32. Magie parisienne

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Les aveux touchent à leur fin. Encore un dernier effort, et Thomas n'aura plus rien à ajouter.

– J'avais pas vu qu'ils avaient embarqué tes vêtements. Je les ai retrouvés le lendemain, par terre à l'arrière de ma voiture.

Il ne dit pas qu'il les a lavés et pliés – son jean, son caleçon et une seule chaussette, et qu'il les a gardés au cas où il trouverait le courage de les lui rendre. Cent fois, il est passé près de la maison d'Adam, cent fois il y a songé. Un jour, il s'est rendu à l'évidence : il n'a pas eu le courage et maintenant, c'est trop tard. Qu'est-ce qu'il en aurait encore à faire, Adam, de ces vieilles fringues ? Elles attendent toujours, pliées, en bas de son armoire. Thomas n'a jamais eu le cœur à s'en débarrasser, il les garde comme un rappel de ce qui s'est passé. Il ne risque pourtant pas d'oublier.

Dans la salle de bains, le silence s'étend, insoutenable. Thomas ne sait plus comment le rompre.

– Tu les as vraiment emmenés en boîte ? demande soudain Adam.

– Ouais, répond Thomas, soulagé. Enfin, je les ai largués devant.

– Raconte.

Thomas a besoin d'une autre cigarette. Il sort son paquet, mais Adam donne une pichenette dedans.

– Tu viens de t'en griller une. Pour quelqu'un qui veut arrêter, ce n'est pas raisonnable.

Thomas soupire et renfonce le paquet dans sa poche.

– Je les ai fait descendre à l'entrée. Je leur ai dit que j'allais me garer et je me suis barré.

– Tu les as laissés en plan ?

À l'époque, la boîte de nuit la plus proche était à vingt bornes de leur lycée. Adam éprouve une douce satisfaction à imaginer ces sales types coincés là-bas sans voiture et se met à rire. Ce son ravit Thomas, lui fait un bien fou.

– La gueule qu'ils ont dû faire, ajoute Adam en fermant les yeux. Se retrouver comme des cons à la sortie...

– Ils sont jamais entrés, précise Thomas

– Pardon ?

– Quatre mecs bourrés dont un qui s'est dégueulé dessus dans ma bagnole. Je te parie tout ce que tu veux que les vigiles les ont dégagés avant même qu'ils aient ouvert la bouche.

Ça fait rire Adam, encore. Il les imagine tourner en rond sur le parking à la recherche de la caisse de Thomas, avant de se rendre à l'évidence.

– Tu crois qu'ils ont dû rentrer à pied ?

– C'est sûr. Il y avait plus de bus à cette heure-là et personne les aurait pris en stop.

Adam prend le temps de savourer cette consolation. Bien fait pour leur gueule.

– Moi aussi, j'ai dû rentrer à pied, dit-il.

Thomas n'ose rien répondre. Il revoit la silhouette élancée qui court sur le trottoir. L'éclairage brutal de ses phares sur la peau nue. Les baskets si blanches qu'elles paraissent fluorescentes.

– Ils ont dû avoir la rage que tu les laisses en rade, ajoute Adam. Ils n'ont pas cherché à se venger ?

Avant que Thomas ait pu répondre, quelqu'un frappe à la porte de la salle de bains. Ils sursautent, comme si on venait de les prendre en faute. La porte s'entrouvre. C'est Malika.

– Je ne veux pas déranger, mais ça fait une demi-heure que vous squattez les toilettes et ça devient urgent.

***

Une petite histoire de vengeanceOù les histoires vivent. Découvrez maintenant