Chapitre 12 | La demande (1)

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Gabriel et moi déjeunons chacun de notre côté, afin de ne pas éveiller les soupçons, tant que notre histoire n'est pas encore parfaitement rodée. Dans la salle de repos, je me réchauffe mes lasagnes surgelées et partage le temps de ma pause avec Béatrice et certaines de ses amies qui travaillent également au manoir. Leurs voix résonnent joyeusement dans la pièce, et les rires fusent régulièrement, créant une ambiance conviviale et chaleureuse. Leurs conversations animées tournent principalement autour de leurs enfants et petits-enfants, sujet auquel je ne m'identifie pas encore. Elles parlent avec passion des dernières frasques de leurs petits-enfants, des réussites scolaires de leurs enfants, et échangent des conseils sur la vie de famille, laissant entrevoir des vies riches et bien remplies. L'heure de pause touche à sa fin, signifiant que je dois retrouver Gabriel pour poursuivre l'élaboration de notre plan.

Nous reprenons les mêmes places que ce matin pour discuter, mais cette fois, je me sens un peu moins mal à l'aise et adopte une posture plus décontractée. La pièce, dont la vue donne sur le jardin parfaitement entretenu du manoir, devient notre petit sanctuaire de planification.

— Bon, commence Gabriel, le programme de cet après-midi va être d'apprendre à mieux se connaître l'un et l'autre, pour rattraper ces « deux ans » de relation.

— Deux ans ? Ce n'est pas beaucoup ? J'ai peur que cela paraisse louche qu'on prétende sortir ensemble depuis deux ans, et ne le révéler que maintenant pour le mariage.

— Je pense au contraire que c'est très bien. Moins, ce ne serait pas crédible pour le mariage. A moins que tu veuilles qu'on joue le coup des amants qui ont eu le coup de foudre et qui veulent se marier après deux jours.

Je rigole et lui accorde les deux ans. Il a raison, dire qu'on sort depuis moins longtemps pourrait paraître étrange. L'atmosphère se détend un peu plus, et un sentiment de camaraderie naît entre nous. Gabriel m'invite à m'asseoir également en tailleur sur son lit, pour qu'on soit plus détendus et qu'on puisse parler tranquillement. Le lit, recouvert d'une couverture en laine douce et parsemé de coussins confortables, devient un îlot de calme au milieu de notre océan de préoccupations. L'ambiance devient presque intime, propice aux confidences. Il commence par m'interroger :

— Donc dis-moi Mia, peux-tu me parler de toi, de ta vie ? Que dois-je savoir à propos de ma future fiancée ?

Ce mot me fait frémir et me met mal à l'aise. Il résonne dans la pièce, lourd de sens, rendant notre mensonge trop concret, trop réel. Je me détache de ce sentiment et commence mon récit :

— Je suis née un vingt-neuf février, à Bayonne dans le Sud-Ouest. J'ai vingt-cinq ans. D'ailleurs, quel âge as-tu Gabriel ?

— Vingt-neuf ans, le douze mars.

Je fronce les sourcils et réalise rapidement ce qu'il vient de me dire. Je m'exclame :

— Mais c'est demain !

Il se frotte la nuque, à la fois gêné et amusé. Son geste trahit une nervosité inhabituelle, une vulnérabilité que je n'avais pas encore vue en lui. Je suis étonnée de constater que même Gabriel peut être pris de court. Cela me fait plaisir d'arriver à le mettre mal à l'aise à mon tour. Il m'avoue :

— Oui. D'ailleurs, demain nous organisons un dîner pour anniversaire. Je me disais que ce serait pas mal que tu viennes et qu'on officialise à ce moment-là.

Mon cœur manque un battement. Une vague de panique monte en moi, mêlée d'excitation et d'appréhension. Je m'attendais évidemment qu'on l'annonce dans peu de temps, mais pas demain. Gabriel s'inquiète :

— Mince Mia ça va ?

— Je ne pensais pas que tu voudrais qu'on le fasse si tôt...

— Pardon, c'est vrai que j'aurais dû te demander avant. Si tu veux on peut l'annoncer plus tard.

Un Mal pour un BienOù les histoires vivent. Découvrez maintenant