Mobius est terrorisé.
Qui sont ces sombres créatures qui le poursuivent dans ses cauchemars ?
Xenon, lui, est aux anges.
De quelles nouvelles odeurs sera fait demain, puis après-demain ?
Quant à Lhortie, elle est débordée.
Qui lui a foutu des troup...
Oups ! Cette image n'est pas conforme à nos directives de contenu. Afin de continuer la publication, veuillez la retirer ou mettre en ligne une autre image.
Lorsque Xenon sortit de sa torpeur, les braises du feu de fortune rougeoyaient encore, attisées par la caresse d'une brise nocturne. Dans la pénombre, le Chitine remonta ses lunettes d'apparat. L'un des verres affichait une fissure gênante ; il replia soigneusement les branches et rangea l'ensemble dans la poche intérieure de son veston, qu'il épousseta vivement. Le moindre de ses vêtements avait souffert. Ses souliers gardaient les marques de sa précipitation. Son pantalon, déchiré par endroit, laissait apparaître l'articulation grossière de ses genoux, tandis qu'une huile noire tachait sa chemise.
Pendant un instant, Xenon espéra trouver des changes dans l'une de ses valises, mais il se souvint qu'elles reposaient au fin fond du Présage 101, là où son chapeau melon et son précieux compendium leur tenaient compagnie. Quelle déception... L'accident l'avait dépossédé. Son fidèle couvre-chef lui manquait terriblement et l'absence de l'ouvrage confié par les phéroscribes le privait des prochaines étapes de son apprentissage. Le Chitine se raisonna : pourquoi songeait-il à ces futilités en de pareilles circonstances ? Il y avait bien d'autres priorités : sa propre vie, celle de son protégé, celles de tout l'équipage.
Dérangé par l'angle du mur qui lui tordait la cuticule, il se redressa. 2,6-Dyméthylpipéridine émergea à son tour. Il le collait un peu trop. En silence, les phéromones du Mantide réclamèrent une dose de substance royale. Le délégué lui refusa d'un crissement. Aussitôt, des lamentations abondèrent jusqu'à ses narines. Elles se marièrent à la sueur des troupiers dont les ronflements se répondaient sur les parois d'ébène. L'ensemble odorant ondulait sur la nappe estivale qui annonce l'arrivée du soleil. Sa légèreté invitait les deux insectes à quitter un sommeil de huit longues heures, un sommeil artificiel qui révélait leurs difficultés à affronter la tourmente.
« J'ai besoin d'Elle », crissa le plus jeune.
Xenon chercha à éviter l'appel désespéré.
« J'ai besoin d'Elle. Donnez-en-moi ! »
Il se concentra plutôt sur des notes olfactives apaisantes.
« Juste une dernière fois. »
Le délégué répéta son refus. Il s'en voulait d'avoir démesurément employé les fioles pour canaliser leurs émotions, d'avoir simulé des rêveries qui les avaient détournés du reste des survivants. C'était un aveu de faiblesse indéniable, alors qu'il se devait de représenter sa Gyne bien-aimée, d'être - dans la mesure du possible - le prolongement de sa volonté et d'émettre en son nom. La catastrophe l'avait fragilisé, tout comme elle avait fragilisé 2,6. Ce dernier restait un Chitine primitif qui, sans le contrôle phéromonal adéquat, risquait de commettre l'irréparable : attaquer l'équipage ou mettre fin à ses jours. Ainsi, Xenon n'avait pas eu d'autre choix que de s'en remettre aux effluves royaux, condensés dans ces fioles pour les situations d'urgence. Et quels effluves !
Il avait eu la main lourde en aspergeant de substances les antennes du nouvel arrivant et en aspirant une bouffée pour se calmer lui-même. L'expérience s'était avérée plus grisante que dans ses souvenirs. Elle les avait coupés du monde pour les emmitoufler d'une dimension voluptueuse, un ailleurs psychique où leurs esprits tanguaient, enivrés, où leur vision se baignait dans l'éther.