Le tour de garde à l'intérieur du ballon fut bref, réalisé les yeux fermés.
Là-haut, sous la toile et les poutres, les structures fredonnaient une mélodie caverneuse au tempo erratique. Parfois, les accents cuivrés s'emballaient, provoquant ainsi la désagréable sensation que le squelette de métal pouvait céder sous la pression. D'autres fois, les grincements se répondaient à la manière des glaciers comme un craquement sourd et lointain se diffusant par écho. Au milieu des vibrations et des percussions, Strax n'entendit pas l'homme qui se faufilait derrière lui. D'intersection en intersection, celui-ci avait cheminé sournoisement dans son sillage, en progressant d'une coursive à l'autre, en suivant les longitudinales et les transversales, toutes ces lignes droites qui permettaient aux troupiers de déambuler librement autour des ballonnets qui formaient le zeppelin.
Après deux chansonnettes entonnées à tue-tête, un arrêt vidange de vessie dans un coin discret et quelques crachats par-ci par-là, Strax avait atteint la poupe du Présage 101. Bercé par le vrombissement infernal des hélices, il redescendit vers le couloir jouxtant le compartiment des machines. À peine eut-il mis pied à terre que l'homme l'imita, s'invitant à bord, se glissant dans la pénombre. À grand renfort d'un tour de volant et d'un brusque coup d'épaule, le troupier accéda à l'intérieur de la pièce. L'autre hésita à continuer. L'air devint palpable, chargé de suie volatile. Elle se collait à la peau et aux paupières, enduisait les cheveux. Lorsque Strax s'avança jusqu'au balcon qui dominait les lieux, l'homme le suivit discrètement en réfrénant un éternuement dans le creux de son coude.
La fournaise qui y régnait ici le surprit.
Au niveau inférieur siégeait une énorme chaudière, fière et ventripotente. Deux foyers la réchauffaient et éclairaient le compartiment d'une lueur rougeoyante. Un troisième rayonnait faiblement ; son feu était à l'agonie. Au-dessus du cylindre, les courroies et les pistons du moteur entraînaient les hélices dans une cadence palpitante, un rythme assourdissant et régulier appuyé d'un ronronnement traînant. Il suffisait de cinq courtes minutes passées dans la salle des machines pour que la frénésie vous marque. Alors, lorsqu'un mécanicien se voyait affecté ici, il savait qu'il inviterait les battements entêtants à envahir ses songes, que ceux-ci rythmeraient le silence de ses heures de repos et qu'ils transformeraient, petit à petit, ses paroles en des gémissements gueulards.
Strax grimaça. Étourdi par l'ambiance sonore qui le frappait de plein fouet, il chercha du regard le chauffeur chargé d'alimenter la combustion.
« Hey ! » cria-t-il, les mains en porte-voix.
Tirant profit du vacarme, l'ombre se glissa dans la cage d'escalier menant à l'étage en dessous. Derrière leur grille, les foyers crachèrent quelques flammes.
« Ferme-moi cette saloperie de porte ! sonna une voix zozotante en contrebas.
— Je te rends visite et tu me gueules dessus ? »
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DAEHRA
FantasyMobius est terrorisé. Qui sont ces sombres créatures qui le poursuivent dans ses cauchemars ? Xenon, lui, est aux anges. De quelles nouvelles odeurs sera fait demain, puis après-demain ? Quant à Lhortie, elle est débordée. Qui lui a foutu des troup...