Chapitre 29 : Eden

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Quand Liam avait insisté pour que je vienne au repas de famille, j'avais tout d'abord refusé. J'aurais dû rester sur mes positions. Au lieu de ça, je me retrouvais entourée de la bande d'hypocrites que composait ma famille. Mes grands-parents paternels avait fait le déplacement depuis Genève et je sentais une migraine pointer rien qu'à les entendre déblatérer sur la société actuelle. Nous n'en étions qu'à l'entrée et je maudissais déjà mon frère de m'avoir traînée ici. Et moi-même pour m'être laissée convaincre.

- Et alors, Eden ? Qu'en est-il de ton entreprise ? s'enquit mon grand-père. J'ai su que tu avais embauché un adjoint. Comptes-tu enfin t'éloigner un peu de tout ça ?

Et voilà, nous y étions. Une femme cheffe d'entreprise. Quelque chose qu'il ne pouvait concevoir. Ma grand-mère était toujours restée à la maison, cuisinant pour son plus grand plaisir et gérant les enfants de manière à ce qu'ils ne le dérangent jamais. C'est ainsi que mon père avait grandi. Un père absent et une mère sous la coupe de son mari. Mais je n'étais pas comme eux et ça les dérangeait.

- Non, au contraire. Je me libère du temps pour reprendre la direction des collections, expliquai-je avec un faux sourire patient, buvant une gorgée de jus d'orange.

Il pinça les lèvres et ma grand-mère pressa les doigts de ma main posée sur la table.

- Ton futur époux n'aimera pas avoir une femme qui travaille autant.

Je me raidis et lâchai mes couverts en fusillant tout le monde du regard.

- Je pensais que nous étions clairs sur ça ? Je ne me marierai pas.

- Enfin, tu sais bien qu'elle cherche une femme, nuança ma grand-mère en tapotant mon épaule.

Même si je ne l'aimais pas plus que ça, elle avait toujours essayé de se faire aimer de ses petits-enfants et ne manquait pas une occasion. Peut-être était-ce une manière de rattraper sa maternité foireuse ? Parfois, cela avait ses avantages. D'autres fois, cela empirait des situations parfois déjà épineuses, comme celle-ci.

- Pas si elle veut continuer à porter mon nom, cracha-t-il en buvant une gorgée de son vin rouge excessivement cher pour ce qu'il était.

- Techniquement, si je me marie à un homme, je ne le porterais plus très longtemps, répliquai-je en arrosant mon saumon d'un peu de citron, canalisant ma colère sur ce pauvre agrume.

Liam enfourna sa fourchette dans sa bouche pour cacher son sourire en coin. Ma mère me lança un regard meurtrier et Elisabeth­ - dont la présence m'insupportait encore plus que celle de mes autres grands-parents - posa brusquement ses couverts.

- Quand apprendras-tu le respect de tes ainés ? s'époumonna cette dernière.

J'ouvris la bouche pour répondre mais mon grand-père leva sa main pour la faire taire avec un petit sourire faussement patient. Ça n'annonçait rien de bon tout ça. Ma poitrine se serra. La soirée ne prenait pas du tout la tournure que j'avais envisagé. J'étais venue ce soir en me promettant de les remettre à leur place une bonne fois pour toute. D'annoncer que j'aimais Alix et qu'il était probable que cela fasse la une des journaux pendant quelques jours. Non pas parce qu'elle était une femme - mon homosexualité était connue des médias depuis la déclaration à la presse que j'avais effectuée pour éviter les titres à scandale - mais parce qu'elle était mon employée. D'autant plus que les médias l'avaient déjà visée quelques jours plus tôt.

- Merci beaucoup, Elisabeth. De toute façon, je t'ai déjà trouvé un bon parti, annonça-t-il en me défiant.

Liam se tendit à mes côtés et je me levai brusquement. C'était un cauchemar. Et il était hors de question que je me laisse faire.

Eden & DentelleOù les histoires vivent. Découvrez maintenant