L'auberge de la Baleine à Brosse brillait des chandeliers pendus aux plafonds et des bougies posées sur les tables en bois brut. Il y avait quinze ans de cela, Walhdar y avait libéré l'espace en la rénovant de ses propres mains. L'île brassait tant de voyageurs qu'il fallait s'adapter à leur diversité et les bâtiments restaient pensés par des Hommes pour des Hommes. Dans celui-ci, on avait repoussé les murs, élargi les embrasures et renforcé les planchers. Les Humains y croisaient des Véloces, quelques Sappirs, mais aussi des Sauriens, du plus massif Crocodilien au plus chétif Squamate. Pour un peu d'intimité, les clients s'installaient dans l'ombre, sur le banc des alcôves alentour. Ils appréciaient également les solides rondins du bar pour leur proximité avec la cheminée centrale dont la hotte bardée des côtes d'un monstre marin traversait les étages.
Dans un angle dégagé, on avait monté une scène encadrée d'épais rideaux. Des artistes au talent discutable s'y produisaient tous les soirs. On les savait capables de détourner suffisamment l'attention pour qu'une main agile atteigne une bourse. Les cris, les fausses notes et les danses un tantinet langoureuses profitaient toujours aux menus larcins. Mais cette nuit-là, les détrousseurs avaient reçu l'ordre d'éviter les esclandres ; les Cols Rouges descendaient se détendre. Kalio, un musicien Véloce reconnu pour ses tenues excentriques, jouait une mélodie monotone à la cithare. Assis en tailleur, il accompagnait la rengaine de sa voix fluette. Le public, peu réceptif, se contentait de bavasser, verre à la main et clope au bec, happé par la fumée des cendriers et les vapeurs d'alcool. Un brouhaha constant couvrait les discussions ; chacun devait se pencher vers son interlocuteur ou remuer exagérément les mains pour se faire comprendre.
Sous les charpentes, les mezzanines se remplissaient. Les serveurs endimanchés circulaient d'un étage à l'autre, les bras chargés de boissons, de fromages et de poissons grillés. L'un d'eux, dont la tête ne dépassait pas les rambardes d'un pouce, quitta la clameur pour un escalier privé menant au plus haut des balcons. Il portait en guise de couvre-chef un plateau garni à ras bords qui camouflait son visage. Seuls ses doigts velus dépassaient sur le pourtour et laissaient présager une pilosité développée. Lorsqu'il atteignit la dernière marche, un garde balafré en armure de cuir s'écarta sans broncher.
Derrière lui, attablés en tête à tête, Walhdar et le Capitaine Gaspard taillaient le bout de gras. Le dirigeant de Baladrek, détendu sur son tabouret, grattait son épaisse barbe grisonnante. Plus un cheveu ne poussait au sommet de son caillou tacheté ; porter le tricorne tout le jour n'arrangeait pas sa calvitie. Sur ses tempes subsistaient deux longues touffes blanches qu'il nouait d'un catogan. On pouvait lire son âge avancé dans chacune de ses rides joyeuses. Pourtant, le vieillard avait encore les épaules solides et une santé indéfectible. On racontait qu'il pouvait tout ingurgiter et il ne s'en privait pas depuis qu'il avait survécu à la morsure d'un Varan, un Saurien dont l'haleine fétide se chargeait de miasmes.
« Flibot, on t'attendait ! » s'enjoua Walhdar.
Ses yeux vifs et malicieux pétillèrent quand le serveur s'approcha.
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DAEHRA
FantasyMobius est terrorisé. Qui sont ces sombres créatures qui le poursuivent dans ses cauchemars ? Xenon, lui, est aux anges. De quelles nouvelles odeurs sera fait demain, puis après-demain ? Quant à Lhortie, elle est débordée. Qui lui a foutu des troup...