31 : Sentiment - Léo

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Je ne sais pas quoi faire, ni quoi dire. Ma tête n'est qu'un nuage de confusion.

Ma relation avec Isaac a vite progresser au fil des jours. Mais plus le temps passe, plus mon intérêt envers lui diminue. À vrai dire, ça a commencé après notre première fois et même si plusieurs ont succédé, je n'arrive plus à m'attacher à lui. Il l'ignore, c'est certain. Je me donne du mal pour le cacher. Sans compter que ce n'est pas flagrant dans une relation basée sur le sexe. Nous n'avons pas encore évolué au stade suivant qui restera à jamais inatteignable. Je ne pense pas que ça le dérange, sinon il m'aurait fait une réflexion à ce sujet. On ne discute pas beaucoup. On préfère nous exprimer sous les draps... ou dans la douche.

Bref, rien de fameux de mon côté. La déprime s'installe et me ronge les os. À moins que ce soit la culpabilité qui en soit à l'origine. Je me sens tellement misérable que j'en ai toujours pas parlé à mon meilleur ami. Parce que je sais ce qu'il me dira et ce n'est pas ce que je veux entendre, pas en ce moment. Noah me dirait qu'il faut que je dise toute la vérité à Isaac, qu'on en discute sagement. Puis il me conseillerait d'oublier Take... mon thérapeute, car c'est à cause de lui que j'ai foutu le bordel. Mais ça, je n'en suis pas capable. Quoique je me dise, il est là. Tout le temps, de jour comme de nuit, il ne quitte pas mon esprit. Comment expliquer à Noah que c'est impossible ? Je dois avoir un côté masochiste pour vouloir me faire autant de mal.

Je peine à suivre mes études alors que je dois bientôt réaliser un reportage très important sur la culture et qui pourrait décider mon avenir dans la profession. Les intervenants nous laissent deux semaines, en comptant une pour les vacances, pour le réaliser. Il sera à rendre à la fin de l'année qui approche à grands pas. Je n'ai pas encore fait mes recherches alors que les autres si et depuis longtemps. Je me retrouve dans une merde phénoménale à cause d'une histoire de cul, bordel ! J'aurai préféré être hétéro... C'est ridicule de penser ça, mais rien de tout ceci ne serait arrivé si je ne m'étais pas posé des questions sur ma sexualité.

Je quitte le dernier cours de la journée en traînant des pieds et en soupirant tous les cinq mètres. Par chance, je ne croise pas Isaac en route. On se voit déjà assez en semaine, il peut bien survivre un jour ou deux. J'enfile mon casque, enfourche ma moto, fais vrombir le moteur et regarde mon reflet sur une des fenêtres du bâtiment. Et tout à coup, je me fige. Je crois me revoir ce soir-là au restaurant lorsque nos regards se sont croisés. Je baisse la tête, attristé par la tournure qu'avait prit notre discussion près des toilettes. Je ne m'étais jamais demandé ce qu'il avait ressenti à cet instant précis. Son cœur s'était-il fracturé en petits morceaux ? Ou bien était-il soulagé que j'y mette fin de cette façon, en dépit de la douleur qu'il a dû endurer ? Tant de questions dont j'aimerai avec les réponses...

Je relève la tête, illuminé par une réalisation.

Qui m'empêche de les avoir ?

Personne. Qu'est-ce que je fabrique à me torturer alors qu'il me suffit de l'appeler ou bien me rendre à son cabinet ?Quoique, je sais que je serais incapable de le faire par téléphone. Quel idiot ! C'est peut-être ma seule chance de débloquer tout ça et d'aller enfin de l'avant. Le voir risque de faire mal, mais tant pis, j'en ai besoin ! Je veux aussi lui dire tout ce que j'ai sur le cœur. Il s'est grandement alourdit depuis que nous nous sommes quittés.

En moins de dix secondes, me voilà engagé sur la route. J'arrive au cabinet sans avoir rencontré de bouchons ou d'embrouilles entre automobilistes - ce qui est un miracle - puis me gare à la place habituelle, réservée pour les deux roues, avant de me diriger à l'accueil. La salle d'attente est quasi vide, à part une jeune femme assise dans la côté gauche, dévorant un magazine. Je suis accueillis par la même secrétaire au visage toujours souriant.

— Bonjour, que puis-je faire pour vous ?

— Bonjour... euh... Je n'ai pas de rendez-vous, mais je me demande s'il était envisageable de m'entretenir avec... monsieur Nishimura ?

J'ai bien failli l'appeler par son prénom.

— Oh... fait-elle. Je suis désolée, mais il n'est pas là.

— C-comment ça ? demandé-je après quelques secondes.

Elle ferme son cahier.

— Eh bien, il est actuellement en déplacement. À l'occasion d'une colloque (18) dans le sud, pour être plus précise. Mais après il compte partir directement pour le Japon, donc entre-temps il ne sera pas au cabinet.

Je tente tant bien que mal de masquer ma déception.

— Et quand pensez-vous qu'il reviendra, s'il vous l'a dit ?

— Pas avant trois semaines, je le crains, m'avoue-t-elle avec appréhension.

C'est le coup de massue.

Trois. Putain. De. Semaines.

Comment je suis supposé attendre pour le voir en face à face ? C'est la goutte de trop.

Je passe une main dans mes cheveux en évitant de me les tirer pour évacuer ma nervosité. Je suis persuadé qu'elle le remarque, car elle me propose :

— Si c'est une urgence, je peux vous mettre en relation avec un autre patricien. Monsieur Nishimura a quelques adresses dans sa poche pour éviter de trop longues attentes. Et je peux vous assurer qu'ils sont tous extra.

Loin de moi d'en douter, mais ce n'est pas eux que je désire voir, ni confronter. Non, il n'y en a qu'un et il devrait être derrière cette porte...

Je me force à sourire pour que l'adorable secrétaire ne me pousse pas à les appeler pour prendre un rendez-vous, et d'une voix qui trahi mon désespoir, je rétorque :

— N-non. Ça ira, merci. C'était uniquement par curiosité.

Elle hoche la tête, pas très convaincue. Je me retourne pour partir, mais j'omets de lui demander quelque chose qui a son importance, alors je pivote.

— Je sais que ça va vous paraître étrange, mais... s'il vous plaît, ne lui dite pas que je suis venu. J'attendrai qu'il revienne.

— C'est entendu. Excellente fin de journée.

Je lui souhaite la même chose et sors du cabinet dans lequel je peux percevoir son odeur. C'est une torture. Et dire que j'espérais tourner la page. C'est dingue qu'une simple odeur puisse mettre en péril tous mes efforts. C'est là qu'au bout du compte, je comprends que jamais je ne parviendrai à l'oublier. Une histoire comme la notre ne peut s'oublier, mais la vrai question à poser est... Et lui, y arrive-t-il ?



(18) : Réunion organisée pour débattre entre plusieurs personnes sur des questions théoriques, scientifiques.

Seductive Therapy (romance MxM)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant