Chapitre 6 | Diagnostic (2)

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Le soleil commence à décliner, projetant des lueurs dorées à travers les fenêtres poussiéreuses du manoir. Une couleur orange habille le ciel, annonçant ainsi la fin de ma journée au manoir. Je me relève lentement, essuyant les traces de larmes sur mon visage et rassemblant mes affaires avec des gestes mécaniques. Je rentre chez moi d'un pas déterminé, l'esprit totalement vide. Chaque pas résonne lourdement sur les pavés, et je m'applique à ne penser à rien, car je sais que demain, ce sera plus compliqué de vider ma tête.

Un lourd silence, rempli de doutes et de craintes, pèse sur ma mère et moi, durant la soirée. Chaque tic-tac de l'horloge résonne comme un rappel incessant du temps qui passe, intensifiant notre anxiété. Nous discutons de tout et de rien. Les sujets sont banals, les mots vides, comme si nous essayions de remplir le vide qui s'étend entre nous. De tout, sauf de ce sujet que nous redoutons chacune de notre côté. Ces non-dits sont assourdissants. Le bruit de la télévision en fond ne parvient pas à masquer le poids de notre inquiétude.

Ma mère finit par se coucher. Je la regarde s'installer dans son lit avec des gestes lents et mesurés, ses mouvements trahissant sa fatigue et son inquiétude. Nous nous disons que nous nous aimons, nous nous prenons dans les bras l'une de l'autre et nous nous serrons pendant dix minutes. Ce câlin est différent de tous ceux que nous avons pu nous échanger au cours de notre vie. Habituellement, nos étreintes sont remplies d'amour et de joie. Celle-ci est certes pleine d'amour, mais nos corps sont crispés, accrochés l'un à l'autre comme si c'était la dernière fois. Je sens la chaleur de son corps contre le mien, et la profondeur de notre connexion rend ce moment encore plus poignant. J'étrangle mes sanglots, tandis que je sens ma mère humer mes cheveux et enfoncer sa tête dans mon cou. Son souffle chaud sur ma peau et ses mains légèrement tremblantes accentuent ma propre détresse. J'ai la sensation que c'est à mon tour de la protéger, d'endosser son rôle de protectrice. Je dois me montrer forte et sereine pour elle.

Lorsque nous nous détachons, je lui remets une mèche de cheveux, collée sur son front, derrière l'oreille. Son visage fatigué est illuminé par la faible lueur de la lampe de chevet, révélant des cernes profonds et une tristesse infinie dans ses yeux. Doucement, je lui chuchote :

— Allons dormir. Nous nous levons tôt demain.

J'éteins sa lampe de chevet et me couche à côté d'elle pour cette nuit. Je peux sentir sa présence rassurante à mes côtés, son souffle régulier me berce. Contrairement à ce que j'aurais pensé, je trouve rapidement le sommeil. Le poids de la fatigue émotionnelle et physique finit par l'emporter. Je ne rêve pas cette nuit, du moins je ne me souviens pas de mes rêves. Le sommeil est profond, une évasion temporaire de la réalité oppressante qui nous attend au réveil.

Je me réveille sans avoir la sensation d'être reposée. Les draps sont froissés autour de moi, témoignages de mes mouvements agités durant la nuit. La fatigue accumulée ces derniers jours, ajoutée au stress que j'ai pour ma mère, n'aident certainement pas. Mes yeux sont lourds, et chaque muscle de mon corps semble crier sa lassitude. Comme hier soir, nous passons notre petit-déjeuner entre deux conversations qui portent sur le beau temps ou des nouvelles de nos amis. Pas plus. Le café, pourtant fort, ne parvient pas à dissiper la brume de mes pensées. Ma mère mange en silence, ses gestes lents et mesurés, trahissant son propre épuisement.

Une fois prêtes, nous quittons l'appartement et le claquement de la porte brise le silence qui s'était installé, me faisant sursauter. L'air du matin est frais, piquant mes joues, et chaque pas vers la voiture semble résonner avec une gravité nouvelle. Nous arrivons chez le médecin de ma mère, et j'esquisse un sourire qui se veut rassurant.

— Tout va bien Maman ?

— Oui ma Mimi, je vais bien. J'ai juste hâte de connaître le diagnostic.

— Moi aussi, je lui confie.

Mais mes paroles sonnent creuses, un écho de ce que j'aimerais croire.

Le médecin nous accueille, le visage neutre. Sa blouse blanche contraste vivement avec la froideur clinique du bureau, et ses yeux ne révèlent aucune émotion. Il ne laisse rien transparaître, c'est impossible de décrypter quoi que ce soit. Nous le suivons silencieusement dans son bureau et attendons sagement le diagnostic. Les murs sont ornés de diplômes et de certificats, mais aucun de ces témoignages de compétence ne parvient à apaiser mon angoisse.

Après quelques formalités, le médecin aborde enfin le sujet des résultats :

— Donc comme je vous l'ai annoncé au téléphone hier, j'ai reçu les résultats.

Son ton devient soudainement sérieux. Une lourdeur envahit la pièce, palpable et suffocante. J'attrape la main de ma mère pour lui montrer mon soutien. Sa peau est froide et légèrement moite, et je ressens la peur qu'elle tente de masquer. Je manque de lui broyer la main, quand le médecin annonce :

— Madame Cruzado, je suis au regret de vous apprendre que vous souffrez d'une insuffisance hépatique.

Le silence se fait lourd dans la pièce, chaque mot semble résonner et s'attarder dans l'air. Le visage du médecin, habituellement impassible, montre une ombre de tristesse. Ma mère reste figée, ses doigts serrant les miens avec une force inattendue.

— Que cela signifie-t-il ? articule ma mère avec difficulté, tandis que je suis incapable parler.

Sa voix est à peine un murmure, tremblante, comme si chaque syllabe était un poids qu'elle devait soulever. Ses yeux, grands ouverts, cherchent désespérément une lueur d'espoir sur le visage du médecin.

— Il s'agit d'une dégradation sévère de vos fonctions hépatiques, explique le médecin en marquant une pause, en cherchant ses mots, et en mesurant l'impact de ce qu'il va dire. Cela est due à un trouble qui endommage votre foie.

Il marque une nouvelle pause, observant nos réactions, et continue avec une gravité palpable :

— Cela survient généralement soudainement.

Le médecin scrute nos deux visages, puis répond à la question que nous lui posons silencieusement :

— C'est assez grave.

Le silence qui suit est assourdissant. Mon cœur s'arrête de fonctionner. Mes poumons expirent une dernière fois. La pièce semble se refermer sur nous, les murs se rapprochent et l'air devient plus lourd. La Terre s'arrête de tourner. Le temps se retrouve suspendu. En moins de quatre semaines, ma vie a basculé, sans prévenir. Je sens une froideur glaciale envahir mon être, et une nausée monte, menaçant de me submerger. Je n'ose pas poser les yeux sur ma mère, par peur que ce soit la dernière fois. Je fixe un point invisible sur le bureau du médecin, essayant de comprendre comment tout cela est arrivé si vite, comment notre monde a pu changer en un instant.

***

Hello !

- Quels sont vos avis sur ce chapitre ?

- Comment tout cela va finir selon vous ?

- Avez-vous des prédictions pour la suite de l'histoire ?

Je vous remercie de nouveau pour vos votes et commentaires ! A demain !

xoxo

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