Chapitre 25: Le Chant des Sirènes

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Le soleil était encore haut dans le ciel alors que le navire de Shanks et son équipage glissait silencieusement sur les eaux calmes. Depuis plusieurs jours, ils naviguaient dans une région mystérieuse de la mer, réputée pour ses légendes sur les sirènes et leurs chants magiques. Ces récits avaient enflammé l'imagination d'Uta, maintenant âgée de neuf ans, toujours avide de découvertes et fascinée par tout ce qui touchait à la musique.

À bord du navire, la petite, au tempérament toujours aussi affirmé, tournait en rond sur le pont, fredonnant des mélodies envoûtantes qu'elle avait composées elle-même. Rose, adossée à la rambarde du navire, la surveillait d'un œil bienveillant, un sourire aux lèvres. Uta s'était transformée en une véritable artiste, perfectionnant son chant jour après jour, sous l'influence de sa figure maternelle. Rose, elle-même une danseuse accomplie, l'avait guidée à travers ce voyage artistique, leur lien se renforçant à chaque note chantée, à chaque mouvement dansé.

Shanks, comme souvent, observait la scène de loin. Assis en tailleur sur un tonneau, le chapeau de paille enfoncé sur son crâne, il ne perdait jamais une occasion de taquiner la jeune femme sur la relation quasi maternelle qu'elle entretenait avec l'enfant. Mais derrière ses remarques moqueuses, une complicité palpable se développait. Depuis des mois, leurs échanges avaient évolué, de simples taquineries à des regards plus appuyés, des gestes plus significatifs. Mais aucun d'eux n'avait osé franchir la barrière de la séduction ouverte.

Aujourd'hui, cependant, l'attention de tous était captée par Uta. La petite avait entendu parler des chants des sirènes, capables d'endormir les marins ou de les envoûter pour les mener à leur perte. Cela avait éveillé chez elle une fascination qu'elle ne pouvait réprimer.

« Rose ! » s'écria-t-elle en courant vers la jeune femme, ses grands yeux améthystes brillants d'enthousiasme. « Tu crois que je pourrais chanter comme les sirènes ? Tu crois que je pourrais, moi aussi, endormir tout le monde ? »

La danseuse sourit avec tendresse. « Peut-être, mais c'est un pouvoir dangereux. Il ne faut pas jouer avec la magie des sirènes. On ne sait jamais ce qui pourrait arriver. »

Uta, bien que sérieuse, n'était jamais du genre à obéir aveuglément. Elle s'approcha du bastingage et regarda les eaux miroitantes, l'air pensif. Quelques instants plus tard, elle commença à fredonner un chant doux et mélodieux, sa voix s'élevant dans l'air. Ses notes semblaient résonner avec les vagues, et peu à peu, l'équipage s'arrêta pour l'écouter, attiré par l'harmonie étrange et envoûtante qui émanait de la petite fille.

Rose, prise d'un léger malaise, sentit que quelque chose n'allait pas. Les yeux d'Uta semblaient se vider d'expression, comme si elle n'était plus tout à fait consciente de ce qu'elle faisait. Les vagues autour du navire prirent une teinte sombre, et une brume épaisse commença à envelopper le bateau.

Shanks, qui jusque-là avait simplement souri en l'écoutant, se redressa soudainement, alarmé. « Uta, ça suffit ! » lança-t-il d'une voix ferme. Mais la petite fille ne l'entendait plus. Son chant était devenu presque hypnotique, et même certains membres de l'équipage avaient commencé à vaciller, luttant pour garder les yeux ouverts.

« Rose ! » appela Leroux, d'un ton plus grave.

Rose se précipita vers Uta, posant une main ferme sur son épaule. « Uta, arrête ! » Sa voix était douce, mais autoritaire, pleine de la tendresse maternelle que l'enfant reconnaissait entre mille. Cela suffit à briser la concentration de la petite, qui cessa immédiatement de chanter.

Le navire, qui avait commencé à dériver dangereusement, sembla retrouver son équilibre. Les membres de l'équipage se reprirent lentement, secouant la tête pour chasser la torpeur. La brume se dissipa aussi rapidement qu'elle était apparue, et le soleil réapparut, brillant de mille feux.

« Qu'est-ce qui s'est passé ? » demanda Uta, encore confuse, se tournant vers Rose.

Le cœur encore battant, la mère adoptive caressa tendrement ses cheveux bicolores. « C'était le pouvoir des sirènes, je crois. Tu as failli tous nous endormir, petite. »

Shanks s'approcha à grands pas, une expression mi-amusée, mi-soulagée sur le visage. « Eh bien, c'était... intéressant. Mais la prochaine fois, laisse les sirènes faire leur propre boulot, d'accord ? » Il se pencha et ébouriffa affectueusement les cheveux d'Uta.

La petite éclata de rire, comme si rien ne s'était passé. Mais Rose, elle, sentait encore l'adrénaline dans ses veines. Elle se redressa, croisant le regard du capitaine. Un échange muet s'établit entre eux. Ils avaient encore une fois échappé à un danger, mais l'incident avait mis en lumière la puissance potentielle d'Uta et les responsabilités qui pesaient sur eux tous.

Shanks brisa le silence en se rapprochant de la belle. « Merci, Rose, » murmura-t-il, sa voix adoucie. « Uta t'écoute vraiment. Si tu n'avais pas été là... »

Elle baissa les yeux, légèrement troublée par la proximité soudaine du jeune homme. « Je fais ce que je peux. Elle est spéciale, tu le sais bien. »

Il la regarda avec une intensité inhabituelle, son chapeau légèrement incliné sur le côté, et son sourire taquin habituel s'estompa. « Toi aussi. Tu es spéciale. »

Leurs regards restèrent accrochés un instant de trop, avant que Rose ne détourne les yeux, un peu gênée par cette confession inattendue. Uta, ignorant la tension palpable entre les deux adultes, continuait de babiller joyeusement sur ses prochaines chansons.

Mais pour les deux jeunes gens, l'incident avait laissé une trace. Leur complicité s'était renforcée, et bien que chacun restât sur ses gardes, il était de plus en plus difficile d'ignorer ce qui grandissait entre eux.

...

La suite dans le prochain chapitre 

LE JOURNAL DE ROSE WALKEROù les histoires vivent. Découvrez maintenant