Mobius est terrorisé.
Qui sont ces sombres créatures qui le poursuivent dans ses cauchemars ?
Xenon, lui, est aux anges.
De quelles nouvelles odeurs sera fait demain, puis après-demain ?
Quant à Lhortie, elle est débordée.
Qui lui a foutu des troup...
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Mobius et Xenon se chamaillaient derrière l'œilleton.
Le premier, perplexe, s'acharnait à commenter chaque étape du réveil de l'homme ligoté à l'intérieur. Le second l'encourageait à grand renfort d'acclamations et d'accolades immodérées.
« Ces deux-là ont l'air de bien s'entendre », songea Lhortie.
La présence du Chitine la soulageait.
S'il y avait un seul délégué capable d'un peu de bon sens, c'était bien celui de Pentagua. Plus tôt dans la matinée, l'insecte l'avait abordée pour discuter du cas "Baladrek". Désireux d'aider humblement son confrère, il s'était proposé comme soutien pour l'accueil du dernier endormi. D'abord surprise, le lieutenant avait longuement hésité avant d'accepter sa requête ; l'affaire s'avérait délicate. Il y avait un protocole à respecter. Chaque délégué devait faire face, en solitaire, à ses attributions. Mais avec un être aussi insignifiant et maladroit que monsieur Klein, il fallait savoir s'adapter, transgresser la tradition. Alors, pourquoi refuser ? Pour ses supérieurs qui n'en verraient pas la couleur ? Pour ses troupiers trop occupés à s'inquiéter du sort du Renonciateur enfermé à l'étage ? Tout dépendrait du résultat de la rencontre. Lhortie partait gagnante. Quoi qu'il en soit, l'assistance du Chitine arrivait comme une bénédiction, à l'heure où le Présage 101 résonnait des rumeurs d'une poignée de révoltés.
Le matin même, durant la réunion de roulement des équipes, des frondeurs avaient hurlé leur mécontentement face à la décision impulsive du lieutenant. Foliot avait su les calmer, invoquant le principe de précaution, le devoir de réserve, la mort de Chester, jeté hors du bâtiment comme un vulgaire chiffon. D'autres avaient tenté d'assaisonner les pourparlers, d'envenimer la situation déjà complexe. Mais très vite, un barrage s'était formé autour de Lhortie, un barrage de troupiers fidèles, touchés de plein fouet par les affres de la nuit passée. Mirador, Carnequin, Hubert et bien d'autres avaient rejoint les rangs. À sa grande surprise, Strax, dont la bienséance frisait les pâturages, s'était associé lui aussi au mouvement jusqu'à ce qu'une majorité se dessine et l'emporte sur les mécontents, une majorité qui avait fait appel aux valeurs premières de l'armée des Cols Rouges.
Protéger ses frères. Servir l'Enclave.
Pourtant, la tension imprégnait encore l'air ambiant. Elle se distillait de troupier à troupier. Les plus joueurs pariaient déjà, dans l'ombre, sur les futurs changements hiérarchiques que provoquerait le suicide professionnel du lieutenant. Lhortie préférait nier ces ragots incongrus qui fleurissaient dans son dos. Certains chuchotements traversaient ses remparts, puis s'étouffaient lorsqu'elle s'approchait. Quelle idée saugrenue de s'attaquer aux Renonciateurs !
Au diable, les conséquences ! La sûreté avant tout.
« Je l'ai dit tantôt ! Z'aviez le clapiot mal poché ? »
Lestocq s'adressait à Mobius.
Lhortie le considérait différemment depuis qu'il avait pris sa défense comme une tripotée d'autres. Son implication la touchait d'autant plus que l'homme avait passé la nuit loin du raffut qui avait secoué le Présage, confortablement installé dans l'observatoire avant, au sommet du ballon. Là-haut, il s'était laissé bercer par le roucoulement des piafs, les oiseaux messagers utilisés par l'Enclave, alors que sous ses pieds, l'un de ses camarades plongeait tête la première vers une mort certaine. Plus dévoué que jamais, il attendait patiemment qu'on lui communique les prochaines directives, son képi enfoncé jusqu'aux oreilles.