Chapitre 22 | Rien que la vérité (1)

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Gabriel débarrasse soigneusement nos assiettes pour libérer l'espace nécessaire aux plats de fromage. Il apporte ensuite un grand plateau chargé d'une dizaine de fromages différents. Leurs formes variées et leurs couleurs allant du jaune doré au bleu marbré forment un spectacle appétissant. J'en prends un peu de chaque, curieuse de découvrir les saveurs variées, et je grimace à chaque bouchée quand je tombe sur un fromage trop fort pour mon palais sensible. Gabriel se moque gentiment de moi, ses yeux pétillant de malice, avant de m'imiter en grossissant les traits avec une exagération comique.

La nuit est tombée, et maintenant, les étoiles drapent le ciel d'un manteau scintillant. La brise légère fait danser les feuilles des arbres, ajoutant une touche de magie à la scène. Le cadre est incroyablement romantique, avec une atmosphère empreinte de mystère et de douceur. Gabriel a-t-il organisé cette soirée en tenant compte minutieusement de la présence de son père et de sa belle-mère dans le manoir, en sachant qu'ils pourraient nous surprendre à tout moment ? Le fait qu'il ait pris le soin de préparer ce dîner intime semble une décision calculée, ou bien est-ce le reflet de ses véritables intentions ? Ou bien l'a-t-il organisé simplement parce qu'il avait envie de passer un moment en tête-à-tête avec moi, sans arrière-pensée ? Mes pensées se dispersent comme des étoiles filantes dans une nuit étoilée, se mêlant et se confondant. J'ai de plus en plus de mal à distinguer le vrai du faux dans cette histoire, et les frontières entre réalité et illusion semblent se brouiller. L'éclat des étoiles au-dessus de nous semble presque moqueur face à mon incapacité à saisir ce qui est authentique.

J'en viens même à douter de mes propres sentiments. Les émotions que je ressens sont-elles réelles, ou ne sont-elles que des échos d'un jeu complexe de tromperies et de faux-semblants ? Sont-ils réels, ou sont-ils simplement le fruit de ce tourbillon de faux-semblants et de simulacres ?

Me voyant totalement perdue dans mes pensées, Gabriel perçoit mon trouble et exprime son inquiétude.

— Tout va bien Mia ? Tu n'as pas l'air d'être présente depuis que tu es arrivée.

Je secoue la tête et reviens sur Terre, le cœur lourd, me rendant compte que Gabriel avait débarrassé le fromage et m'avait déjà servi une part de son cake marbré. Je plonge mes yeux vert clair, empreints d'incertitude, dans son regard bleu-gris. Je me sens complètement désorientée, perdue dans l'océan de pensées qui tourbillonne dans mon esprit comme une tempête intérieure. Gabriel cherche à savoir ce qui se passe, son regard inquiet trahissant une réelle préoccupation. Je pourrais le lui cacher encore un peu, mais je choisis de lui dire la vérité :

— Désolé Gabriel, je suis totalement perdue en ce moment. (Je laisse un petit silence pour reprendre mon souffle.) Je pensais pouvoir gérer ce jeu entre nous, berner ta famille, mais je ne suis pas faite pour le mensonge. Ce n'est pas moi tout ça !

Je sens ma gorge se nouer à chaque mot, les émotions bouillonnant en moi, mais je poursuis avec détermination :

— Cela fait plus d'un mois que nous feignons d'être un couple heureux et amoureux. J'apprécie beaucoup les moments que nous passons ensemble, mais la pression constante de maintenir ce masque m'épuise profondément. Naviguer entre le mensonge et la vérité, si tant est qu'il y en ait une me laisse désemparée et épuisée, incapable de discerner ce qui est réel dans ma vie. L'idée que tout ce que je vis pourrait être une illusion me tourmente.

Je serre mes poings, essayant de contenir un tourbillon d'émotions, tandis que Gabriel affiche une mine désolée. Il ne pensait certainement pas que cette comédie m'affecterait autant. Je ne peux pas lui en vouloir, nous étions deux étrangers avant cette histoire. Il pousse un petit soupir, dépourvu d'agacement, et m'assure :

— Pardon Mia. Je suis conscient que je t'en demande beaucoup. Mais je te promets que j'ai toujours été sincère avec toi.

Je lui souris légèrement, mais le malaise est palpable dans mon sourire, et je sens que ma tentative de réassurance est insuffisante. Gabriel se rapproche de ma chaise, créant ainsi une nouvelle bulle d'intimité. L'air entre nous semble s'épaissir, chargé d'émotions non dites. Il se penche vers moi et commence :

— Je vais te montrer que je suis totalement sincère avec toi. Je vais tout te dire sur moi.

— Tu n'es pas obligé Gabriel.

— Je sais, mais j'ai envie que tu saches tout à propos de moi.

Il y a une vulnérabilité sincère dans ses yeux qui m'émeut profondément. Je suis touchée par son initiative. Une chaleur douce envahit ma poitrine, témoignant de mon respect croissant pour lui. Je me tais et je l'écoute, sentant une attente suspendue dans l'air, comme si le monde autour de nous retenait son souffle.

— Je t'ai déjà expliqué dans les grandes lignes que la mort de ma mère m'avait éloigné de mon père. Ce que tu ne sais pas, c'est que pendant longtemps mon père m'a reproché son décès.

— Mais comment ça ?

Gabriel se racle la gorge, ses épaules se voûtant légèrement comme sous le poids d'un fardeau invisible, et se prépare mentalement à me conter un souvenir douloureux de sa vie. Quand il se sent prêt, il pose son regard sur ses mains entrelacées sur la table, comme s'il cherchait à puiser du réconfort dans ce geste et me raconte :

— Un mois avant le terme, ma mère s'est rendue à l'hôpital en urgence, car sa poche s'était percée. L'accouchement a été extrêmement difficile, et elle a fini au bloc opératoire en urgence. Après cette journée chaotique, ma mère a commencé à ressentir une fatigue inexplicable et des douleurs diffuses sur le long terme. Les médecins, d'abord perplexes, ont finalement diagnostiqué une endocardite infectieuse. La bactérie avait infiltré son cœur pendant le travail, provoquant une infection insidieuse qui s'attaquait lentement à ses valves cardiaques. Malgré les traitements intensifs, les médecins n'étaient que peu confiants quant à ses chances de rétablissement. La maladie avait déjà causé des dommages irréversibles, et ils lui ont annoncé avec tristesse qu'elle ne vivrait probablement pas plus de huit ans sans une transplantation cardiaque, une solution compliquée et incertaine.

Il marque une légère pause pour reprendre sa respiration, le tremblement de sa voix révélant la douleur toujours présente. Je dépose une main timide mais réconfortante sur son épaule, sentant la chaleur de son corps sous mes doigts. Cela lui donne la force de poursuivre son récit.

— Ma mère se battait tant bien que mal pour sa santé, son courage face à la souffrance était admirable, mais aussi tragique. Elle tâchait de me cacher sa maladie, son sourire forcé ne parvenant pas à dissimuler les ombres sous ses yeux. Pendant ce temps, mon père faisait tout ce qui était en son pouvoir pour que ma mère subisse cette transplantation cardiaque, mais ma mère refusait de prendre le risque de cette opération. Les disputes et les tensions entre eux avaient été palpables, ajoutant une couche supplémentaire à la tragédie familiale. Elle voulait mourir tranquillement, quand son jour arriverait. Elle voulait me voir grandir le plus longtemps possible. C'est pour cela, qu'à sa mort, mon père trouvait plus facile de me rejeter la faute, en me disant que si je n'étais pas né, elle serait toujours là.

Sa voix se brise à ces derniers mots, le fardeau émotionnel se faisant trop lourd pour lui. Je ressens un pincement au cœur, une profonde empathie pour la douleur qu'il a vécue. L'intensité de sa peine m'atteint directement, chaque mot est un écho de ses blessures passées. Cette histoire me rappelle celle de ma mère, qui a été sauvée grâce à l'intervention de Gabriel. C'est peut-être pour cela qu'il tenait tant à l'aider. Il voulait se défaire de la culpabilité que son père lui avait infligée.

— Je suis désolée Gabriel, je n'ose même pas imaginer ce que tu as ressenti.

***

Hello !

- Qu'avez-vous pensé de ce chapitre ?

- Comprenez-vous davantage la relation distante entre Gabriel et son père ?

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- Que se passera-t-il ensuite ?

Merci pour vos votes et commentaires ! A demain !

xoxo

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