Chapitre 8-2

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J'ai l'impression de revivre le même cauchemar, mais cette fois-ci tout est bien réel. Je ne suis pas inconsciente, je ne vais pas me réveiller d'une minute à l'autre, même si j'aimerai que ce soit le cas.

Je cours, aussi vite que possible, évitant les flammes, sautant par dessus les obstacles. J'entends les pompiers me suivre, certains me hurle de m'arrêter mais je ne les écoute pas.

Ils n'ont pas le droit de m'arrêter, ils ne me connaissent pas, ni moi ni Anna. Ils n'arriveront jamais à la sauver à ce rythme, alors c'est moi qui vais le faire.
Je vais la sortir de là, et elle ne mourra pas. Je ne resterai pas impuissante face à elle.

« Tante Anna ! »

Je monte les escaliers, sans prendre le temps d'ouvrir chaque porte, car je sais déjà qu'elle se trouve dans ma chambre.

J'enfonce la porte et me retrouve, à nouveau, face à son corps inerte, allongé par terre. Ma respiration se bloque un instant, sous le coup de l'atrocité de la situation à laquelle je fais face, pour la seconde fois aujourd'hui. Je me précipite vers elle et lui saisis le bras, soulagée de voir que je ne lui passe plus au travers.

« Réveille toi, allez ! » dis-je en prenant son visage entre mes mains.

Je penche ma tête pour la poser contre son coeur, mais je ne parviens à entendre aucun battement. Par automatisme, je commence un massage cardiaque dans lequel chacune des pressions que j'effectue, traduit mon désespoir.
Je m'arrête à plusieurs reprise pour essayer de trouver son poul, en vain.

« Mais merde, réveille toi ! »

Je la secoue aussi fort que je le peux, mais son corps ne donne toujours aucun signe de vie. La panique me gagne, peu à peu, s'infiltrant par tous les pores de ma peau et accélérant les battements déjà bien affolés de mon coeur.

Je m'étais juré de ne pas craquer dès l'instant où j'ai pris la décision de venir la chercher, pour garder ma force et ainsi parvenir à la tirer de là le plus vite possible. Mais c'est plus fort que moi, les larmes déferlent déjà sur mes joues, me rendant encore plus faible que je ne le suis déjà. Je perds peu à peu tous mes moyens, je sens toutes mes émotions s'entrechoquer et se déchainer dans tous mon corps, pour me faire perdre le contrôle de mon esprit.

J'ai l'impression de revivre la mort de Clarisse. Des images d'elle, morte, viennent se superposer sur le corps de tante Anna tandis que sous mes yeux, j'observe mes mains immaculées de rouge, ne sachant trop à laquelle des deux appartient ce sang. Mais là, cette douleur qui me lacère de l'intérieur n'est pas la même, elle est tellement plus intense que j'ai envie de crier au point de m'en déchirer la gorge. C'est comme si on me broyais le coeur, sans que je puisse faire quoi que ce soit, à part attendre que la douleur cesse.

Mais elle n'est jamais passée pour Clarisse, et cette fois-ci non plus elle ne passera sûrement jamais.

« C'est pas possible, tu peux pas partir... » je murmure, la tête posée sur son ventre troué de plaies, entre mes deux poings serrés.

Je lui donne quelques coups dans l'abdomen, incapable de réfléchir correctement. Incapable d'accepter qu'elle ne se réveillera pas.

« Tu m'entends ? » dis-je plus fort, « T'as pas le droit ! J'ai beaucoup trop de choses à te dire encore ! »

Des bruits de pas se rapprochent de plus en plus, mais je ne bouge pas d'un centimètre. J'ai totalement arrêté de me battre, je veux juste... juste mourir ici avec elle.

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