Chapitre 22 - Mobius (Partie 2)

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« Mange ! »

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« Mange ! »

Yalthia tendait un gigot où s'amalgamaient poils et poussière. Face à lui, Mobius grelottait. Il luttait contre le sommeil. L'effort de reconstruction avait ramolli ses muscles, creusé ses joues, terni sa peau déjà bien blanche. Il avait puisé dans ses dernières réserves.

Même le feu préparé par le colosse ne le maintenait plus au chaud.

« Vous... vous n'avez rien de moins... sanguinolent ?

— Non », assena Yalthia.

Il agita le morceau sous le nez de Mobius qui grimaça.

« Je ne sais même pas ce que c'est...

— Tu vois pas que c'est de la viande ? »

En réponse, le jeune homme rentra sa tête entre ses épaules.

« T'es toujours aussi mollasson ou bien... ? » grommela le colosse.

Mobius soupira.

« Si tu te bats pas un minimum, je te laisse ici ! Je vais pas te trimbaler jusqu'à la prochaine ville... Question de dignité. La tienne, comme la mienne ! »

Alors, du bout des doigts, il attrapa son repas. Le cadavre du propriétaire gisait un peu plus loin, démembré. Un second pendait la truffe en bas, accroché à une branche. Sous le cuir brûlé, la chair avait cuit – bien trop cuit. Ce qui pouvait nourrir le jeune homme ne formait plus qu'une fine couche noircie. Ces créatures n'avaient que la peau sur les os : pas étonnant qu'elles se soient affolées à la moindre apparition d'une proie ou qu'elles se soient attaquées désespérément à bien plus forte qu'elles. Mobius s'en contenterait. Il approcha ses lèvres. Son ventre gargouilla. Son corps ne lui laissait pas d'autre choix. Il salivait. Avec appréhension, il mordit la viande qui s'avéra plus tendre et plus savoureuse que prévu. La faim savait jouer les illusionnistes. Elle transformait la moelle en nectar et la carne en sot-l'y-laisse.

« Tu vois quand tu veux... lui souffla Yalthia.

— Ch'afait peur de mal la dichérer ! » mâchonna le jeune homme.

Le colosse explosa d'un rire gras et lourd.

« J'ai dit quelque chose de drôle ? déglutit Mobius.

— T'as tout l'air d'un rongeur en couvant ton os, comme ça.

— C'est que ça se laisse manger finalement... »

Il recracha un ligament caoutchouteux.

« On verra bien si ça nous tord les entrailles. »

Yalthia lui sourit. Se nourrir de la chair d'un prédateur restait la meilleure des solutions. Rien de tel pour s'empoisonner qu'une baie, un champignon ou un petit animal bariolé dont on ne connaissait rien. Même les aliments les plus anodins pouvaient réserver de sacrées surprises à ceux qui ne prenaient pas garde à leur préparation. Ici, sur ces terres que le colosse n'arrivait pas à nommer, tous les enseignements tirés de l'herbier de son père et des rumeurs que colportaient les cueilleuses se réduisaient aux préconisations les plus superficielles.

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