Chapitre 4-1

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Mes paupières sont lourdes, tellement lourdes que j'ai l'impression d'avoir deux poids à la place. Comment une si fine couche de peau peut-elle être si dur à faire bouger ?

J'ouvre très lentement les yeux, l'obscurité laisse petit à petit la place à une chambre aux couleurs ternes, tirant sur le vert et le gris. Des « bips » incessants brisent le silence de la pièce et en tournant la tête je vois plusieurs machines disposées près du lit dans lequel je suis allongée.

« Un hôpital, donc, t'as pas chômé ma vieille. » me lance ma conscience.

Sur les fenêtres un peu plus loin, les stores filtrent la lumière émanant de l'extérieur, projetant des reflets dorés sur le sol et les murs. J'essaie de me redresser, non sans quelques grimaces de douleur, j'ai l'impression que tous mes os ont été broyés.

Un léger bruissement parvient à mes oreilles et je tourne la tête de l'autre côté. Ma respiration se bloque dans mes poumons lorsque mes yeux se posent sur lui. Là, sur un fauteuil vieillit par le temps, ses cheveux en bataille, la tête tombant nonchalamment sur son épaule et ses genoux repliés contre son torse entourés de ses bras, Gabriel dort profondément. Vu sous cet angle, les yeux clos et la tête tombant sur le côté, il a presque l'air d'un ange.

Non, il a l'air d'un ange.

Malgré qu'il soit endormis, j'arrive à voir qu'il n'est pas serein, ses traits sont tendus et le contour de ses yeux est marqué par des cernes. Un bandage sur son cou attire mon attention. Je sort délicatement du lit tout en réprimant un cri de surprise lorsque mes pieds nus touchent le carrelage froid, je m'approche doucement de lui et tend la main vers son cou.

Mes doigts effleurent le bandage, caché à moitié sous son blouson et taché de sang.

« Qu'est-ce qu'il s'est passé... » Je murmure pour moi-même.

Et tout à coup, alors que ses yeux rougis s'ouvrent et croisent les miens, des fragments de souvenirs me reviennent, provoquant une douleur atroce dans tout mon corps.

« Helena, que fais-tu ? » s'exclame Gabriel en se levant de son fauteuil.

Je me rappelle de monstres aux visages difformes et des mains pleines de sang. Je me rappelle avoir entendu des cris, des bruits de lames qui s'entrechoquaient. Je me rappelle du craquement lugubre qui a remplis ma tête lorsqu'Irina est tombé par terre juste devant moi.

Mais surtout, je me rappelle cette vague de peur qui m'engourdissait les membres, puis cet instant où toute cette peur a laissé place à la colère.
Puis l'explosion.

« Où est Irina ! » je m'écrie.

Gabriel me fixe de ses iris bleues ternies par les veines rouges tout autour. Je n'attend pas sa réponse, j'arrache les quelques câbles me reliant aux machines et me précipite vers la porte.

Je me retrouve dans un couloir où plusieurs infirmières s'activent à effectuer leurs tâches.

C'est à ce moment qu'une réalité me frappe de pleins fouet. Cet hôpital n'est autre que celui que j'ai si souvent vu dans mes cauchemars. Ce même hôpital où j'ai vu Gabriel, aux portes de la mort.

Je cours le plus loin possible, cherchant désespérément la sortie. Je sens le regard interrogateur de plusieurs personnes se poser su moi lorsque je franchis les portes de l'hôpital, mais je ne pense qu'à sortir et rien d'autre, peu importe si j'ai l'air d'une dingue.

Je me rend alors compte que j'ai pris la mauvaise sortie, je suis dans le parc de l'Hôpital. Mes jambes cèdent sous mon poids, je me laisse tomber sur le bitume, complètement vidée de toute détermination.

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