Chapitre 16 - Mobius (Partie 3)

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« Par ici ! lui susurra une voix masculine et séductrice

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« Par ici ! lui susurra une voix masculine et séductrice.

Est-ce enfin la délivrance ? songea Mobius. Le bout du rêve ? »

Cette voix, il ne l'avait jamais entendue auparavant. Son timbre plus grave se galvaudait d'une jouissance certaine. Elle l'invitait à s'approcher, à quitter la pénombre dans laquelle il se réfugiait comme un enfant sous sa couverture.

« Ouvrez les yeux !

Non ! pensa très fort le délégué.

Vous ne voulez pas assister à notre petit spectacle ? »

La question feignait avec grossièreté la déception.

« Renoncez au contrôle ! »

Mobius sentit une pression s'exercer, un étau sur sa conscience. Guidé par l'ordre mental, il ouvrit les paupières. La cabine avait disparu, supplantée sous ses pieds ballants par le vide. Il écarquilla les yeux. La beauté époustouflante du paysage qui se dessinait le subjugua. Il lui inspirait un état qu'il n'aurait jamais imaginé atteindre un jour, un état de plénitude infinie. Rien à voir avec ces périodes d'apaisement relatif qui lui permettaient de paraître normal entre deux crises d'angoisse. Non ! Cette plénitude-là revêtait des airs d'aboutissement de soi, ceux d'une liberté sereine inappropriée en de pareilles circonstances ; Mobius tombait. Il fondait vers le sol, insouciant. Et pourtant, il profitait de ses dernières secondes de pureté sans qu'une once de crainte ne l'imprègne.

Comment résister devant ces ciels empreints de mysticisme aux teintes violacées et sur lesquels se peignaient, à gros poils, les courants aériens comme d'impalpables tourbillons plus clairs ? Comment résister face à la canopée luxuriante qui s'étendait dans toutes les directions à la façon d'un parterre verdoyant lacéré de rares affleurements calcaires, qui, à mesure qu'on approchait des rivages, se clairsemait, épuisé par la pauvreté des sols accidentés ?

Mobius ne savait pas comment. Mobius ne résistait pas.

Dans le lointain, quelques cumulus soulignaient les contours maritimes comme une écume aérienne et ce collier de perles cotonneuses surplombait des eaux cristallines. Depuis ces hauteurs, on distinguait sans difficulté la langue aquatique d'une anse gigantesque s'enfoncer dans les terres et sculpter le relief en une large et somptueuse calanque saupoudrée d'arbustes. La mer s'avérait si basse et le plateau sous-marin si étendu que les récifs coralliens s'enchaînaient sur plusieurs kilomètres, avant que la pente soudaine obscurcisse entièrement les détails.

En filigrane dans ce panorama idyllique, des formes rectilignes plus sombres dénotaient sous les vagues : une géométrie invisible en rase-motte qui prenait alors un sens nouveau une fois qu'on l'observait depuis les airs. Éparpillées sur le sable, les taches s'alignaient, changeaient les perspectives et révélaient d'incompréhensibles motifs. Il était alors impossible d'imaginer à cette distance que la nature avait œuvré, seule, à la conception de ces architectures. Mobius, lui, y voyait les vestiges d'une civilisation engloutie par les couches successives de sable, dévoilée par les coraux noirs qui s'empilaient, génération après génération, au sommet des structures oubliées. Ainsi, la faune sauvage avait su vaincre les aléas du temps qui s'affairaient à gommer l'existence de ces quadrillages. Le récif, témoin vivant et immortel, transmettait son histoire à quiconque osait plonger son regard sous les eaux.

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