Chapitre 18 - Mara (Partie 1)

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« Un Huit, un Sept et un Cinq de Corne ! Et toi ? » siffla le vieux Saurien

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« Un Huit, un Sept et un Cinq de Corne ! Et toi ? » siffla le vieux Saurien.

Mara lui sourit en dévoilant son jeu.

« Un Dix, un Neuf de Poil et... tiens-toi bien, Hewan ! »

Avec malice, elle abattit sa dernière carte.

« Un As d'Écaille. Ce qui me donne vingt tout rond ! »

Le visage tanné de son adversaire se décomposa.

« Mais... commença-t-il, tu ne peux pas jouer ça !

— Encore une règle que t'as oublié de m'expliquer ? » se renfrogna Mara.

Elle resserra le bandeau qui retenait son épaisse chevelure foncée.

« Non, les Cornus l'emportent toujours sur les Poilus ! affirma l'autre.

— Tu disais que les Écailleux soutenaient les Poilus ! »

Hewan posa un doigt griffu sur l'un des cartons et le tira vers lui.

« Cette carte, Mara ! Dis-moi ce qu'elle a de si particulier ! »

On y avait dessiné un lézard au crayon et, dans les coins, le chiffre Un. Ce matériel ne payait pas de mine, mais il leur suffisait pour animer les heures de garde.

« C'est un Écailleux ! » affirma naïvement la jeune Véloce.

Des grains de beauté piquetaient par dizaine ses joues claires.

« Un As, Mara ! C'est un As ! »

Le Saurien grimaça ; au sommet de son crâne, ses trois plumes se dressèrent.

« Les As ne soutiennent que leur propre famille !

— Triple bouc ! » jura-t-elle en frappant du poing sur la table.

Bols, compas et cendrier sursautèrent, accompagnés de quelques roucoulements gênés et désordonnés. Autour d'eux, le choc avait réveillé les piafs engourdis qui s'entassaient dans les dizaines de cages du colombier. Le bâtiment, construit sous la lanterne du phare qui dominait l'île rocheuse de Baladrek, souffrait des affres de l'humidité portée par les embruns. Cette dernière pénétrait les murs, embuait les fenêtres et affrontait en permanence la faible chaleur d'un poêle qu'on alimentait inlassablement. C'était ici et ce, depuis plusieurs années, que Mara et Hewan se retrouvaient tous les jours et que, tous les jours, ils recommençaient les mêmes gestes, les mêmes discussions.

« Ton peuple aime la vitesse, persiflait Hewan. Mais il n'a pas l'esprit vif !

— Vieux croûton ! » grognait-elle gentiment.

Mara appartenait à une race proche de celle des Humains. Pourtant, d'un simple coup d'œil, n'importe qui devinait qu'elle n'était pas des leurs. Toute la différence résidait dans ses orteils bien plus longs, ses talons relevés, qui ne touchaient pas le sol, et ses oreilles pointues qui dépassaient de ses boucles d'ébène. Toujours sur la pointe des pieds, droite comme un piquet, elle affichait une démarche gracieuse et mesurée qui s'emballait dès lors qu'elle se pressait un peu. Pour se propulser vers l'avant, ses mains rejoignaient alors le sol et, ainsi, elle adaptait sa posture aux situations d'urgence. Comme tous les Véloces, Mara possédait une formidable aptitude pour la course et, comme la majeure partie de son peuple, elle suivait l'Espérance, une religion en parfaite opposition avec celle du Renoncement.

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