Chapitre 4 | Deuxième jour (1)

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La nuit a été courte. Lorsque mon réveil sonne à six heures, je ne sais pas si je suis fatiguée ou non. Mon corps est pleinement éveillé, tandis que mes yeux souhaitent rester clos. Je sors tant bien que mal de mon lit et file directement sous la douche. L'eau chaude m'apporte un peu de réconfort, chassant les dernières traces de sommeil. Les gouttes d'eau glissent le long de ma peau, emportant avec elles la lourdeur de la nuit. Une fois propre, je prépare mon petit-déjeuner, puis celui de ma mère que j'apporte dans sa chambre.

— Merci mi hija, me remercie-t-elle en posant son livre sur la table de chevet.

Sincèrement, elle semble avoir meilleure mine que la veille, et cela me soulage fortement. Son sourire est plus lumineux, ses yeux moins cernés. Je l'embrasse et elle me souhaite une bonne journée.

Je ne tarde pas à sortir de l'appartement et me dirige vers le manoir des Montclar pour entamer ma deuxième journée de travail. Comme la veille, j'arrive rapidement à Versailles et retrouve sans difficulté le chemin qui mène à la demeure des Montclar. La rosée matinale scintille sur les feuilles des arbres bordant le chemin, ajoutant une touche de magie à l'aube. Comme hier, je suis émerveillée par le manoir et ce qu'il dégage. J'entre dans la salle de repos des domestiques et consulte les missions qui m'ont été assignées aujourd'hui. Sans perdre de temps, je me dirige immédiatement vers le premier lieu du manoir où je dois travailler, sans me laisser distraire par la décoration cette fois-ci.

Ce matin, je dois m'occuper de nettoyer de fond en comble la salle de réception. J'arrive dans une grande pièce décorée avec goût dans un style dix-neuvième siècle. Les murs sont habillés de boiseries sombres finement sculptées, et de lourdes tentures de velours rouge encadrent les hautes fenêtres. Les tapis persans couvrent le sol, leurs motifs complexes apportant une touche de chaleur à l'ensemble. De grandes vitrines contiennent des centaines de bibelots, qui doivent valoir une fortune. Je suis impressionnée par la collection d'objets précieux qui se trouve dans ce manoir. On dirait un vrai musée. Les plafonds, peints de fresques représentant des scènes mythologiques, sont ornés de moulures délicates et des lustres en cristal pendent majestueusement, reflétant la lumière du matin en mille éclats, projetant des arcs-en-ciel éphémères sur les murs.

Pendant mon ménage, je détaille ces décorations onéreuses. Chaque objet semble avoir une histoire, une origine exotique ou un artisanat remarquable. Il y a beaucoup de petites statuettes en porcelaine, délicatement peintes avec des couleurs pastel. Certaines représentent des scènes bucoliques, des bergères avec leurs moutons, d'autres des figures mythologiques aux postures gracieuses. Des masques en bois, probablement ramenés de voyages, sont également exposés dans les vitrines latérales. Certains semblent provenir d'Afrique, d'autres d'Asie du Sud-Est. Les masques africains, avec leurs expressions mystérieuses et leurs motifs complexes, captivent particulièrement mon attention. Leur bois sombre est parfois incrusté de perles ou de coquillages, et leurs yeux vides semblent vous suivre du regard.

C'est vraiment incroyable. J'aimerais bien savoir combien de pays les Montclar ont visité. Chaque objet témoigne d'une curiosité insatiable pour le monde et ses cultures. Pour ma part, je ne connais que la France et l'Espagne, le pays de ma mère. Mon rêve serait de pouvoir emmener ma mère autour du monde, qu'elle puisse voir les merveilles de notre Terre et retrouver les terres de ses ancêtres, comme elle m'en parle souvent.

Je passe ensuite à la vitrine centrale, la plus imposante et qui fait face à la grande fenêtre de la pièce. Cette vitrine est un chef-d'œuvre en elle-même, en bois d'acajou poli avec des panneaux de verre épais. Dans celle-ci, sont disposés des œufs en porcelaine, ornés de métal forgé et de pierres précieuses. Chaque œuf est une merveille de minutie et d'artisanat. Certains s'ouvrent pour révéler des miniatures cachées, des scènes minutieusement détaillées ou des mécanismes horlogers incroyablement précis. Je reconnais le style des œufs de Fabergé, ces chefs-d'œuvre de joaillerie. Je me demande si cette famille est aussi riche pour en posséder des vrais, sachant qu'il n'y en a moins d'une centaine dans le monde. Quoi qu'il en soit, les Montclar en possèdent une petite dizaine, de tailles différentes et de toutes les couleurs. Les œufs, placés sous des spots lumineux, brillent d'un éclat presque surnaturel, rendant l'ensemble de la vitrine hypnotisant. Les pierres précieuses scintillent de mille feux, attirant irrésistiblement le regard.

J'ai beau m'extasier devant chaque détail de la décoration du manoir, des motifs complexes des tapis orientaux aux cadres dorés des tableaux anciens, je suis pleinement consciente que je focalise mon attention sur autre chose pour ne pas penser à ma mère. Les hauts plafonds ornés de fresques délicates, les meubles en bois finement sculptés, et les vastes fenêtres encadrées de lourdes tentures ne parviennent pas à me distraire complètement. Mais même en faisant semblant, je ne parviens pas à me tromper. J'essaie de penser à n'importe quoi, mais mes pensées finissent toujours par converger vers ce souvenir de mes recherches hier soir. Les pages internet défilent devant mes yeux, chaque symptôme décrit en détail, chaque possible diagnostic de plus en plus inquiétant. Bien que ce matin elle semble aller mieux, son teint n'est pas revenu à la normale, confirmant mes soupçons d'une maladie du foie. Ses yeux, autrefois si vifs, restent ternes, et sa peau a cette teinte jaunâtre qui m'effraie tant. Je ne vois pas ce que cela pourrait être autrement.

Je tente de me défaire de ces pensées parasites jusqu'à la pause déjeuner. Je m'applique dans la réalisation de mes tâches ménagères, dépoussiérant chaque surface avec soin, polissant les objets jusqu'à ce qu'ils brillent, et arrangeant les coussins avec une précision maniaque, en gardant en tête que je remplace ma mère et que je veux qu'elle soit fière. Les domestiques ont leur pause déjeuner à onze heures trente, afin que la famille Montclar puisse déjeuner tranquillement et disposer du personnel nécessaire pour midi trente. Béatrice, l'amie de ma mère, me propose gentiment de déjeuner avec elle et d'autres collègues, mais je décline poliment l'invitation, le ventre et la gorge trop noués pour avaler quoique ce soit.

Durant mes trois quarts d'heure de pause, je reste seule dans la salle de repos des employés. La lumière douce filtrée par les rideaux donne à la pièce une ambiance apaisante. La pièce est simple, avec des tables en bois et des chaises confortables, mais l'atmosphère y est chaleureuse. Des plantes en pot décorent les coins, et un tableau d'affichage est couvert de messages et de photos des employés lors de diverses fêtes et événements. Je m'oblige à manger tout de même une barre de céréales que j'ai emportée ce matin avec moi, histoire de ne pas avoir le ventre vide pour le reste de la journée. Je réfléchis longuement puis décide de prendre un rendez-vous médical pour ma mère, pour ce soir même. J'appelle le cabinet du médecin et donne les informations nécessaires pour ma mère. La voix de la secrétaire est douce et rassurante, une bouée de sauvetage dans ma journée agitée. La secrétaire semble sympathique au téléphone et tente de me rassurer quand je décris les symptômes de ma mère avec une voix tremblante. Sa compassion me réchauffe le cœur et elle parvient à me retirer un poids de la poitrine quand elle m'assure que ce n'est pas nécessairement une maladie grave, juste une petite infection bénigne. Je ferme les yeux un instant, sentant une larme de soulagement rouler sur ma joue. Je la remercie et raccroche avec un sourire qui étire mes lèvres.

***

Bonjour à tous !

Comment allez-vous aujourd'hui ?

- Qu'avez-vous pensé du chapitre ?

- Mia s'angoisse-t-elle pour rien ?

- Que se passera-t-il pour sa mère ?

Merci pour vos votes et commentaires !

xoxo

Un Mal pour un BienOù les histoires vivent. Découvrez maintenant