Chapitre 25

6 2 0
                                    

Suivre la lumière


Dès que j'eus posé une patte au dehors, une bouffée d'adrénaline monta en moi, et pour la première fois depuis beaucoup trop longtemps je pus enfin respirer, profiter d'un autre air que celui contenu dans le bus. En une seule aspiration je pus connaître avec exactitude chaque faits et gestes dans un rayon de plusieurs mètres : une mère qui berçait son enfant, un groupe de chats qui se cherchaient des problèmes dans l'angle d'une rue, l'eau qui affluaient bruyamment dans les égouts, deux amoureux qui se contaient fleurette... Plus rien n'avait de secret pour moi quand je décidai de tirer parti de mes sens. C'était décidément la seule bonne chose qu'Eliot m'ait enseignée, ou du moins la seule dont je gardais le souvenir. Couplés à mon sixième sens, ma capacité d'analyse et mon odorat me faisaient office de moyen de localisation parfait pour tracer n'importe quoi du moment que j'en connaissais le parfum. Pouvait-on dire qu'à ce point-là ce n'était plus un sens, mais un véritable super-pouvoir ?!

Je m'avançai entre les immeubles, guidé par les effluves de mon petit-ami et m'arrêtai à la vue d'un groupe de jeunes humains postés à leur arrêt de bus, les yeux rivés sur leur téléphone. Contrairement aux explications de Leïla, ils n'avaient pas l'air vraiment méchants et n'étaient même pas armés. De bêtes adolescents, tout ce qu'il y avait de plus normal. Peut-être avaient-ils vu passer mes deux amis ? Mes facultés n'étaient en aucun cas défaillantes, mais je souhaitais m'assurer que je suivais la bonne piste et que je n'étais pas guidé par une quelconque source de nourriture. Je traversai la rue et m'approchai d'eux, puis, comme ils ne semblaient pas remarquer ma présence, je les rejoignis sous l'abri-bus et demandai :

– Bonjour, excusez-moi, avez-vous vu...

À l'instant même où je prononçai ces paroles, les jeunes levèrent le nez de leur portable et se mirent à hurler à m'en griller les tympans, puis commencèrent à se comporter de façon complètement incompréhensible et aléatoire : deux prirent les jambes à leur cou, un autre, son appareil plaqué contre sa tempe, balbutiai des mots confus dans le micro, et une quatrième me prit rapidement en photo avant de s'enfuir dans la direction opposée.

– Non, attendez !

J'essayai de les rattraper, mais c'était trop tard. Ils s'étaient déjà tous envolés, telle une famille de pigeons à l'arrivée d'un chat, comme si j'étais un prédateur mortel. N'avaient-ils jamais vu d'autres hybrides auparavant ? Je me retrouvai donc seul, à attendre un bus qui, bien sûr, ne prendrait pas la peine de s'arrêter pour moi. Maintenant je parvenais un peu mieux à cerner les habitants de ce pays ; ce n'étaient pas des assassins, non, ils étaient juste si... effrayés, à la limite de l'épouvante, par l'inconnu que je représentais. J'aurais tellement voulu pouvoir discuter avec eux, nous avions sans doute plein de points communs en plus ! Mais non, il fallait que je me retrouve avec ce corps, qui n'avaient pourtant rien à envier aux autres hybrides. J'étais juste moi, avec mes doutes, mes joies et mes traumas, mais dans ce monde il semblerait que nous devions être parfaits pour seulement espérer s'y frayer une petite place. Je n'étais pas parfait. Et j'en payais les conséquences.

Par contre, je connaissais une personne qui l'était incontestablement, et aux yeux de n'importe qui : Nathan. Je devais le retrouver.

Ni une ni deux je quittai la rue et en empruntai une deuxième, plus large et moins terne que la précédente. Comme il n'y avait pas l'air d'avoir âme qui vive, j'eus enfin l'occasion de faire un peu de tourisme. Vus d'ici, les buildings dont je me moquais paraissaient encore plus gigantesques que ceux de New-York, même si je doutais que ce soit réellement le cas. Le ciel, d'ordinaire caché par les nuages, s'était éclairci et tout semblait plus vivant, comme si la ville se réveillait d'une longue période d'hibernation, et les derniers rayons du soleil m'offraient un magnifique spectacle en dansant sur la neige encore fraîche. Tout brillait, étincelait dans une sorte d'harmonie que j'avais rarement eu l'opportunité d'observer.

Hybrides - TomOù les histoires vivent. Découvrez maintenant