Chapitre 3 | Inquiétudes (1)

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La journée au manoir touche enfin à sa fin. Ce travail est vraiment épuisant physiquement, et je suis admirative envers ma mère qui le fait tous les jours depuis des années. Le manoir, avec ses pièces infinies et ses meubles anciens, semble se refermer sur moi après cette longue journée de travail, accentuant mon épuisement.

Aujourd'hui, je ressens une pointe d'inquiétude supplémentaire en pensant à ma mère. Elle se donne corps et âme dans son travail, mais je ne peux m'empêcher de remarquer qu'elle est de plus en plus souvent fatiguée. Ces derniers temps, ses yeux semblent un peu plus ternes, et son sourire, bien que toujours présent, est moins éclatant.

En quittant le manoir, j'emprunte le même chemin qu'à l'aller pour rejoindre le train. Les arbres bordant l'allée principale projettent des ombres sinistres sous la lumière des réverbères, et le grincement des graviers sous mes pas ajoute une note de mélancolie à cette fin de journée. Il est dix-neuf heures et la nuit noire est déjà tombée, enveloppant tout d'un manteau d'obscurité. Le ciel est dépourvu d'étoiles, cachées par des nuages épais, rendant l'atmosphère encore plus oppressante. Je me faufile parmi les autres passagers du train, qui semblent aussi fatigués que moi, avant que les portes ne se referment. Les sièges en plastique du wagon sont inconfortables, et l'air est chargé d'une odeur de fatigue humaine, un mélange de sueur et de vêtements humides. Les visages autour de moi reflètent une lassitude similaire à la mienne, un miroir de l'épuisement que ma mère doit ressentir chaque jour.

Quand j'arrive finalement à ma station, la foule dense du train me bouscule, et je peine à me frayer un chemin jusqu'à l'extérieur. Les néons blafards de la gare diffusent une lumière crue qui accentue les cernes sous mes yeux. Je profite un peu du trajet que j'ai à effectuer entre la station et chez moi. Bien que l'air soit glacial, il me fait du bien, rafraîchissant mon esprit embrouillé par la fatigue. Le vent froid s'infiltre à travers mes vêtements, me faisant frissonner, mais cette sensation me réveille et me redonne un semblant de vivacité. Les rues sont presque désertes, les quelques passants que je croise marchent rapidement, les épaules haussées contre le froid, perdus dans leurs pensées. Après toute une journée à l'intérieur, j'avais besoin de prendre l'air. La fraîcheur de la nuit m'aide à clarifier mes pensées, chassant pour un moment les images inquiétantes de ma mère fatiguée et affaiblie. Je lève les yeux vers les fenêtres éclairées des immeubles, me demandant comment les autres familles vivent leurs soirées, espérant trouver un peu de réconfort dans cette routine familière.

En arrivant chez moi, je pousse doucement la porte, prenant soin de ne pas faire de bruit pour ne pas réveiller ma mère si elle est assoupie. A peine je passe le pas de la porte, une délicieuse odeur de tajine chatouille mes narines. Je rejoins ma mère dans la cuisine.

— Ma Mimi, me lance-t-elle en posant ses ustensiles de cuisine. Comment vas-tu ma chérie ?

Elle m'embrasse et me serre faiblement dans ses bras, non par manque d'envie, mais à cause de sa faiblesse physique. Je l'embrasse en retour et lui dis :

— Maman, que fais-tu debout, tu devrais te reposer.

— Non ma chérie, je vais bien.

Je lui tiens la main et sens qu'elle est bouillante. Sa peau est moite, et je ressens la chaleur de sa fièvre à travers ses doigts.

— Non Maman, je proteste. Va te coucher, je m'occupe du dîner.

Mais quand ma mère a une idée en tête, il est presque impossible de la lui retirer. Alors j'abdique rapidement et la laisse finir son tajine. Je dresse la table en lui racontant ma journée, essayant de lui apporter le plus de détails possibles, car je sais que cela lui fait plaisir. Je surveille discrètement ses mouvements, notant chaque signe de fatigue extrême et de malaise. Je lui mentionne mon égarement dans le manoir, que je surnomme maintenant « le labyrinthe », la visite guidée d'Augustin, et la lettre. Ce dernier point la fait bien rire, consciente de mon imagination débordante depuis mon enfance.

Je finis mon récit de la journée, au même moment où ma mère finit la préparation du dîner. Je me lèche les babines en voyant le plat fumant et appétissant que ma mère a concocté tout l'après-midi pour moi.

— Maman, ça a l'air délicieux ! je m'extasie.

Ma mère me sert une portion, mais je remarque qu'elle ne remplit pas son assiette. Inquiète, je lui demande :

— Tout va bien ?

Ma mère serre les lèvres et hoche doucement la tête, avant de m'expliquer :

— Ce n'est rien, je n'ai juste pas un grand appétit en ce moment.

— Mange quand même un peu, il faut que tu prennes des forces.

Avant qu'elle n'ait le temps de contester, je lui serre une petite assiette de tajine et ne lui laisse pas le choix. Elle accepte et mange ce que je lui ai servi, bien que lentement. Je vois la difficulté qu'elle éprouve à avaler chaque bouchée, et mon cœur se serre de la voir ainsi.

Le dîner se déroule en silence. J'observe discrètement ma mère, affaiblie par la fièvre. Son teint, habituellement doré, a pris une teinte jaunâtre qui ne me plaît pas du tout. Je repense aux derniers jours, où elle semblait de plus en plus fatiguée, dormant plus longtemps et mangeant moins. Je chasse cette pensée de mon esprit, pour ne pas montrer à ma mère mon inquiétude. Elle a besoin de repos avant tout. Nous discutons brièvement après le dîner, mais je remarque que ses réponses deviennent de plus en plus courtes et qu'elle lutte contre la fatigue.

— Va te coucher, Maman, je vais tout ranger, je propose doucement.

Elle hoche la tête et se lève avec difficulté. Je l'aide à se préparer pour se mettre au lit et la borde tendrement. Alors que je m'apprête à lui souhaiter une bonne nuit, elle m'attrape le poignet, comme pour capter pleinement mon attention.

— Mimi, c'est adorable ce que tu as fait pour moi aujourd'hui. Mais ne te sens pas obligée de recommencer demain. J'irai sûrement mieux !

Pas besoin d'être médecin pour comprendre que son état ne s'améliorera pas d'ici demain. Avec calme, je lui dis :

— Ne t'en fais pas, cela ne me dérange pas. Tu as seulement besoin de beaucoup de repos pour te remettre sur pied.

— Je n'ai pas envie que tu sacrifies tes projets pour moi.

— Tu l'as tellement fait pour moi, c'est normal que je te rende la pareille pour une fois.

Je la sens extrêmement gênée. Elle tente de riposter, mais je suis plus rapide :

— Maman, je t'assure que cela ne me dérange pas. En plus, en ce moment je n'ai pas de projet en cours. Je suis en pleine recherche d'emploi, alors te remplacer ne me bloque absolument pas.

Je vois que je ne l'ai pas pleinement convaincue, mais la fatigue et la fièvre sont trop fortes pour qu'elle se lance dans ce débat, que je gagnerais très certainement. Je l'aide à s'installer confortablement dans son lit avant de lui déposer un baiser sur le haut de son crâne brûlant de fièvre. Elle me dit qu'elle m'aime et je lui réponds que je l'aime davantage. Puis je quitte la chambre. Elle tombe dans les bras de Morphée avant même que je ne ferme la porte de la pièce.

***

Bonjour, comment ça va ?

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- Comment trouvez-vous la relation entre Mia et sa mère pour l'instant ?

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N'oubliez pas vos votes et vos commentaires et je vous donne rendez-vous demain !

xoxo

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