« Qu'attendons-nous ? » crissa 2,6-Dimethylpiperidine.
Le jeune Chitine, un protégé accueilli la veille par Xenon, frottait ses mandibules l'une contre l'autre. Un son strident en résultait, un son aux harmoniques que le délégué comprenait et pouvait reproduire parfaitement. Il lui suffisait d'agiter de minuscules appendices internes recroquevillés près de ses cordes vocales évoluées pour émettre des ondes compréhensibles par les Crisseurs de son espèce.
« On attend le signal pour sortir ! » affirma sereinement Xenon.
Il éprouvait une maigre appréhension depuis qu'un coup de feu avait retenti à l'étage et que trois claques-silex s'étaient invités à l'intérieur du Présage en brisant les hublots. Pas de quoi le faire paniquer. Xenon savait se contrôler. Alors, comme tout bon Chitine, il n'en montrait rien. Pour maîtriser la situation, il se contentait de calmer les ardeurs de son protégé. Agenouillés derrière le bar du salon, ils attendaient tous les deux que le grabuge se tasse.
De l'autre côté, les troupiers Busc et Carnequin, débordés par les évènements, s'acharnaient à combattre à coup de baïonnette les trois oiseaux furieux qui se jouaient de leur maladresse. Par intermittence, les intrus secouaient violemment leurs larges ailes membraneuses en bondissant vers l'avant. Leurs cris rauques entraînaient dans une danse ridicule les soldats empotés qui se prenaient les pieds dans les tapis et les genoux dans les tables.
« Aïe ! hurla Busc en se tenant le mollet.
— Il s'est carapaté là-d'ssous ! Chope le don' ! rétorqua son collègue, dépité.
— Comment tu veux que j'fasse ? Il sautille ! Il sautille partout ! »
Pour empêcher l'intrusion d'autres claques-silex, on avait rapidement obstrué les hublots – trop rapidement peut-être, puisque les soldats n'y voyaient plus grand-chose. Quelques rayons filtraient à travers les lames des volets métalliques. Parfois, dans le tumulte, l'un d'eux rencontrait le visage rougi d'un troupier, d'autres fois, il se reflétait sur le plumage cendré des oiseaux ou sur le tube en verre des lampes à huile éteintes qui se balançaient, pendues au plafond. Dans la précipitation, les Cols Rouges n'avaient pas pris le temps d'allumer ces dernières et avaient préféré repousser les assaillants dans un coin du salon plutôt que de les embrocher en pleine lumière.
Xenon jeta discrètement un œil depuis le bar.
Busc grogna un bon coup, sa baïonnette levée au-dessus d'une table qui abritait l'un des volatiles. Sans une once de retenue, le troupier abattit son arme. Au moment même où elle perçait le bois du meuble, l'oiseau se faufila entre ses jambes pour rejoindre ses semblables. Bousculé par le fuyard, Busc trébucha et s'étala sur un fauteuil. Des piaillements éraillés s'échappèrent des gosiers derrière lui, suivis d'une rafale de claps d'avertissement. À la manière d'un stroboscope, la pièce s'enflamma de flashes provoqués par le claquement de becs rocailleux, allongés et crantés : le claquement des claques-silex. À chaque fois que l'un d'eux refermait sa mâchoire violemment, des gerbes d'étincelles s'échappaient et embrasaient l'espace dans une image qui se figeait sur la rétine. La salle se parait alors d'une teinte flamboyante où les ombres s'étiraient dans toutes les directions, où les mouvements des protagonistes se découpaient, erratiques.
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DAEHRA
FantasyMobius est terrorisé. Qui sont ces sombres créatures qui le poursuivent dans ses cauchemars ? Xenon, lui, est aux anges. De quelles nouvelles odeurs sera fait demain, puis après-demain ? Quant à Lhortie, elle est débordée. Qui lui a foutu des troup...