Chapitre 2 | La famille de Montclar (2)

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Je les regarde un par un, tandis qu'Augustin me les présente. Les visages des ancêtres, figés dans le temps, semblent observer silencieusement chaque mouvement dans la pièce. Il commence par les plus vieilles générations, en commençant par Louis de Montclar, celui qui a créé l'empire familiale au dix-neuvième siècle, accompagné de son épouse Joséphine. Le tableau montre un homme à l'air déterminé, ses yeux pétillant d'ambition, ses traits marqués par des années de dur labeur. Louis était issu d'une modeste famille provençale et a fondé une usine spécialisée dans la manufacture ferroviaire. À cette époque, les chemins de fer représentaient l'avenir, et Louis avait su saisir cette opportunité avec une vision avant-gardiste. C'est à ce moment-là que l'empire de Montclar a été fondé. Ensuite, les générations suivantes ont repris l'entreprise familiale, ont réorienté l'activité, jusqu'à Bernard de Montclar qui gère à présent une multinationale dans multiples domaines.

Sur ce tableau, Bernard est accompagné d'une femme. Augustin me conte son histoire, de la même manière qu'il l'a fait pour les précédents :

— Monsieur de Montclar est accompagné d'Alice, sa regrettée femme. Ce tableau a été peint il y a environ vingt ans, avant que Madame de Montclar soit diagnostiquée d'une rare maladie, qui l'a finalement emportée cinq ans plus tard.

J'écoute le récit avec grand intérêt, chaque mot d'Augustin ajoutant une nuance à l'histoire tragique. Alice, avec son visage doux et son sourire bienveillant, contraste fortement avec la dureté apparente de Bernard. Ses yeux semblent étinceler d'une bonté infinie, illuminant le tableau d'une chaleur absente du reste des portraits. Alice était le grand amour de Bernard de Montclar. Ils se sont rencontrés durant leur adolescence et ce fut l'amour fou entre les deux. Leurs familles étaient voisines, et une amitié d'enfance s'était transformée en une romance passionnée. Ils se sont vite mariés et ont parcouru le monde, avant qu'Alice ne tombe enceinte de leur premier et unique enfant. Leur bonheur semblait sans fin, un conte de fées moderne. A cette époque, Bernard de Montclar semblait être un homme très chaleureux et agréable, selon le récit dressé par Augustin. Cependant, les choses ont vite changé à l'annonce de la maladie d'Alice, qui a ensuite entraîné sa mort, lorsque leur fils avait huit ans. Ce décès a transformé Bernard, le plongeant dans une froideur et une distance que personne n'a pu franchir depuis. C'est à partir de là, que Bernard de Montclar s'est renfermé et endurci. Il a trouvé refuge dans le travail et a commencé à délaisser sa famille, autrefois pilier de cet empire.

— Quelle dynastie, je conclus à la fin de la présentation de mon guide.

Un silence pesant s'installe, rempli du poids des histoires et des souvenirs accrochés aux murs. Je constate ensuite un dernier tableau, à la droite de celui de Bernard de Montclar et de sa défunte femme Alice. Il représente un jeune homme, qui semble âgé d'environ seize ans. J'interroge Augustin :

— De qui s'agit-il ?

— Gabriel, leur fils. C'est l'héritier de tout cela.

— Quel âge a-t-il ?

Augustin me dévisage, comme si ma question était déplacée. Ses yeux se plissent légèrement, une ombre de méfiance traversant son regard. Peut-être craint-il que je sois une de ces croqueuses de diamants. Mais en me connaissant bien, il est certain que ce mode de vie n'est pas celui auquel j'aspire.

— Vingt-huit ans, me répond finalement Augustin.

Je n'ose pas demander davantage de détails à son sujet, par peur de sembler trop intrusive. Déjà qu'Augustin a l'air de subir cette tâche de me faire visiter le manoir, je ne vais pas empirer son supplice.

Augustin finit de me montrer les dernières pièces importantes du manoir et nous arrivons enfin à la bibliothèque.

— Nous y voici, annonce-t-il en poussant la porte de la pièce.

Un Mal pour un BienOù les histoires vivent. Découvrez maintenant