Chapitre 1-1

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Premier jour de classe, première année en école d'architecte, la combinaison parfaite pour avoir le plus gros trac de sa vie, je sens que mon ventre n'est plus qu'un simple noeud de stress. Et si je me ridiculise? Et si on m'annonce que je ne suis pas sur la liste, que mon inscription n'a finalement pas été acceptée?
Oui ,décidément, avec tout ce stress je vais finir par avoir une syncope.
Je vais à la Parsons School, la 5e école la plus réputée dans le pays pour les études de design, autant dire que la barre est très haute. Y penser me noue encore plus l'estomac...
« Alors ? prête mademoiselle l'étudiante ? » Tante Anna me coupe dans mes sombres pensées.
J'ai l'envie de me terrer dans un trou de souris, mais oui à part ça je suis prête.
« Ca peut aller » je me contente de répondre.
Tante Anna me regarde hilare, je sens qu'elle se retient de rire face à mon visage complètement décomposé à cause du stress. Je décide de la laisser donner libre cours à son fou-rire trop longtemps retenu :
« Vas y rigole, rigole »
Elle éclate de rire, et je dois dire que je me met à rire aussi, emporté par sa joie de vivre mais surtout parce que ça me permet de me calmer. Elle essaye de reproduire ma mine dépitée et d'imiter ce que j'ai dis mais n'arrive pas à parler, son fou-rire ne lui en laisse pas le loisir, ce qui me fait rire de plus belle encore.
« Bon allez, on va être en retard !»
Tante Anna s'est calmée mais garde toujours un sourire énorme sur les lèvres. Je prend une dernière bouchée de mes oeufs au plat et finis mon thé à la hâte. J'entends Anna me crier depuis la porte d'entrer:
« Si tu arrives en retard ça sera la honte pour toi! »
Sur ces paroles, je m'imagine la scène. Moi arrivant en courant dans l'amphi, alors que le prof est déjà entrain de donner les explications, et le regard de presque 500 élèves tournés vers moi. Non, décidément, je ne le supporterais pas, je partirai en courant à coup sûr. J'attrape mon sac ainsi que ma veste en jeans et une écharpe dans le salon et cours vers la porte.
En me voyant arriver Anna me lance :
« C'est fou comme tu peux être efficace quand on sait trouver les mots justes ! »

Je lui tire la langue et m'engouffre dans la Mini. J'aime beaucoup cette voiture, je ne sais pas trop si c'est le fait qu'elle soit entièrement noir et que ceci lui donne une classe que même les voitures les plus chers n'ont pas, ou le fait qu'elle soit discrète et petite comme j'aime, mais cette voiture je ne laisserai Anna l'échanger pour rien au monde.
Je regarde la route défiler et inconsciemment je me retrouve à penser à la première fois que je suis monté dans cette voiture, que j'ai vu défiler ces même routes.
J'avais seulement quelques mois quand une femme SDF qui faisait les poubelles ,entendant de petits cris étouffés entre deux arbres, dans un parc à Atlanta, s'était approchée et m'avait découvert emmitouflée dans plusieurs couvertures. Pensant qu'on me recherchait et qu'en me déclarant à la police elle obtiendrait une récompense elle m'avait emmené au poste de police le plus proche. Les officiers avaient remarqué le petit bracelet à mon poignet où était gravé « Helena.M » et avaient dès lors lancé un appel à la population après m'avoir emmené à l'orphelinat le plus proche, mais ils avaient vite compris que personne ne me recherchait. Encore un gosse abandonné par une mère trop pauvre, trop tourmentée, ou trop jeune. J'avais donc finis par rester à l'orphelinat. Quant à la femme qui m'avait retrouvé elle n'a jamais eu de récompense.
Lorsque j'eu mes 5ans, un jour, la veille de Noël, l'orphelinat reçu un appel d'une certaine Anna Dawkins. Elle disait rechercher la fille de sa soeur disparue,Marie Dawkins, retrouvée il y a 5ans. La directrice de l'orphelinat n'y avait tout d'abord pas cru, car tout d'abord on n'avait jamais connu le nom de ma mère, puis parce que personne ne m'avait jamais recherché. Ca faisait 5 ans que j'étais là et c'était seulement maintenant que quelqu'un se présentait pour me réclamer? C'était sûrement ce qu'elle s'était dit, mais moi quand on m'avait appris la nouvelle, j'avais l'impression d'être aux anges. Je me rappelle que le jour où Tante Anna était censée arriver à l'orphelinat, je n'avais pas pu m'empêcher de sauter et de courir partout, moi qui était d'ordinaire discrète et silencieuse , je criais ma joie de vivre. « Quelqu'un me cherchait! » me répétais-je sans cesse.
A peine avait-elle garée sa vieille Honda sur le parking, que j'avais accourue vers elle. En me voyant ses yeux s'étaient emplis de larmes et elle m'avait serré si fort que je me souviens encore de cette étreinte comme si je la revivais chaque fois que j'y pense. Les papiers avaient été vite réglé puis Tante Anna m'avait emmené vivre avec elle à New York. Plus tard, à mes 14 ans elle m'avait expliqué qu'à l'époque elle n'avait plus réussis à joindre ma mère, et qu'elle l'avait recherché durant plusieurs années allant et venant de New York à Atlanta, et enfin elle avait découvert par quelqu'un qui connaissait ma mère et qui l'avait vu quelque temps avant qu'elle ne disparaisse, qu'elle avait été enceinte . Dès lors Tante Anna avait changé de but, elle ne cherchait plus ma mère, elle me cherchait moi. Et 1an plus tard elle avait enfin trouvé, elle était tombé sur une ancienne annonce déclarant un bébé de seulement 2mois retrouvé dans un parc à Atlanta. La date correspondait à peu près avec la date de disparition de ma mère, elle avait alors appelé l'orphelinat et par un coup du destin, m'avait enfin retrouvé.
Tante Anna m'a élevé comme si j'étais sa propre fille, avec tout l'amour qu'il est possible de donner, et jamais elle n'a montré de faiblesse ni de regret lorsqu'on eu des soucis financier, car son petit salaire de libraire ne suffisait pas pour nous deux, moi grandissant et ayant de plus en plus de besoins, elle avait du changer de travail. En réalité, avant que je n'arrive elle était infirmière, mais pour pouvoir s'occuper de moi elle avait décidé de devenir libraire dans une librairie près de la maison, mais voyant que j'étais plus autonome et les fins de mois plus dures, elle avait repris son boulot d'infirmière. Elle a fait beaucoup de sacrifice pour moi, alors que je ne suis même pas sa fille. Certes je suis la fille de sa soeur, mais elle pouvait décider de me laisser à l'orphelinat et de ne jamais se déclarer. Pourtant elle l'a fait, et je lui serai à jamais reconnaissante.
« Tu rêves? » , la voix de Tante Anna me sortit de mes pensées et je me retournais.
Elle regardait la route, j'aperçus la fac un peu plus loin après le feu à gauche. Je n'avais même pas vus la route passer!
« Je repensais au jour où tu es venue me chercher » dis-je le sourire au lèvre.
Elle roula de gros yeux dans ma direction. Elle avait toujours esquivé la conversation lorsqu'on abordait ce sujet. Pour moi, ce n'est pas un problème je peux en parler, j'étais petite, c'est limite si je me rappelle cette période de ma vie. Il n'y a que le jour où elle est venue me chercher qui soit resté totalement gravé dans ma mémoire.
Tante Anna me fit un léger sourire, remplis de compassion. Holà ! Avalanche de larmes en vue!
« Oh non, pas de pause sentimentale s'il te plaît Anna, je vais pas faire mon premier jour avec un mascara tout dégoulinant! »
« Helena, tu n'as pas de mascara... » commença -t elle
Voyant qu'on est enfin arrivé, j'ouvre la portière et sors.
« Je t'aime aussi Tantine ! » je lui lance avant de refermer la portière.
Je vois ,derrière le pare-brise, à l'expression sur son visage qu'elle va me faire payer cher cette esquive. Je lui fais un clin d'oeil et la voit sourire avant de faire demi tour pour sortir du parking et s'engager sur la route. Je me dirige vers la fac, en prenant soin de suivre les autres vers l'amphi, manquerait plus que j'atterrisse au mauvaise endroit! « Aller Helena, continue à te stresser encore plus » me dis-je pour moi- même.
Et si je me ramasse par terre ? Oh mais c'est pas vrai, je vais vraiment finir par faire une gaffe à force d'y penser si fort! Je m'efforce à regarder attentivement où je met les pieds, et me fait une liste mentale de tous les sujets intéressants à raconter dans une discussion pour ne pas m'emmêler au cas où quelqu'un me parlerai, même si ça m'étonnerait fortement.
« Ouch ! »
Quelqu'un vient de me rentrer dedans, et pas à moitié. Je fais tomber mon sac, heureusement mes affaires ne s'étalent pas par terre. Je m'avance pour récupérer mon sac, mais l'individu se penche pour l'attraper avant moi. Et lorsqu'il se relève, je ne peux m'empêcher de pousser un léger cri de surprise.

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