Chapitre 13 - Strax

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« Tu vas quand même pas

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« Tu vas quand même pas... ! couina un troupier qu'un collègue entravait.

— La ferme, Alphonse ! » lancèrent en chœur une quinzaine de soldats.

Cet amas compressé de têtes et d'oreilles fouineuses bloquait le seul accès aux cellules, un couloir transversal attenant aux réserves. L'étroit passage ne payait pas de mine, pourtant il était le théâtre d'une dispute inédite qui attirait, de la poupe à la proue, les Cols Rouges en service. Même le cuisinier s'invitait, par intermittence, et beuglait un chapelet d'insultes depuis le réfectoire.

« Qu'est ce qu'y foutent ? demanda Strax qui arrivait à l'arrière du bouchon.

— Oh ! Pinçon et Hourdis cherchent encore l'embrouille ! répondit Hubert.

— Hein ? Tu t'fous de moi ! Pas maintenant ! »

Strax s'appuya sur les épaules de son collègue pour contempler la scène.

« T'es pas très stable, mon chameau ! s'amusa-t-il.

— Hé ! T'as les os pointus, mon con ! cria Hubert qui perdait l'équilibre.

— Arrêtez de pousser ! » gémit l'avant.

Là, entre deux képis, Strax vit distinctement trois troupiers se disputer le destin de la délégation d'Apostasis la Morte. Pinçon, le plus costaud d'entre eux, avait pris l'avantage et pointait son fusil en direction des barreaux derrière lesquels attendait le Renonciateur. La créature impassible, assise sur une couchette minuscule, observait les trois hommes se débattre. Au fond du couloir, désarmé, Alphonse jouait des coudes, soulevé à quelques centimètres du sol par Hourdis qui le ceinturait.

« 'tain ! Mais t'as raison ! s'étonna Strax.

— À deux contre un, ces saligauds !

Deux contre un ? pensa Strax. Plutôt deux et demi, oui ! »

C'était couru d'avance – surtout quand Pinçon participait à l'assaut ! Ce troupier appartenait à la race des Manticore et, comme bon nombre de ses congénères, il s'affublait d'abominables greffons. En l'occurrence, l'homme en possédait un seul, bien en évidence : un troisième bras transplanté à sa droite. Ainsi, il lui était possible de tenir en joue le Renonciateur tout en discourant d'une main. Hourdis, quant à lui, affichait une bedaine proéminente et poilue qui débordait de son pantalon trop serré. Strax connaissait le potentiel intellectuel de ces deux brutes. En l'additionnant, il atteignait à peine celui du sous-lieutenant Foliot. Copains comme cochons, les deux hommes avaient une fâcheuse tendance à tyranniser les nouvelles recrues.

Par le passé, Strax avait voulu s'interposer pour défendre un pauvre gamin que Pinçon martyrisait, mais il n'avait pas pris en compte la taille du Manticore : une bonne tête de plus qui, même si son adversaire ne possédait pas encore son troisième bras, lui avait valu un bon gros gnon dans l'œil et quelques côtes cassées. À l'époque, le Lieutenant Roberval dirigeait leur troupe, un Humain droit et honnête qui savait cogner sur les fortes têtes et recadrer les chiures. Le gradé avait démêlé l'affaire en toute simplicité : une semaine de trou pour Pinçon. Depuis, Strax évitait de croiser son collègue, d'autant plus qu'il s'était acoquiné d'un faire-valoir ridicule, le fameux Hourdis, dont l'unique utilité consistait à le soutenir dans ses incartades.

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