus fort,
car il doit surmonter des obstacles pour exister. »
Anonyme
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Théa n'a qu'une envie lorsque ses parents lui annoncent un nouveau déménagement : se perdre dans les îles Caraïbes où elle demeurait dans la...
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Une parole. Un mot. Je frissonne.
Voix grave. Prenante. Je reste pantelante, muette, quelques instants à peine.
- Salut, je réponds, sans trop savoir pourquoi.
- Ça va ?
- Mieux.
L'ascenseur continue de monter, et le silence de grandir, de nous englober tout entiers.
- Qu'est-ce-que tu me veux ? je souffle en le dévisageant les yeux plissés.
Il est tout de même terriblement attirant. Son côté sombre renforce cet aspect de sa personnalité ; il me fait penser à un jeune homme incompris qui a été contraint de s'oublier dans le mal, de sombrer dans la démence, à cause de quelque chose qui m'est inconnu.
- Rien. Je sais qu'elle t'a fait du mal. Ma sœur ne sait pas mentir.
Les portes s'ouvrent, il se décroche du pan de mur métallique.
- Je suis désolée, j'aurais dû te défendre, la miss.
Je ne réponds pas et il me laisse seule avec un dernier regard en arrière. Je me laisse glisser au sol, ne me relève que lorsque mes pensées sont redevenues claires.
Respire, Théa. Tout va bien se passer, va voir Esther. Respire.
Ce mec me drague ouvertement, alors qu'il a failli tuer Luna Charleston, et que sa sœur a presque fait la même chose avec moi ?
Je serre la barre qu'il tenait quelques instants auparavant et ferme les paupières. Tout va bien. Quelques secondes passent, j'inspire, expire, puis je me redresse enfin et me dirige vers la porte de ma nouvelle amie, qui ouvre avant que ma main n'ait eu le temps de toquer.
- Ça va ?
Elle me serre dans ses bras, je ne réponds pas et réponds à son étreinte intime qui me fait frémir de plaisir, ça fait trop du bien d'avoir quelqu'un sur qui compter, même si on vient de rencontrer ce quelqu'un...
- Mieux maintenant que je suis là...
- Je me trompe, ou il s'est passé quelque chose que tu ne m'as pas dit entre le moment où je t'ai vue à la fenêtre et celui où tu es arrivée devant ma porte ? demande-t-elle en me regardant d'un œil inquisiteur, une moue boudeuse sur le visage.
- Tu te trompes, je lui mens sans difficultés. Je suis juste contente d'avoir pu échapper à ma famille de fous...
Elle m'entraîne dans sa chambre sans insister, l'appartement est vide, peuplé seulement par un chat au poil touffu ; normal, puisqu'elle vit seule depuis le mois dernier. Ça doit être agréable de ne plus avoir à gérer toutes les affaires de sa famille, je songe.
- Alors ! Tu m'as parlé de ce talent, je veux le voir !
J'aurais aimé lui parler de mes secrets, de ma famille avant qu'elle n'entende n'importe quoi par les rumeurs, à cet instant, mais je n'en ai pas eu la force, et évoque simplement de la danse - en omettant l'écriture, car cela aurait impliqué lui montrer mon journal, et je souhaite que celui-ci reste caché. Je pose ma veste et mes chaussures dans un coin de la pièce, sous et sur un dossier de chaise, enfile mes chaussons roses et effectue quelques pas gracieux, les bras dressés au-dessus de la tête.
À la fin de ma prestation, Esther bat des mains, les yeux brillants, se mord la lèvre, fonce dans la pièce voisine et revient avec un dépliant qu'elle me tend, tout sourire.
- C'est une option danse présente au lycée, elle va probablement t'intéresser... Quelques cours d'essai sont autorisés sans l'accord de tes parents...
Disant cela, elle me glisse un clin d'œil et un sourire, je saisis le feuillet du bout des doigts et le serre contre mon cœur en la remerciant énormément. Son visage s'illumine et elle me prend par le bras pour m'entraîner dans la cuisine. Un doux fumet émane du four, l'eau me monte à la bouche quand elle sort un marbré au chocolat et plante un couteau au centre pour tester la cuisson.
- J'ai fait une pâte à crêpes salées, ça te va ?
Je hoche la tête si vite qu'elle pourrait s'envoler à l'autre bout de la pièce, ça la fait rire et elle lance le feu sous la poêle prête pour notre repas.
- Installe toi, je t'en prie !
Je prends une place, lui verse le jus de pomme présent sur la table et avale mon verre cul sec. Brian m'était complètement sorti de la tête, j'en prends conscience avec fierté.
- À taaaaaable ! appelle Esther, nous ramenant, moi et mon imagination, les deux pieds sur Terre.
Je me précipite pour l'aider à mettre les crêpes au jambon et au fromage dans nos assiettes qui se vident rapidement...
Dans la soirée, repue, je pense à Luna et à son petit copain. Ils doivent tous deux être au bal d'hiver en cet instant, et il faut dire que je les envie un peu. La jeune fille à l'air d'être le genre de personne appréciée de tous, malgré les péripéties qui lui sont arrivées avec Brian et sa sœur - d'ailleurs, il faudra absolument que je la questionne sur ce sujet.
- Gagné ! s'écrie Esther en jetant ses cheveux roux en l'air comme une top model. J'ai gagné !
- Bien joué ! lancé-je en lui tapant dans la main.
Mon esprit est ailleurs, elle le sait et le voit, mais ne fait pas de remarques, se contentant de ranger les cartes dans leur pile avant de me faire visiter la chambre d'amis, en me désignant du menton le duvet et les draps disponibles.
- Merci beaucoup de m'accueillir, lui marmonné-je en la serrant contre moi. Je peux t'emprunter la salle de bains ?
Elle acquiesce et me montre le chemin avant de me laisser seule dans la salle miniature. À genoux sur les toilettes, je contemple de près mon reflet, et avec un gant de toilette, fais disparaître les traces de maquillage de mon visage, ses ombres vagues et mes cils courts me paraissant mornes sans une couche de superflu.
- Tout va bien, Théa. Tout va bien.
Mon regard bleu perçant fixe celui de la personne d'en face, et ensemble, nous inspirons un grand coup ; expirons. Après quelques respirations encore saccadées, mon souffle se calme, et mon rythme cardiaque redescend avec lui. Tout va bien.
Je saisis un verre posé au bord du lavabo, le serre fort dans mes mains en le tenant près de ma poitrine, après quelques secondes, rester immobile me permet de me calmer, et il m'en faut une poignée d'autres pour réussir à reprendre des couleurs normales afin de sortir de la salle de bains dans que mon amie ne s'inquiète.
Tout va bien.
Tout va... bien.
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