XII. Deuil

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Lorsque Henry était mort, ça avait été un coup dur pour Martin. Il avait alors eu l'impression de reculer de plusieurs cases dans le jeu de la survie. Il s'était retrouvé seul avec James, ce père de famille aux valeurs droites et son côté rude, mais qui veillait toujours à le garder en sécurité. Cette fois, avec la mort de James, même après un enterrement en règle, Martin avait l'impression de repartir à la case départ. Tout s'était écroulé autour de lui et même son envie de s'installer sur la colline était passée. Plus grand chose n'avait d'importance. Il y avait de la nourriture dans les placards ? D'ailleurs avait-il faim ? Il n'en savait rien mais il s'en foutait, James était mort, et ça, ça avait de l'importance.

Mais pour Daniel, c'était loin de s'arrêter là, il voulait comprendre ce qu'il s'était passé ce soir là. Alors Martin lui expliqua en tout honnêteté la peur qui lui avait serré le ventre et comment il avait regardé James se faire recouvrir de rôdeurs. Il n'arrangea pas l'histoire en sa faveur, une partie de lui-même espérant que Daniel prendrai le fusil pour l'abattre. Mis le vieil homme resta juste à fixer le sol, comme s'il essayait d'imaginer la scène. Puis il leva les yeux vers Martin avant de dire :

- C'est pas grave, mon gars, chacun gère ça comme il peut.

Puis il se leva du canapé sur lequel il était assis, face à Martin et prit la direction de la cuisine. Le jeune homme quand à lui était déboussolé, et voir le visage meurtri d'oncle Daniel lui faisait de la peine, il s'en voulait d'avoir arraché sans doute la seule famille qui lui restait.

Les jours qui suivirent, Daniel passait ses après-midi à faire des rush en ville afin de ramener de quoi vivre, pendant que Martin courait sur la colline, sans en descendre, se souvenant des conséquences de la dernière fois. Courir lui faisait du bien, lui permettait de remettre ses idées en places, mais il devait admettre qu'en ce moment, cela n'était pas simple. Une après-midi, un mort-vivant égaré avait atteint le sommet. Prix de panique, Martin avait dû assener une bonne dizaine de coups au mort avant que celui-ci ne s'arrête définitivement de bouger. Puis, comme le lui avait dit Daniel, il fallait jeter le corps dans la fausse sceptique.

Plus les jours passaient, plus Martin faisait le tri dans ses idées, plus il se rendait compte que Daniel allait travailler pour deux, plus il se rendait compte qu'il n'était pas "rentable". Il mangeait comme une personne, mais aidait comme si il n'y avait personne. En fait il était un parasite. Et plus les jours passaient, plus cette idée le rongeait, il avait laisser mourir James, mais en plus il Daniel faire tout le travail. Ce vieil homme vivait depuis le début ici, sans avoir trop de problèmes ni avec les rôdeurs, ni avec les humains. Et maintenant il y avait un gars qui lui avalait toutes ses provisions. Et le pire dans tout ça, c'est que Daniel l'acceptait. Martin, lui, ne pouvait pas...

En se levant ce matin là, Daniel avait eu une surprise, il découvrit un mot signé par Martin, sur la table de la cuisine :

"Merci pour ce que vous avez fait pour moi, vous êtes un homme bien et je ne peux continuer de vous rendre la vie plus difficile qu'elle ne l'est déjà. Je suis sincèrement désolé pour tout. Prenez soin de vous,

Martin."

Même si le fait de se retrouver de nouveau seul dans cette propriété l'inquiétait, il se rendait compte aussi que ce départ n'était pas une mauvaise chose.

Les mains crispées sur le volant, Martin faisait un long détour pour contourner la ville et ainsi pouvoir entrer par le côté opposé à celui occupé par la grande majorité des mort-vivants. C'est Daniel qui avait donné cette astuce un soir, "au cas où tu veux aller faire un tour", avait-il dit, avec un sourire sincère. Si Martin était venu ici, ce n'était pas sans raison, il n'avait prit qu'une bouteille d'eau accompagnée d'une conserve de cassoulet. Il avait donc besoin de trouver des provisions très vite. Cependant, cette ville lui placardait l'image de la jeune femme qu'ils avaient abandonnés il y a presque deux semaines, James et lui. Surtout lui d'ailleurs, car il s'était retourné et l'avais vu. Pourtant il n'a pas empêché James de démarrer. James qui lui aussi est mort. Et si finalement c'était ça la bonne solution ? Mourir. Mais Martin retira cette pensée de sa tête, s'il avait été là, James aurait répondu sur un ton dur : "Raconte pas de conneries, on s'en sort très bien." Il aurait peut-être eu raison. Sûrement même.

Le jeune homme laissa son véhicule sur le bord de la route, près de l'épicerie dans laquelle ils étaient restés enfermés de longues heures. Il se souvenait avoir laisser beaucoup de choses dedans. De quoi survivre encore quelques jours. Suffisamment de temps pour trouver une autre ville, un autre lieu où trouver des ressources. Pelle à la main, il entra doucement dans le bâtiment, méfiant. Et si quelqu'un avait entendu le bruit du moteur et s'était caché dedans ? Pire : Et si des pilleurs traînaient dans le coin ? Martin secoua sa tête. Il devait arrêter. Lorsque James était là, il réfléchissait aussi pour Martin, et il le rassurait. Là il est seul, et c'était de sa faute, autant assumer. Levant la tête, il se dirigea vers les rayons d'un pas sûr. Il commença à remplir son sac des quelques conserves qui traînaient encore par terre ou au fond de vieilles caisses. Soudain, alors qu'il était accroupis, il senti un objet en métal froid s'appuyer sur sa nuque. Derrière lui, une personne soupira...



Humanité : Tome 1 - ConfianceOù les histoires vivent. Découvrez maintenant