Chapitre 5

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Mes pieds sont au-dessus du vide. Mais pas le vide, genre trois centimètres. Non, vide vide. Vide de plusieurs mètres. Je vois mon lycée rapetisser à vue d'œil. La main qui s'est refermée sur ma bouche est toujours à la même place, aussi je ne peux pas parler ni crier. Je me contente donc de fixer le paysage, abasourdie.

Je ne sais pas trop ce qui m'arrive. Est-ce que la personne qui m'a enlevé sait voler? Ou alors c'est une machine hyper sophistiquée qui peut voler? Ou alors... Ou alors... Je n'en ai aucune idée. Mais, aussi bizarre que cela puisse paraître, je n'ai absolument pas peur.

Alors qu'on survole à présent ma ville à toute vitesse, je me décide à réagir en donnant des coups de pieds derrière moi, faute de pouvoir faire mieux. Ce n'est pas parce que je n'ai pas peur que je vais forcément me laisser aller, comme ça. La main sur ma bouche part pour me serrer à m'en étouffer contre la chose dans mon dos.

J'entends un "arrête!" masculin et anglais juste à côté de mon oreille. Ça me fait grimacer. Il pourrait pas crier ailleurs, lui? C'est que j'ai besoin de mes oreilles pour le chant, et pour la vie quotidienne, d'ailleurs.

En pensant au chant, je me reprends. Je ne sais pas exactement ce qu'il m'arrive, mais ça ne me plaît pas du tout, comme histoire. Si je dois atterrir je-ne-sais-où sans pouvoir continuer mes cours de chant (je sais, il n'y a que ça qui me préoccupe en cette situation complètement improbable), je peux en mourir.

Mes coups deviennent plus brutaux, et je hurle en même temps. Ça le fera peut-être réagir.

-Lâche-moi! Lâche-moi! Mais lâche-moi espèce de...

On s'arrête soudain brusquement, ce qui me coupe le souffle. Ma tête part vers l'avant, avant de rebondir violemment contre quelque chose de dur derrière moi. Le gars inspire bruyamment, et expire avec la même discrétion, comme pour se calmer.

-Tu veux vraiment que je te lâche, crétin? me crie-t-il soudain tout contre mon oreille. T'as pas vu à quelle hauteur on est?

Heureusement que je suis bonne en anglais, car il s'exprime en cette langue. Pourtant, c'est bizarre, il a quand même compris que je disais lâche-moi... Bah, si je me torture sur de tels détails, je ne vais pas y arriver.

Malgré sa phrase en anglais, j'ai bien compris qu'il n'était pas très content. Mais s'il croit qu'il suffit de s'époumoner dans mes oreilles pour me faire taire, il peut toujours rêver.

-Attends, rétorquai-je dans la même langue que lui (quand je dis que je suis pas mauvaise), c'est toi qui est fâché là? Rappelle-moi qui vient de m'enlever, là?

Je tente de me tourner pour le voir, sans succès.

-Je ne t'ai pas enlevé, je t'ai "emprunté".

Je ricane.

-Ah, parce que tu comptes me rendre un jour? Je me sens beaucoup plus rassurée, d'un seul coup! Et je serai dans quel état après cet emprunt? Parce que si tu me rends dans un tombeau...

-Un tombeau? Pourquoi tu me parles de tombeau?

Je m'apprête à lui répondre mais il m'interrompt, visiblement agacé.

-Oh et puis ferme-la, tu me déconcentres.

Et il se remet à avancer dans les airs. Oh, j'aurais peut-être dû profiter de cet arrêt pour lui demander qui il était et comment il faisait pour "voler". Si c'était une machine ou un truc du genre. Peut-être que c'est un espion venu des Etats-Unis qui cherchait une recrue, et quand il m'a vu super bien déguisée en mec, il s'est dit que je pourrais être une super espionne moi aussi. Ouais, non, c'est n'importe quoi.

Peter PanOù les histoires vivent. Découvrez maintenant