« Zacharie ! Tu viens près de moi ? » murmura Lucia.
Allongée sur un lit de fortune, elle admirait de ses grands yeux tristes le jeune homme crispé qui lui tournait le dos. Debout, au pied de la couchette, il triturait le cordon de ses braies.
« C'est notre dernière chance avant ton départ ! » implora-t-elle.
Ses épaules maculées de taches de rousseur retombèrent. Zacharie ne savait pas comment s'y prendre, comment abandonner l'enfance, perpétuer les traditions. Sa gorge se nouait sous l'émotion grandissante, imposée par l'intimité des lieux. Il n'osait pas poser les yeux sur elle. C'était la première fois qu'il la découvrait nue.
« Laisse-moi un peu de temps », marmonna-t-il, embarrassé.
Zacharie repoussait consciemment le moment fatidique. Un peu plus à chaque respiration. La pression remontait dans sa boîte crânienne et brassait avec elle toutes les responsabilités qui pesaient sur ses frêles épaules.
« Un peu de courage, bon sang ! »
Décidé, il se tourna enfin vers Lucia et y posa timidement les yeux. Elle rayonnait. Pour célébrer leur union, la jeune fille s'était coiffée d'une parure de coquillages irisés, entremêlée dans sa chevelure ondulée. Ses mèches brunes relâchées tombaient devant sa poitrine naissante où se perdait un délicat collier nacré. Zacharie, comme bon nombre d'hommes de son peuple, se rasait de près l'arrière du crâne et les tempes, puis tressait la touffe rousse épargnée en arrière, pour la laisser pendre jusqu'à sa nuque.
Une sensation nouvelle réchauffa ses pommettes.
Lucia avait descendu une lourde couverture rugueuse jusque sur son bas ventre et se tortillait, lascive. Elle semblait si sûre d'elle. Pourtant, Zacharie savait bien qu'une puissante appréhension occupait son esprit derrière ses battements de cils exagérés et ses étirements érotiques. Toutes ces postures, elle les avait apprises de sa mère pour cette occasion si particulière, cette promesse charnelle, ce devoir d'adulte. Bien maîtrisées, elles canalisaient les pensées de l'amant sur l'acte à venir et attendrissaient ses caresses. Ce n'était qu'un rituel, une pantomime qui réveillait l'appétit encore vierge de l'homme qu'il allait devenir. Il n'en captait pas vraiment toutes les subtilités, mais l'effet mystique de ce corps dénudé et lové dans ces draps stimulait la tentation.
Au creux du nombril de la jeune fille, sur sa peau claire, se découpait une perle scintillante. Lucia attendait qu'il la cueille. Elle leva à son tour les yeux sur lui. Lorsqu'elle découvrit son torse sec et musclé où pointaient quelques poils roux et précoces, un sourire gêné souleva ses joues rougies par le sel. Tatoué entre les pectoraux, un terrible symbole se dessinait, la proue d'un sombre drakkar, apprêté pour la guerre, une tradition réservée au fils aîné de chaque famille qui annonçait son départ pour les terres sacrilèges des Fouleurs. Plus tard, s'il en revenait, l'embarcation évoluerait selon ses exploits, selon ses blessures. Au contraire, si la vie le quittait, on confirait son corps aux divinités marines, imprégné de l'encre sacrée la plus noire, lesté comme il se doit pour rejoindre les Abysses.
« Fais-moi une place ! » lança Zacharie.
La jeune fille se décala sur le côté et s'appuya contre le mur de bois qui encadrait la couchette improvisée. Dehors, les flots firent trembler le cabanon. Ce n'était rien d'autre qu'une vague un peu plus forte que les autres, l'habituel roulis, qui depuis toujours, les avait vus grandir. Sous la fenêtre, quelques harpons gigotèrent dans leur tonneau. Modelés dans les os des créatures aquatiques, ils jouaient une mélodie à la tessiture étouffée. Zacharie songea aux marionnettes des artistes itinérants, confectionnées dans cette même matière animale, et qui s'animaient, les membres ballants, devant les yeux ébahis des enfants. Il soupira. Ces contes et ces légendes appartenaient à une autre époque.
« Il est temps de grandir maintenant. »
Il fronça les sourcils et dénoua son dernier vêtement, avant de l'envoyer en direction des culottes, chemises et chausses qui jonchaient un coin de la pièce. Sa pudeur se lisait sur sa peau écarlate. Maladroitement, il camoufla son sexe d'une main, puis, se glissa sous les couvertures en prenant bien soin de ne pas entrer en contact avec Lucia, elle aussi confuse par sa nudité.
Sa main frôla pourtant la sienne. Frissonnant, le souffle suspendu, il la serra avec fermeté pour lui transmettre le lourd sentiment qui enlaçait son cœur, pour lui transmettre son appel à l'aide. Elle l'empoigna alors elle aussi, les yeux rivés sur les cordages aux ondulations hypnotiques qui pendaient aux poutres. Elle avait les mains légèrement rugueuses et sèches depuis qu'elle travaillait à la récolte des coquillages. Sous le tissu, une sueur ardente en irradiait, mélange de trac et d'envie.
Zacharie déposa ses doigts dans la paume de Lucia. Lorsque ses ongles en effleurèrent les plis, il sentit son pouls battre un peu plus fort. Ses poils se hérissèrent. Pas un mot ne s'échappa des lèvres paralysées et pincées. À ses côtés, Lucia hésitait, tremblante et fébrile. Un mur infranchissable se dressait, un combat sentimental où leurs cœurs battaient en rythme, où leurs mains moites accéléraient timidement leurs caresses sans s'aventurer au-delà du poignet.
C'était leur première fois ; ils quittaient à peine l'enfance, quatorze ans tous les deux. Elle avait déjà les hanches d'une femme, et lui, la carrure d'un homme. Ils auraient voulu attendre, mais, en tant que fils aîné, Zacharie devait se résoudre à perpétuer la vie et se résoudre à donner la sienne lorsqu'il partirait.
Alors, entre désir et responsabilité, il osa.
Lentement, ému, du bout des doigts, il remonta sur ses bras sensibles, jusqu'à l'épaule et se glissa derrière sa nuque fébrile. Puis, il se pencha vers elle, affronta son regard, rencontra dans ses yeux le reflet de ses propres sentiments effarouchés. Les souffles se relâchèrent. Un premier sourire apparut au coin des lèvres du jeune homme. Elles se délièrent et entreprirent un premier rapprochement, un premier baiser doux et salé, électrisant, qui réduisait à néant leurs barrières émotionnelles.
La pudeur brisée, les jambes s'entrelacèrent. Les corps embrasés se froissèrent.
La perle les reliait. Il n'y avait plus d'obstacle à leur union.
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DAEHRA
FantasyMobius est terrorisé. Qui sont ces sombres créatures qui le poursuivent dans ses cauchemars ? Xenon, lui, est aux anges. De quelles nouvelles odeurs sera fait demain, puis après-demain ? Quant à Lhortie, elle est débordée. Qui lui a foutu des troup...