Chapitre 1 | Le manoir (1)

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— C'est absurde ma Mimi, me lance ma mère depuis sa chambre, tandis que j'enfile ma tenue pour mon premier jour de travail.

— Je ne vois pas pourquoi, je lui rétorque.

J'entends qu'elle bouge dans son lit, alors je me précipite à ses côtés pour l'en empêcher. A peine arrivée, elle poursuit :

— Ma Mimi, tu ne vas pas reprendre mon travail.

Je hausse les épaules pour lui montrer que cela ne me dérange pas d'endosser son rôle le temps qu'elle se rétablisse. Elle tente de protester, mais je la coupe :

— Maman, cela ne me pose aucun problème. Je t'assure.

Et c'est vrai ! Depuis quelques semaines, ma mère rentre épuisée de son travail et semble peiner à récupérer des forces. Je suppose qu'elle a dû attraper une grippe ou une autre de ces maladies courantes en hiver. C'est pourquoi j'ai insisté pour prendre sa place en tant que femme de chambre, le temps qu'elle se remette sur pied.

Cependant, je vois que cette situation la gêne profondément. Elle qui a toujours veillé à prendre soin de moi et de subvenir à mes besoins, voilà qu'elle se retrouve dépendante de son propre enfant. Elle essaie de dissimuler son embarras, mais ses yeux trahissent une inquiétude mêlée de fierté mal placée. Je m'approche d'elle et prends délicatement sa main, sentant sa peau rugueuse, témoin de toutes ces années de dur labeur.

— Maman, cela me fait plaisir de te soulager de ton travail, juste le temps que tu te rétablisses !

— Je...

— Non, pas de « je » qui tienne. Maintenant, repose-toi et promets-moi de te relaxer, d'accord.

Elle hoche timidement la tête, tandis que je la borde dans son lit. Je dépose un baiser délicat sur le haut de son crâne et constate qu'elle a déjà cédé à la fatigue.

Je sors discrètement de la chambre de ma mère, en tirant doucement la porte pour ne pas la réveiller. Je rassemble les affaires que ma mère m'a soigneusement préparées pour ce remplacement temporaire, dont un tablier blanc impeccablement repassé, que je dois porter par-dessus ma blouse noire, un peu trop grande pour ma taille.

Je relis rapidement la note laissée par ma mère sur la commode de l'entrée, m'expliquant le déroulé de la journée :

« Arrivée à sept heures trente au manoir, tu entres par la petite porte en bois sur la gauche du portail. Tu n'auras qu'à suivre le chemin de terre, qui te mènera directement à l'entrée de derrière, où se trouve la salle de repos, qui sert aussi de vestiaire, aux employés de la famille de Montclar. A partir de là, ce sera très simple pour toi, il te suffit seulement de suivre le mouvement des autres employés et de t'adresser à Jérôme, le majordome de la famille depuis trente ans. Tu le reconnaîtras facilement, il est très grand et chauve. Tu ne seras pas autorisée à garder ton téléphone portable sur toi, donc si tu as le moindre souci, réfère toi à Jérôme (sous ses airs hautains se cache une personne avec le cœur sur la main) ou bien à Béatrice, que tu as déjà rencontrée à plusieurs reprises. Je l'ai prévenue de la situation, elle sera ravie de t'aider si besoin. Merci ma Mimi pour ton aide, tu es un ange. Te quiero mucho mi hija. »

Je plie soigneusement la note et la glisse dans la poche de mon tablier, pour qu'elle soit facile d'accès si besoin. J'enfile mes chaussures noires, puis rajuste une dernière fois mon chignon dans le miroir, afin de ne laisser aucun cheveu rebelle, même le plus court, s'échapper. Je tiens à être la plus irréprochable possible. Il s'agit du travail de ma mère, je n'ai pas le droit au moindre faux pas.

Je sors de l'appartement un peu avant sept heures et me dirige vers le train qui mène à Versailles, où se situe le manoir des Montclar. Je n'ai jamais vu la demeure de cette riche famille, mais ma mère m'en parlait souvent lorsque j'étais enfant. Dans ses récits, elle décrivait chaque pièce avec tant de détails que je pouvais presque les visualiser. Je me suis toujours imaginée un immense château rose, comme celui de Disneyland, mais je ne me leurre pas, ce ne sera très certainement pas le cas.

Les rues sont déjà assez fréquentées en ce matin de février, bien qu'il fasse encore nuit. Je parviens à me faufiler in extremis dans le train et m'assois à côté d'un homme en costume. L'air de la rame est chargé d'une odeur de café et de fatigue matinale. Je regarde per la fenêtre les lumières de la ville défiler et ressens un mélange d'excitation et de nervosité. Le trajet passe assez vite, deux stations plus tard, me voilà à Versailles. J'entre l'adresse des Montclar sur le GPS de mon téléphone et constate que je n'ai qu'une petite dizaine de minutes de marche.

Je couvre mon visage dans mon épaisse écharpe, pour faire barrage au froid polaire. Plus je m'éloigne du centre-ville, plus je sens le froid me congeler et me paralyser les extrémités du corps, en commençant par chacun de mes dix doigts.

J'arrive finalement dans un lieu isolé au milieu de ce qui me semble être un bosquet. Les arbres, majestueux et imposants, se dressent autour de moi comme les gardiens silencieux d'un trésor caché. Je me souviens que ma mère me l'avait évoqué en m'indiquant le chemin depuis la gare. Et comme prévu, je vois apparaître le fameux manoir. Bien que je me sois préparée à voir une immense demeure, je suis tout de même impressionnée par sa taille en réalité. Le manoir se dresse devant moi avec une grandeur presque irréelle, ses murs en pierre blanche scintillant doucement sous la lumière tamisée du matin. Chaque fenêtre semble raconter une histoire, chaque pierre murmurant des secrets anciens. Comment est-ce possible d'habiter dans un lieu pareil ? Même la famille Carrington dans la série Dynastie n'aurait rien à envier. Face à moi se dresse une sorte de château en pierres blanches, avec un toit en tuiles noires et entouré d'un sublime jardin verdoyant, malgré la période hivernale dans laquelle nous nous trouvons.

Le jardin lui-même est un spectacle à couper le souffle, avec des haies parfaitement taillées, des allées sinueuses bordées de buis et des statues de marbre blanc qui semblent veiller sur les lieux. Les arbres, bien que dépouillés par l'hiver, gardent une élégance naturelle, leurs branches s'entrelacent comme une tapisserie complexe contre le ciel gris.

Je rejoins la petite porte en bois que ma mère m'a évoquée dans sa note. Plusieurs employés de la famille sont déjà arrivés, ce qui me rassure, car je n'ai plus qu'à suivre le mouvement pour ne pas me faire remarquer. Je ne suis pas forcément de nature timide, cependant, je me sens bizarre au moment où je rentre dans la propriété des Montclar. L'extérieur du domaine est majestueux ; les jardins soigneusement entretenus et les imposantes statues ajoutent à l'atmosphère grandiose du lieu. Alors que j'avance, les hautes fenêtres du manoir laissent filtrer une lumière douce qui joue sur les murs extérieurs en pierre, créant des ombres dansantes qui ajoutent à l'atmosphère mystique du lieu.

Tout d'un coup, je me sens assez mal à l'aise et pas du tout à ma place. Les autres employés semblent tous savoir exactement ce qu'ils doivent faire, se déplaçant avec assurance et précision. Je tente de me rassurer silencieusement avec des pensées positives, mais la peur d'échouer dans le remplacement de ma mère me rattrape. Je ne dois absolument pas faire de faux pas. Je le dois pour ma mère. Il faut que je la rende fière.

***

Bonjour ! Comment allez-vous ?

- Qu'avez-vous pensé de ce premier chapitre ?

- Dans quelle direction l'histoire va-t-elle selon vous ?

- Qu'aimeriez-vous voir dans ce roman ?

Merci pour vos votes et commentaires ! Je vous dis à demain !

xoxo

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