Chapitre 12 | La demande (2)

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Les heures passent lentement, chaque seconde s'étirant comme une éternité sous l'emprise de l'anxiété croissante. La journée touche enfin à sa fin, et à mesure que nous nous rapprochons de chez moi, la panique envahit chaque fibre de mon être. L'air semble se densifier autour de moi, comme si l'atmosphère elle-même se chargeait de mes doutes et de ma nervosité. Gabriel m'accompagne exceptionnellement, un bouquet de fleurs dans les mains, les tiges bien enveloppées dans un papier de soie délicat, destiné à ma mère. Les rues défilent en arrière-plan, se mélangeant dans un tourbillon flou alors que mes pensées s'entrechoquent, se heurtant comme des vagues contre un rocher. Je me surprends à rêvasser, imaginant les pires scénarios possibles, chaque pensée exacerbant mon malaise. Plus nous nous rapprochons du moment fatidique, plus je doute de la sagesse de ce plan. Le poids du mensonge semble écrasant, et la culpabilité me serre le cœur comme une étreinte glaciale. Pourtant, c'était en partie ma décision. L'ironie de la situation ne me manque pas : je suis à la fois l'instigatrice et la victime de ce stratagème.

C'est finalement devant la porte de mon appartement, à peine éclairée par la lumière tamisée du couloir, que je fais une pause, m'abandonnant à la panique :

— Désolée Gabriel, je ne peux pas le faire. Je ne peux pas mentir à ma mère, et je ne parle même pas de l'illégalité de ce plan. Je me retire !

Alors que je m'apprête à rebrousser chemin, les doigts crispés sur la poignée de la porte comme pour me retenir de fuir, Gabriel me retient par les épaules. Doucement, il m'oblige à me caler sur sa respiration, ce qui m'apaise un peu. Son souffle chaud contre ma peau et la pression rassurante de ses mains me rappellent que je ne suis pas seule dans cette épreuve. Puis d'une voix posée, il me dit :

— Ce n'est que du stress Mia. Nous avons parlé de ça toute la journée, tu étais certaine de ce que tu faisais. Ce n'est pas le moment d'abandonner.

Avant que je puisse objecter, Gabriel sonne à la porte de chez moi. La sonnerie résonne comme un glas, se répercutant dans le silence du couloir, marquant le point de non-retour. Paniquée, je crains que mes jambes ne se dérobent sous moi. Une sueur froide perle à mon front et je me sens prête à défaillir. Soudain, ma mère ouvre la porte, les yeux d'abord écarquillés de surprise avant de s'illuminer en voyant Gabriel. Comme si je n'existais pas, elle l'accueille chaleureusement :

— Gabriel, mon grand ! Quelle surprise de te voir ici !

— Bonsoir Paula, comment allez-vous ?

— J'ai connu de meilleurs jours, mais je vais bien. Et je t'ai déjà de me tutoyer mon grand !

Gabriel lui obéit, son sourire bienveillant ne quittant pas ses lèvres. Il lui offre le bouquet qu'il a soigneusement choisi, les fleurs éclatantes contrastant avec la pâleur de la lumière du hall. Le sourire qui illumine le visage fatigué de ma mère fait pétiller ses yeux d'une joie sincère. Je remarque que ses rides se détendent, les traces de la fatigue du quotidien semblant s'effacer momentanément. Je constate que les deux ont établi un lien fort au fil des années, une connexion visible dans la chaleur de leur échange. Tout ce que Gabriel m'a raconté quant à sa proximité avec ma mère est vérifié. Cependant, cela ne m'aide pas à me libérer de ma culpabilité. Je me sens comme une spectatrice de cette scène, m'interrogeant sur la justesse de ce faux semblant. Nous entrons dans l'appartement, et ma mère m'embrasse, ses bras entourant mon cou avec une tendresse familière, me lançant un regard interrogateur, rempli de sous-entendu. L'aurions-nous déjà convaincue ?

— Mia, peux-tu ajouter un couvert pour notre invité s'il te plaît ? me demande ma mère en invitant Gabriel à s'assoir dans le salon.

— Oh ne vous en faites pas, s'empresse Gabriel de répondre avant que je ne m'exécute. Je ne fais que passer. A vrai dire Paula, Mia et moi avons quelque chose à te dire...

Je remarque ma mère s'agiter d'excitation, ses mains se rejoignant en une danse impatiente sur son ventre. Avant que Gabriel ne puisse dire quoi que ce soit, elle devine :

— Vous êtes ensemble ?

Gabriel me lance un regard amusé, tandis que je lui en rends un rempli de panique. Ma mère paraît totalement enjouée par cette nouvelle, ses yeux brillant d'une joie sincère. J'ai tellement envie de lui dire la vérité. Seulement, une part de moi se réjouit de la voir aussi heureuse. Ce paradoxe me déchire intérieurement, chaque sourire de ma mère étant un poignard dans ma conscience.

Ayant gardé tout son sang-froid, c'est Gabriel qui raconte notre « histoire ». Il se tient au scénario que nous avions convenu ce matin, mot pour mot. Ses paroles sont précises, chaque détail étant livré avec une assurance tranquille. Il n'oublie aucun détail et n'en rajoute aucun. Un vrai professionnel.

Oh dios mío, gracias ! s'exclame ma mère en levant les mains vers le ciel. Je suis si contente pour vous deux. Gabriel, tu mérites sincèrement une fille aussi extraordinaire que ma Mia. Et toi ma Mimi...

Elle s'interrompt sous le coup de l'émotion. Je m'approche d'elle pour l'enlacer, ses larmes humides sur mes épaules. Mais elle me demande de rester près de mon soi-disant petit-ami.

— Vous êtes si beaux ensemble, reprend-t-elle une fois la forte émotion passée.

— Merci Maman. Cela signifie beaucoup pour moi et pour Gabriel aussi.

Elle nous enlace tous les deux en même temps. Son étreinte est chaleureuse, réconfortante, mais aussi lourdement chargée de mensonges. Je perds un instant le contact avec la réalité, m'abandonnant à cette étreinte qui semble à la fois vraie et fausse. Puis, sans perdre de temps, Gabriel lui confie :

— Pour être honnête avec toi Paula, la raison de ma présence ici n'est pas seulement pour t'annoncer notre couple...

— Ah oui ? s'étonne ma mère.

Doucement, Gabriel attrape ma main. Le contact de sa peau chaude me rappelle le jour où nous nous sommes bousculés dans les couloirs du manoir, une chaleur réconfortante au milieu de mon tourbillon émotionnel. Il la lève avec précaution et la présente à ma mère :

— Paula, je voudrais te demander la main de ta fille.

Ma mère bondit de joie du canapé, tandis que je lutte de toutes mes forces pour ne pas m'évanouir. Un vertige m'envahit, comme si la pièce autour de moi se déformait sous le poids de ce moment irréel.

— Oui, un million de fois oui ! crie ma mère débordante de bonheur.

Elle nous serre de nouveau contre elle. Dans son dos, Gabriel me presse la main, un geste de victoire silencieux qui contraste avec le tourbillon de mon anxiété. Pourtant, je ne ressens pas cela comme une victoire. Une boule d'angoisse s'installe dans mon estomac et je me sens condamnée à cohabiter avec cette anxiété pendant un bon moment, en attendant que cette comédie finisse par nous rattraper.

***

Hello ! Comment ça va ?

- Qu'avez-vous pensé du chapitre ?

- Mia va-t-elle tenir le coup ?

- Avez-vous des craintes sur la suite des évènements ?

- Qu'est-ce qui pourrait mal se passer ?

N'oubliez pas de voter et commenter, je vous en remercie ! A demain pour la suite !

xoxo

Un Mal pour un BienOù les histoires vivent. Découvrez maintenant