35. Football et tatouages

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Les tournois débutent. Au foot, l'équipe de Thomas se prépare à affronter celle de Lille. Le match suivant opposera l'équipe d'Adam à celle de Montpellier. La finale réunira les vainqueurs. Assis dans les gradins, Adam envoie un message à Thomas.

Ne perds pas. Je tiens à ce qu'on le joue, ce match.

La demi-heure de jeu ne laisse pas la place au suspense : l'équipe de la production l'emporte trois à zéro. Adam a apprécié le spectacle offert par Thomas. Ses grandes enjambées, ses gestes précis, ses tirs puissants. À chaque but, il lui a adressé un sourire satisfait. Difficile pour Adam de se concentrer sur le ballon : son regard ne cesse de dévier vers Thomas. Le mouvement de ses muscles et leurs formes avantageuses retiennent plus d'une fois son attention. C'est un bon capitaine, songe Adam en essayant de ne pas se laisser distraire. Rapide et endurant. À la fin du match, les joueurs se serrent la main et quittent le terrain. Son téléphone vibre. Message de Thomas.

À toi de jouer. On se voit en finale.

***

Les rôles sont inversés. Adam est sur le terrain et Thomas, dans les gradins. L'équipe de Montpellier se défend, il y a quelques bons joueurs, mais aucun n'arrive à la cheville d'Adam. Le ballon est comme aimanté à ses pieds, il obéit au moindre de ses mouvements. Thomas est impressionné. Il a rarement vu une telle maîtrise chez un joueur amateur et Dieu sait qu'il a disputé plus d'un match. Le pire, c'est qu'Adam aurait pu monopoliser le jeu et foncer seul vers le but adverse. Personne ne le lui aurait reproché : la victoire de son équipe n'en aurait été que plus éclatante. Mais, fidèle à lui-même, il a partagé la balle et laissé jouer ses coéquipiers, faisant des passes même aux moins bons. Bon sang, Adam, songe Thomas. T'as forcément quelques défauts, toi aussi. Au coup de sifflet final, il attend qu'Adam ait serré toutes les mains et reçu les félicitations générales pour le rejoindre.

– Rassure-moi, tu t'entraînes comme un dingue pour jouer aussi bien ?

– Tu te débrouilles pas mal non plus, répond Adam.

– Tu parles. Ça sert à rien qu'on la joue, cette finale. Tu vas nous laminer.

Les yeux d'Adam, son sourire et sa main qui vient tapoter son épaule et affoler son cœur : Thomas prend tout ce qu'il y a à prendre et savoure le plus petit signe d'intimité comme un cadeau.

– Je compte sur toi pour relever le niveau, conclut Adam. Je n'aime pas quand c'est trop facile.

***

La finale est sur le point de commencer. Adam entre sur le terrain, étonné par le nombre de spectateurs venus suivre la rencontre. Ce n'est que lorsque Jérôme lui cède sa place de capitaine qu'il comprend. Le match n'oppose pas seulement l'équipe de la production à l'équipe de la direction. Il oppose le fils Lacourt à Thomas Delbarre et le premier a piqué la femme du second. Les gens sont moins intéressés par le foot que par le drame. Ils espèrent un accrochage ou, encore mieux, une bagarre. Adam se place face à Thomas, apprécie malgré lui sa carrure. En attendant les quelques retardataires, il souffle :

    – On s'amuse, d'accord ?

    – T'inquiète, répond Thomas.

    Il ne prête attention ni au public, ni à Jérôme et ne regarde qu'Adam.

    L'arbitre donne le coup d'envoi. Thomas fonce, Adam lui bloque la route. D'un tacle bien propre, il récupère la balle et la passe à l'un de ses coéquipiers.

    – Il va falloir faire mieux que ça, commente-t-il en souriant et Thomas lève les yeux au ciel.

    Très vite, les amateurs de dramas déchantent. Si Thomas lutte contre quelqu'un, ce n'est pas contre Jérôme. Il marque Adam de près, se place constamment sur sa route, bloque ses issues. Le combat pour le ballon est âpre, les jeux de jambes sont rapides et précis, les passes, parfaites. Le score est au match nul, personne ne sait qui va l'emporter. Techniquement, Adam joue un cran au-dessus, mais Thomas dispute ce match comme si sa vie en dépendait. Il a l'habitude de jouer avec les mecs de l'atelier, qui sont non seulement ses collègues, mais aussi ses amis. Ils se connaissent, se comprennent et se complètent. Leur jeu est plus fluide que celui de l'équipe de la direction. Sans Adam, ils l'auraient emporté.

    La victoire s'arrache au tir au but, sous un tonnerre d'applaudissements venu des gradins. Thomas a marqué, Adam aussi et Jérôme a fait la différence : un tir parfaitement cadré quand celui de l'adversaire est passé au-dessus de la transversale. Tous les joueurs se serrent la main, même Jérôme et Thomas - une demi-seconde.

Dans les vestiaires, Adam traîne ses membres fourbus sous la douche. L'eau est à peine tiède, mais elle le débarrasse de sa sueur et délasse ses muscles. Il se sèche et s'habille, encore heureux de sa victoire. En sortant de la cabine, il oublie complètement le match de foot, la journée team building et même ce qu'il fait là. Thomas est torse nu, au milieu du vestiaire. Lui aussi a pris une douche. Ses cheveux sont mouillés. Adam détourne les yeux comme s'il s'était brûlé. Il range ses affaires dans son sac, mais l'image s'attarde sur ses rétines. Les larges pectoraux, les abdominaux bien dessinés, la ligne de poils blonds qui descend de son nombril à la ceinture de son jean... Puis, sur le flanc gauche, quatre silhouettes d'oiseaux en plein vol, noires sur la peau blanche.

    Putain, songe Adam en tirant sur la fermeture éclair de son sac et en le passant sur son épaule. Il se retourne, lutte pour ne pas regarder en direction de Thomas, mais au moment où il passe près de lui pour sortir du vestiaire, l'un des gars de la production l'arrête.

    – Vous jouez drôlement bien, Monsieur Bathily.

    Thomas est à côté de lui, toujours torse nu, éternel sourire aux lèvres et fichue fossette. Regarde-le dans les yeux, s'ordonne Adam qui ne veut surtout pas avoir l'air de le reluquer.

    – Merci, répond-il. C'était un beau match.

    Il quitte les vestiaires sans se retourner, la gorge sèche.

***

    Le discours de clôture est moins ennuyant que celui du matin. Lacourt, le visage fermé, prononce quelques mots, visiblement pressé d'en finir. Les salariés prennent un dernier encas pour la route et chacun repart d'où il vient : les salariés de Lille et de Montpellier prennent place dans leurs bus, Adam monte dans la voiture de service. Ce vendredi-là, il n'a pas de train à prendre. Thibault passe le week-end chez des amis à Bordeaux, Malika est chez sa sœur et lui préfère s'épargner l'aller-retour à Paris pour profiter de sa mère et se reposer.

Quand Thomas s'installe à la place du conducteur, un haut à manches longues dissimule muscles et tatouages, mais l'imagination d'Adam tourne à plein régime. Le dessin sur son bras, les oiseaux noirs, les muscles saillants... La scène du vestiaire lui paraît trop lointaine, il regrette d'avoir trop vite détourné les yeux. L'image se brouille déjà. C'est juste un mec torse nu, songe-t-il. Passe à autre chose.

– À quoi tu penses ? demande Thomas.

– Pardon ?

– T'as l'air préoccupé par quelque chose. Je me demandais quoi.

Toi, songe Adam en cherchant désespérément une réponse plus acceptable.

– Je vais partir en déplacement à Lille et Montpellier, dit-il enfin. Je pense rester une semaine sur chaque site.

Thomas se rembrunit. La moitié de la mission d'Adam s'est déjà écoulée. Dans un mois et demi, il quittera STL pour ne plus y revenir. Il reste si peu de temps et l'idée d'en perdre encore le déprime.

– Je sais, murmure-t-il.

– Tu voudrais m'accompagner ? propose Adam, avant d'ajouter : Tu n'es pas obligé. C'est si tu en as envie.

– Tu plaisantes ? Bien sûr que j'en ai envie !

L'enthousiasme de Thomas le trahit. Il le sait et il s'en moque : il part en déplacement. Avec Adam.

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Prochain chapitre : mardi ;)

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Une petite histoire de vengeanceOù les histoires vivent. Découvrez maintenant