Chapitre 13 : Alix

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— Aller Carla, dépêche-toi, on va finir par être en retard, me plaignis-je en croisant les bras.

Ma collègue appliquait sereinement son mascara grâce au petit miroir présent au-dessus de sa place de conductrice. Arrivées au même moment dans le parking, il m'avait paru évident de l'attendre pour arriver ensemble à la réception donnée par l'entreprise pour l'arrivée de l'adjoint d'Eden dans la gestion de l'entreprise.

— Oui bah Emma a piqué une crise au moment du coucher alors impossible de la décrocher de mon cou pour me maquiller, râla doucement Carla en rebouchant son tube de mascara pour attraper un rouge à lèvre pêche. Arthur a eu beau faire ce qu'il pouvait, elle voulait « maman ».

Mimant les guillemets, elle manqua de se mettre du rouge à lèvres sur toute la joue, atteignant seulement le bout de son nez.

— Oh merde, rit-elle alors si fort que son rire résonna dans tout le parking souterrain, me décrochant un sourire malgré mon impatience.

J'ouvris mon sac à main en la voyant s'essuyer le bout du nez en étalant la couleur orangée partout.

— Attend, j'ai des lingettes démaquillantes quelques parts dans ce foutoir, la coupai-je dans sa bêtise.

— Depuis quand t'as ça toi ? fit-elle, surprise.

Sa question me replongea deux mois plus tôt, lorsqu'Eden avait sorti de son sac à main des lingettes similaires à celle que je cherchais dans le mien. Le lendemain même, j'avais été m'acheter une petite trousse et des lingettes en petit paquet pour ne plus jamais me retrouver dans une situation pareille.

Mes pensées se tournèrent vers cette Eden qui m'avait tant aidée ce jour-là. La connexion que j'avais ressentie quelques jours plus tôt s'était à nouveau faite. Elle avait pris les choses en main comme elle en avait l'habitude mais à ce moment, j'avais cru que ce n'était pas simplement parce qu'elle était ma patronne. J'avais même tenté de la titiller un peu en lui suggérant de récupérer sa robe pour voir sa réaction mais sa mère était arrivée et je n'avais jamais su.

Depuis que j'avais reclaqué la porte après l'altercation avec sa mère, Eden s'était constitué un masque de glace, honorant parfaitement sa réputation dans l'entreprise. Les quelques jours passés à travailler ensemble m'avait semblé si remplis et excitants que j'avais bêtement commencé à imaginer qu'il en serait ainsi. Mais elle n'avait pas montré une émotion depuis. Pas une seule. En deux mois. Elle faisait son job sans problème, nous donnant son avis sur nos esquisses, sur la gestion financière de notre métier ainsi que les fournisseurs que nous pourrions contacter. Mais pour ce qui était du reste, elle s'était totalement refermée. Froide et autoritaire.

Carla qui avait travaillé avec elle avant l'arrivée de Diane m'affirmait qu'elle avait toujours été comme ça, très professionnelle et passionnée par la lingerie mais rigide. Ce n'était pourtant pas l'impression que j'avais eu. Mais peut-être m'étais-je trompée. Après tout, j'étais arrivée dans une ambiance spéciale. Entre ma rencontre avec elle au bar, le renvoi de Diane et sa prise de poste en dernière minute, je m'étais peut-être fait des films. Peut-être qu'elle avait été stressée par l'organisation du défilé et que toutes les émotions qu'elle avait laissé transparaître n'était dues qu'à ce stress. Cela ne pouvait être que ça. Sinon, comment expliquer sa froideur de ces derniers mois ?

— Alix ?

La voix de Carla me sortit de mes pensées et je relevai la tête pour constater qu'elle avait terminé de se maquiller, attendant d'une main tendue que je lui donne une lingette pour retirer cette tâche de son nez avant que nous ne nous mettions en route.

— Pardon, soufflai-je avec un petit rire pour masquer mon trouble. Tiens.

Elle attrapa la lingette avec un léger froncement de sourcils.

Eden & DentelleOù les histoires vivent. Découvrez maintenant