Eden & Dentelle

Chapitre 24 : Alix

Trois jours. Trois jours depuis qu'Eden m'avait clairement menacée de me renvoyer. Je ne l'avais pas vu réapparaître depuis et pourtant je tentais tout de même d'être parfaite. Au fond, je ne savais même pas si je voulais encore de ce job où je serais obligée de la voir tous les jours. La détester était bien plus dur que ce que j'avais imaginé. Si sa menace m'effrayait, l'allure dévastée qui lui collait à la peau lorsqu'elle l'avait proférée m'inquiétait bien plus. Je ne l'avais jamais vue dans un état pareil. Pas même la fois où j'étais allée la chercher alors qu'elle était ivre. Je me rappelais avec un pincement au cœur ce moment où elle s'était effondrée dans mes bras. Comme j'aurais voulu retrouver cette proximité. Apaiser sa douleur. Sauf que j'en étais la cause. Et si je savais que j'étais censée être folle de rage pour la manière dont elle s'était comportée, je ne supportais pas la mine détruite que j'avais devinée derrière les verres opaques qui m'obstruaient la vue.

Mais après tout, c'était elle qui m'avait rejetée. Je n'avais fait que passer à autre chose. Peut-être un peu rapidement, je le concevais. Je ne lui devais pourtant rien. Ni fidélité, ni exclusivité. Malgré tout, ses cris et ses pleurs m'avaient faite culpabilisée et même si je lui avais craché des horreurs au visage, je n'avais pas pu continuer avec cette femme après son départ.

— Aller décroche un peu, râla ma sœur en se dirigeant vers les stands de nourriture du cinéma. Entre toi et Ellie trop occupée par la reprise de la librairie, je vais devenir folle.

— Je ne peux pas. Si je fais la moindre erreur, je suis virée, soufflai-je alors qu'elle attrapait un pot de popcorns dont l'odeur sucrée m'envahit.

— Tu sais que tu peux la foutre aux Prud'hommes cette connasse ?

Je haussai les épaules en sortant ma carte pour payer. Elle me tapa sur les doigts et je fronçai les sourcils quand elle tendit la sienne à la caissière.

— Tu sais que c'est moi la grande sœur au moins ?

— Justement. Tu as payé assez longtemps. Maintenant que j'ai un job, c'est à moi, répliqua-t-elle en se tournant vers moi alors que je sortais les tickets de ma poche. Alors ? Quelle salle ?

Alors que je baissais les yeux vers les tickets, mon attention fut attirée par autre chose.

— Aller, chérie... De toute façon Eden ne te répond pas, alors autant te changer un peu les idées. Tu as fait tout ce que tu pouvais. Si elle a décidé de ne pas répondre à tes appels et de ne pas t'ouvrir quand tu vas chez elle, que veux-tu faire de plus ?

Je relevai brusquement le regard pour apercevoir Taylor à quelques mètres de là. La femme qui l'accompagnait lui caressa la joue et Taylor tourna la tête dans ma direction. Nos regards se croisèrent et la fureur que je vis apparaître dans ses yeux me figea.

— Alix ? m'interpella Liv à quelques pas de moi.

— Toi... gronda la voix rauque de la blonde.

Sa compagne fronça les sourcils et l'attrapa par le bras alors qu'elle s'élançait vers moi d'un pas décidé. Elle se dégagea d'un geste de l'épaule et s'arrêta à moins d'un mètre de moi.

— T'es vraiment qu'une garce ! vociféra-t-elle alors que sa compagne ne rapprochait de nous.

— Qu'est-ce que... ? essaya-t-elle.

La colère qui s'était apaisée au profit des regrets remonta en moi.

— Pour qui tu te prends à venir m'insulter comme ça ? répliquai-je en calant le pot de popcorns sous mon bras pour mieux lui faire face.

— Comment tu as pu manigancer tout ça en la regardant en face tout ce temps ?

De quoi parlait-elle ? Je fronçais les sourcils et elle ricana.