Chapitre 1 | Le manoir (2)

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Je reprends enfin ma respiration à cette dernière pensée. Rendre ma mère fière a toujours été ma motivation première depuis que je suis petite. Je n'ai grandi qu'avec elle, je lui dois tout. Nous avons toujours vécu avec le minimum, cependant ma mère se démenait toujours pour que je ne le ressente pas. Elle n'hésitait pas à faire des heures supplémentaires pour m'acheter de nouveaux vêtements, afin que je sois à la mode au collège. Elle tâchait toujours de garder une partie de sa paie pour me payer des cours de danse, bien qu'à l'âge de treize ans, je sois devenue consciente de ses sacrifices et aie demandé à arrêter pour éviter une dépense de plus. Elle n'a jamais accepté. Ma mère est mon pilier dans la vie. Peut-être que le fait qu'on n'ait pas toujours vécu des moments faciles et que l'on ait toujours été toutes les deux explique notre proximité. Aujourd'hui, j'ai enfin l'occasion de lui rendre service, alors il est hors de question que je cède à l'anxiété ou à tout autre sentiment négatif.

J'arrive finalement dans la salle de repos des domestiques. Je repère très facilement Jérôme. Même sans la description donnée par ma mère, je pense que j'aurais pu le reconnaître aisément : il se tient extrêmement droit et porte un monocle à l'œil droit. Le cliché que je me faisais des majordomes finalement. Il scrute soigneusement chacun des domestiques, la tête légèrement penchée en arrière, comme pour avoir une vue plus large de la pièce.

Tandis qu'il ne semble pas encore occupé, je décide de me présenter immédiatement à lui. J'emprunte un ton qui se veut enjoué, mais trahi par des vibrations dans la voix, causées par le stress :

— Bonjour Monsieur. Je suis...

Je m'interromps à l'instant où Jérôme baisse son regard sur moi, trente centimètres plus bas. Il hausse un sourcil et remets son monocle en place. Sérieusement, j'ignorais que des gens portait réellement des monocles de nos jours. Cela donne un certain style.

— Bonjour Madame, répond-t-il avec une voix beaucoup plus douce et agréable que je ne l'avais imaginée. Vous devez être la fille de Paula, n'est-ce pas ?

— Oui, Monsieur, c'est exact. Je suis Mia Cruzado.

Un petit sourire se dessine sur son visage :

— Très bien. Paula est une femme remarquable, il va de soi que sa fille le soit également.

— Oh ! Euh... Merci Monsieur. Je vais faire de mon mieux.

Je ne pensais pas le voir sourire si rapidement, après toutes les descriptions que ma mère m'a faites de ce personnage. Je suis ravie de constater qu'elle a tout de même raison sur le fait qu'il est beaucoup plus chaleureux que l'image qu'il dégage au premier abord.

Jérôme me fait un rapide tour du propriétaire et m'indique chacune des pièces dans lesquelles je vais devoir travailler aujourd'hui. Heureusement pour moi, on m'a assigné des tâches simples, afin que je ne sois pas perdue. Il insiste également sur le fait qu'il ne faut pas que j'hésite à m'adresser à lui ou n'importe quel autre membre du personnel, si j'ai besoin d'aide.

Je le remercie chaleureusement et me sens de moins en moins stressée à la perspective de cette journée. J'enfile mon tablier, prends les accessoires dont j'ai besoin pour mes premières tâches et quitte la salle de repos, direction l'aile ouest du manoir, pour le nettoyage de la bibliothèque.

En chemin, je remarque la parfaite symétrie de l'architecture et la minutie des détails dans chaque recoin. Chaque élément semble avoir été conçu pour impressionner et intimider, des moulures complexes aux coins des plafonds aux vitraux colorés qui laissent filtrer une lumière tamisée. Je m'attendais à quelque chose d'assez clair, comme l'extérieur de la propriété, mais il se trouve que c'est tout le contraire. Les murs sont recouverts d'un bois sombre, le sol est un parquet dans la même teinte que les murs, couvert d'un tapis en velours rouge qui fait toute la longueur du couloir et qui indique les chemins dans ce labyrinthe. La luminosité est assez faible, non seulement à cause de la nuit encore présente à l'extérieur, mais aussi à cause des appliques murales qui émettent une faible lumière, rappelant des flammes. L'air est imprégné d'une légère odeur de cire et de vieux livres, créant une atmosphère à la fois rassurante et mystérieuse.

Je prends mon temps pour admirer les portraits accrochés aux murs. Ces tableaux semblent me suivre du regard, ajoutant une touche presque surnaturelle à l'ensemble. Chaque portrait raconte une histoire de richesse et de pouvoir, de générations de Montclar ayant façonné leur empire. Je ne réalise pas que ma mère travaille dans un tel endroit tous les jours. C'est très beau, j'ai la sensation d'être dans un château que je visite, sauf que là, je suis quasiment seule à profiter de la beauté des lieux.

Je marche, je suis les couloirs et me perds dans mes pensées. J'apprécie le moment, jusqu'à ce que je me souvienne la raison pour laquelle je suis là. Mince, je ne suis pas une touriste, je dois m'occuper de nettoyer la bibliothèque.

Je tourne sur moi-même pour essayer de me repérer, mais je me rends vite à l'évidence : je me suis perdue. Impossible pour moi de savoir où je suis par rapport à l'aile ouest. Je marche doucement, comme si je ne devais pas être là (ce qui est vrai). Je tends l'oreille à la recherche d'autres domestiques qui pourraient me rediriger dans cet immense manoir.

Les ombres dans les coins des couloirs semblent s'étirer et se rapprocher de moi, comme si le manoir lui-même était vivant et m'observait. Les murs silencieux semblent m'oppresser de plus en plus à chaque pas, comme s'ils se refermaient lentement sur moi. Mon optimisme disparaît assez vite et cède la place à la panique. Mon cœur bat vite et mes mains deviennent moites. Je pense instantanément à ma mère, moi qui voulais la rendre fière, j'espère que mon inattention ne lui portera pas préjudice dans son travail.

J'essaie de trouver le centre du manoir, à partir duquel, Jérôme m'a indiqué le chemin vers la bibliothèque. Je marche assez rapidement, tout en restant discrète, dans les couloirs du manoir qui s'apparente plus à un labyrinthe qu'à une maison pour moi. Chaque porte que je croise est fermée, chaque couloir que j'emprunte semble identique au précédent, augmentant mon sentiment de désorientation. Sérieusement, comment peut-on habiter dans un endroit aussi grand ? J'ai toujours vécu dans moins de quatre-vingts mètres carrés, et je trouve que c'est suffisant.

Je balaie mes pensées et me reconcentre sur mon objectif de rejoindre la bibliothèque au plus vite, sans me faire remarquer. J'emprunte des couloirs au hasard, sans savoir si cela fait dix minutes que je tourne en rond. Les horloges anciennes qui ponctuent les couloirs semblent rythmer mes pas avec leur tic-tac incessant, ajoutant à mon sentiment d'urgence. La décoration uniforme du manoir ne me donne aucun indice. Tandis que je décide de prendre le prochain couloir à droite, je suis distraite par un bruit provenant de ma gauche. Je tourne rapidement la tête, tout en laissant mes jambes avancer dans la direction choisie par ma tête. Quelle ne fut pas ma surprise lorsque je suis arrêtée dans mon élan en heurtant quelque chose. Ou plutôt quelqu'un.

Mes yeux baissés sur le sol détaillent une paire de chaussures fabriquées dans un cuir qui vaut bien plus cher que tout ce que je possède. Je remonte lentement mon regard, comprenant rapidement que je ne suis pas rentrée dans un domestique ou dans le gentil Jérôme. Non. L'homme qui se trouve face à moi est grand et sa carrure imposante. Habillé d'un costume trois pièces, sa posture n'est que plus intimidante. Mon corps se met à trembler de honte et à cet instant précis, je prie pour disparaître de la surface de cette Terre.

Quand mes yeux croisentenfin le regard de cet homme, mon sang se glace. Ce visage dur marqué par denombreuses épreuves de la vie, ces cheveux argentés coiffés avec le plus grandsoin, cette barbe taillée à la perfection dont aucun poil ne dépasse, maissurtout ces yeux bleus perçants qui ont le pouvoir de pétrifier quiconque lescroise. Il n'y a aucun doute sur l'identité de cet homme. Je l'ai vu desmilliers de fois à la télévision et dans les journaux. Il est un des hommes lesplus riches de France, si ce n'est de la planète. Mais il est également lepropriétaire de ces lieux : Bernard de Montclar.


***

Hello, j'espère que vous allez bien !

- Que pensez-vous qu'il va se passer pour Mia ?

- Qu'avez-vous pensé de la fin du chapitre ?

D'ailleurs, à quelle heure voudriez-vous que je poste les chapitres ? Qu'est-ce qui vous convient le plus ?

Je vous souhaite une bonne journée et à demain !

xoxo


Un Mal pour un BienOù les histoires vivent. Découvrez maintenant