L'Enfer c'est toi #2

•| 26|| Sortir de ses gonds

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Quand je me réveille, le lendemain, mon front est trempé de sueur et un masque de larmes roule toujours sur mon visage. Ma bouche est pâteuse et mes cordes vocales sensibles à cause d'avoir crié de désespoir. J'ouvre péniblement les yeux et papillonne pour tenter d'apercevoir quelque chose malgré le malaise qui ne m'a pas quittée, et c'est là que je distingue les silhouettes assises près de moi. La première est brune, les cheveux tressés, et agrippe un plateau contenant une assiette de nourriture et un jus de fruits. Elle me contemple en inclinant la tête sur le côté, les sourcils plissés d'inquiétude. Esther est à côté, ses boucles rouges en bataille comme si elle était restée près de moi toute la nuit. Sa main est posée sur l'épaule de Lù qui frissonne et je prends conscience qu'elle a dû tout lui raconter.

Luna se lève et s'approche de moi à pas lents, ses pieds frottant contre le sol se répercutant dans mon crâne augmentant ma migraine. Elle dépose le plateau sur ma table de nuit après l'avoir dégagée pour avoir assez de place. Elle joue des sourcils en me tendant le verre de jus de fruits que je repousse en secouant la tête. Mon amie ne veut rien entendre et me le cale dans les mains sans attendre pour croquer un gâteau qu'elle sait pertinemment que je ne vais pas manger.

— C'est le moment de parler, Théa, finit-elle par me glisser en époussetant les miettes de biscuits sur ma couette en guise de punition.

— On a besoin de savoir ce qui se passe pour que tu sois dans un état pareil, renchérit Esther en se rapprochant à son tour. Qu'est-ce qu'il s'est passé ?

J'avale une gorgée du contenu du verre en espérant retrouvée ma voix avant de le reposer un peu trop violement sur ma table de nuit, accompagné d'un soupir lourd de sens. Mes amies me lancent des regards insistants, mais je ne suis pas capable de répondre, car cela me prouverait que tout ce qu'il se passe est bien réel, et je ne suis pas prête d'accepter la vérité des choses. Il est beaucoup plus facile de les ignorer. Le fait qu'elles sachent que quelque chose se trame m'empêche de rester dans le déni et je leur en veux pour cela. Je préférerais rester dans mon lit jusqu'à ma majorité en espérant que les quelques mois qui me séparent de celle-ci me laissent le temps de penser à autre chose, peut être d'oublier les horreurs que j'ai dites à Brian pour prendre un nouveau départ lorsqu'il sera l'heure de me réveiller.

— Il ne s'est rien passé ok ? Enfin si, j'ai totalement merdé, mais ça vous concerne pas !

— Tu te fiches de nous, rassure nous ? grogne Luna en serrant les dents, les yeux lançant des éclairs.

L'expression qui se peint sur son visage me serre le cœur de tristesse et de peur car je ne l'ai jamais vue aussi blessée et en colère. Esther soupire en me détaillant tout en secouant lentement la tête, un point sur la hanche. Elle sait très bien ce que je fais, repousser tout le monde car je ne souhaite pas qu'on m'aperçoive être aussi vulnérable.

— J'ai tout fait pour toi, je suis allée jusqu'à pardonner un mec qui m'a agressée parce que je sais ce que ça fait de ressentir des sentiments qui nous sont interdits. Tu te rends compte du self-control que ça m'a demandé au début, quand tu me parlais de lui ? Et bordel, maintenant que ce garçon est fou de toi, tu le fais poireauter pendant des semaines avant de le jeter, et en plus de ça, tu viens te plaindre ? Mais reste dans ton coin, Théa ! On veut plus de toi, ça y est ! Arrête ton cirque, un jour ! Faut que tu te rendes compte que tu as beaucoup de chance d'avoir un entourage comme le tien. Mais cette chance, malheureusement pour toi, tu l'as gâchée.

Esther pose une main sur l'épaule de Lù et la presse comme pour la ramener à la réalité, ce qui semble marcher car mon amie plisse les yeux, bat des paupières et une larme glisse sur sa joue rougie par sa colère trop longtemps retenue. Mon amie recule de quelques pas en se mordant la lèvre, semble hésiter puis reprend d'une voix moins assurée :

— Je voudrais te dire que je suis désolée, parce que c'est ce que je dis tout le temps à tout le monde, mais ça serait te mentir. Je dois arrêter de prendre sur moi. Maintenant je souhaite arrêter d'opprimer ce que je pense, parce qu'au fond, communiquer c'est tout aussi bien, avoue-t-elle en baissant les yeux, puis elle se racle la gorge. Bonne journée, Théa. Je m'en vais.

Une odeur de brûlé semble flotter dans l'air après le départ précipité de la jeune fille. C'est quand Esther essuie une larme sur ma joue que je me rends compte que mon visage est dégoulinant d'une tristesse rancunière. Je ne sais pas où mon corps trouve de l'eau à pleurer étant donné que je pensais avoir vidé mes réserves hier soir et cette nuit...

— J'en ai assez de tout faire foirer, sangloté-je en agrippant les draps entre mes doigts. D'abord Brian puis Lù... je ne veux pas me retrouver seule...

— Tu veux me parler de ce qu'il s'est passé ? bredouille mon amie en ramenant une de ses boucles de feu dans la pince maintenant son visage dégagé. Ou tu préfères que je m'en ailles aussi ?

Elle se glisse à mes côtés sous la couverture et pose sa tête sur mon épaule alors que je me mets à trembloter en repensant à toutes les horreurs que j'ai sorti à la personne que j'ai sûrement le plus aimé de ma vie. Quelle fille odieuse je fais...

Quelques minutes plus tard, Esther presse ses mains dans les miennes pour me réconforter et le murmurer que tout ça bien se passer. Mais je n'arrive plus à y croire cette fois.