Le début de la fin
Je m'appelle Tom.
Et, honnêtement, je n'avais pas la folle envie de devenir un hybride.
En fait, disons que je m'en fichais.
Je vivais en périphérie de Billund, une ville danoise, en colocation avec Nathan, un ami proche. Nous vivions en couple dans un petit appartement lugubre, contraints de venir habiter ici afin de pouvoir s'éloigner le plus possible des réflexions homophobes de nos familles. Et, franchement, je commençais à en avoir par dessus la tête de la pluie et du mauvais temps qui semblaient nous avoir suivi depuis Londres, d'où nous avions déménagé.
Les nuages noirs que j'apercevais depuis ma fenêtre dégageaient une atmosphère grise et triste. C'était tout sauf agréable, comme si le ciel lui-même se préparait à nous annoncer la mauvaise nouvelle qui allait suivre. Des gouttes de pluie commencèrent à apparaître sur la vitre. Le temps, déjà maussade, ne semblait pas suffire pour gâcher cette journée une bonne fois pour toute. Je rabattis mon casque sur mes oreilles, et me reconcentrai sur ma partie en cours. L'icône de chargement s'afficha à l'écran et une bande noire s'étira en dessous. Après quelques secondes, une ligne verte commença à y apparaître, puis, pixel par pixel, en remplit une partie presque invisible à l'œil nu avant de stopper brusquement sa progression. L'information « 1% » apparut sur la bande. Je poussai un râle de rage et tournai la tête vers Nathan, histoire de trouver de quoi me distraire pendant la longue attente qui allait suivre. Il était en train de chausser ses bottes, imperméable sur le dos, et semblait tout excité.
– Où est-ce que tu vas ? demandai-je en relevant un peu mon casque sur mes tempes.
– Je vais au parc, répondit-il (Il passa ses gants sur ses doigts et resserra le cordon au niveau de ses poignets) Une comète devrait passer dans une petite demi-heure, il faut que je me dépêche !
Je soupirai. Ça allait faire au moins 5 fois qu'il tentait de se rendre aux points d'hybridation, et à chaque fois il revenait bredouille. Piètre sportif, il rêvait de pouvoir augmenter ses capacités, et il avait donc tout misé sur l'hybridation. Beaucoup de gens avaient pensé de cette façon, et beaucoup avaient réussi. Tous sauf lui.
Il sembla percevoir mon regard anxieux, et y répondit par un simple sourire.
– Je suis sûr que ça va marcher cette fois ! déclara-t-il.
Il réajusta ses cheveux brun-roux et se dirigea vers la porte. Il paraissait décidé et serein, comme à chaque fois qu'il avait l'occasion de tenter sa chance, même si je ressentais une pointe de nervosité dans sa voix. Comme moi, il savait qu'il y avait une faible probabilité qu'il se transforme, après cinq essais, mais il voulait tout de même continuer à y croire.
– Souhaite-moi bonne chance !
Je levai mon pouce en signe d'encouragement, même si je n'y croyais pas du tout, puis Nathan partit s'aventurer sous les trombes d'eau.
Je me remis en face de mon clavier, et me réjouis en voyant que le pourcentage avait augmenté de soixante. Soudain, alors que ce dernier allait enfin atteindre les cent pour cent, un message d'erreur s'afficha sur mon écran. Puis tout devint noir, et mon ordinateur s'éteignit. Vexé, j'envoyai mon casque voler à travers la pièce en poussant un cri de rage. Le malheureux appareil s'écrasa contre un mur, en produisant un craquement qui trahissait que je ne pourrais plus m'en servir pendant un moment. Nathan me répétait souvent que les jeux vidéos te bouffent le cerveau et que j'y passais trop temps, or ces mêmes jeux étaient toute ma vie. Le seul moyen de me tenir occupé dans cet horrible appartement.
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