Eden & Dentelle

Chapitre 28 : Alix

— Mes chéries !

La voix de ma mère résonna dans la gare et les gens se tournèrent vers elle. Comme à son habitude, elle s'en soucia peu. Un air comblé sur le visage, elle s'agrippa au bras de mon père qui semblait lui aussi ému. S'ils avaient vu Liv quelques mois auparavant, je n'avais pas pu redescendre dans le sud depuis Noël dernier. En temps normal, j'essayais de revenir dans ma ville d'origine deux fois par an, profitant des fêtes de fin d'année et des vacances d'été. Toutefois, suite à l'obtention de mon master, j'avais été trop occupée par ma recherche d'emploi pour profiter de la période estivale.

Arrivée à sa hauteur, je me jetai dans ses bras et elle me serra si fort que je manquai d'oxygène. Mon père serra Liv contre lui et, de son autre bras, attira Ellie pour lui embrasser le front.

— Vous allez bien les filles ? demanda-t-il en se tournant vers moi pour avoir son étreinte.

Je me séparai de ma mère et enserrai la poitrine de mon père, mes mains peinant à se rejoindre dans son dos. Grand et bien bâti, il contrastait totalement avec ma mère dont l'allure frêle et sa petite taille ne la rendait pas pour autant moins imposante. Depuis toujours, on me disait que j'étais le parfait mélange de mes parents. J'avais hérité des yeux verts et des cheveux bouclés de mon père mais la couleur de ces derniers venait de ma mère. Mon père riait souvent en disant que s'ils avaient eu un garçon, il aurait peut-être eu une chance de ne pas être entouré que de rousses.

— Un peu fatiguées mais ça va, soupira Ellie en embrassant la joue de ma mère.

Elle lui fit un câlin avant d'attraper sa valise. Mon père attrapa le reste des bagages et on se dirigea vers la sortie.

— Dans ce cas, dépêchons-nous de rentrer, s'exclama ma mère en tête de groupe.

La nuit noire nous attendait dehors et l'air glacial me fouetta les joues alors que nous rejoignions la voiture familiale.

— Je suppose que tu iras demain chez ta mère, Ellie ? Vu l'heure...

Celle-ci acquiesça et nous nous installâmes comme nous pouvions à l'arrière de la voiture. Cela me rappela notre adolescence et toutes les sorties que nous avions pu faire toutes les trois. Certes, Ellie était ma meilleure amie mais elle était également devenue une deuxième sœur pour Liv et moi. Mes parents la considéraient comme telle également. Ils avaient été si attristés lorsqu'ils avaient compris ce qui se tramait chez elle à l'époque. Mon père, d'un tempérament pourtant calme et patient, avait failli se pointer plus d'une fois chez les Robins mais ma mère l'avait toujours retenu. Ça n'aurait rien arrangé. Flic, le père d'Ellie en avait bien profité pour étouffer toute tentative de plainte, qu'elles viennent de mon amie ou de sa mère. De toute façon, celles-ci n'avaient pas été nombreuses. Chaque rébellion, même minime, leur avait valu des bleus partout sur le corps.

Heureusement, depuis la mort de son père, Ellie et Sienna allaient bien mieux. Mes parents les invitaient à chaque fête de famille et j'étais ravie de savoir que j'allais passer un nouveau Noël avec elles. Le troisième. Je serrai la main d'Ellie à ma gauche et elle posa la tête sur mon épaule. Le sommeil la trouva bientôt et j'observai la lumière des lampadaires illuminer les rues.

Quelques minutes plus tard, mon père se gara dans l'allée de garage et je secouai légèrement mon amie pour qu'elle se réveille. Ce fut difficile. Il était prêt d'une heure du matin et nous étions toutes épuisées par nos différentes journées sans compter le long trajet en train. Aussi, je jetai à peine un coup d'œil à la maison provençale qui m'avait vue grandir. En arrivant, je fus ravie de constater que notre père avait installé le matelas de Liv aux pieds de mon lit comme nous le faisions chaque fois que nous revenions. C'était une habitude lorsqu'Ellie était à la maison. Adolescente, j'avais râlé et protesté pour me débarrasser de cette petite sœur pénible qui s'invitait à mes soirées pyjamas. Aujourd'hui celles-ci étaient de merveilleux souvenirs que je n'échangerais pour rien au monde.