Chapitre 27

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(P.D.V Karim)

   Le doux son de la flûte envahissait ses oreilles tandis qu'un sourire béat s'étirait sur ses lèvres encore huileuses de la viande qu'il venait de dévorer. Face à lui crépitait un énorme feu autour duquel plusieurs lucioles virevoltaient joyeusement. La lumière trop vive agressait ses rétines, mais, au lieu de détourner les yeux, il continuait de fixer les étincelles, avec ce sentiment de paix et de bonheur qui le submergeait de toute part. 

   A gauche du feu se trouvaient un petit groupe de jeunes hommes, allant de douze à seize ans, même si ceux-là étaient les plus rares. La plupart dansait en rythme avec l'air enjoué que produisait la flûte, et tous sans exception avaient sur le visage ce masque de pure joie, détendu et même un peu vantard. Il savait qu'il avait le même, et pour une raison ben précise: aujourd'hui, ils avaient réussi à arracher aux pirates une partie de terre sans avoir un seul blessé. C'était flagrant, et de plus en plus impressionnant, la manière dont leurs forces croissaient, dont leur puissance augmentait et les emplissait... 

   Il baissa enfin ses yeux sur ses mains, croisées sur ses genoux. S'il fermait les yeux en se concentrant sur son corps, il pouvait sentir le sang affluer dans ses veines, et cette substance... Cette mystérieuse substance qu'il ressentait de plus en plus en lui, dont la présence lui était inconnu. Il ne tentait même pas de se poser des questions dessus, il se sentait tellement bien qu'il n'avait pas besoin de savoir d'où venait tout ce surplus de bonheur. Être ici, en présence de tous ceux qu'il aimait, lui était amplement suffisant pour justifier son état d'allégresse. 

   -Eh, Karim! 

   Il leva la tête vers un garçon d'à peu près douze ans, avec des cheveux châtains en bataille et des yeux d'un vert surprenant. Tout son corps renvoyait une telle énergie et un tel aura que le feu paraissait bien terne à ses côtés. Aussitôt, il se sentit subjugué et faisait son possible pour ne pas s'accroupir aux pieds du garçon, tellement les battements de son cœur s'étaient accélérés. 

   -Tu ne viens pas danser? demanda le garçon en agitant une magnifique flûte de pan sous son nez. On vient juste de créer un nouvel air pour célébrer cette victoire. 

   Il aurait préféré rester assis et regarder les autres s'amuser, mais l'idée de satisfaire le garçon était plus fort que ses propres envies, et il hocha vigoureusement de la tête avant de se lever pour rejoindre les autres. A cette distance, on pouvait voir que les lucioles étaient en réalité une ribambelle de fées qui semblaient tout aussi heureuse que les jeunes hommes, voletant autour du feu. 

   Le garçon sautilla autour de lui en lui vantant ses exploits lors du combat, et plus précisément comment il a fait pour transpercer la poitrine d'un pirate particulièrement coriace. Il souriait en l'écoutant, alors que les autres protestaient à cause de l'arrêt provisoire de la musique. Alors le garçon se tourna vers lui, ses grands yeux émeraudes brillants autant que ses dents d'un blanc étincelant, et lui tendit la flûte. Tous les autres garçons cessèrent de papoter pour suivre l'action. 

   -C'est toi qui va jouer, Karim, annonça d'une petite voix enfantine le garçon, toujours souriant. 

   Il ne sut comment réagir. Jamais il n'avait prêté sa flûte à personne, ô grand jamais. Alors pourquoi à lui, et pourquoi aujourd'hui? Ce n'était pas la première fois qu'ils gagnaient contre les pirates, et ce n'était pas un jour spécial... 

   -Moi? bégaya-t-il en fixant l'objet avec stupeur. Mais... Je...

   -Je veux que tu joues, insista le garçon.

   Il s'approcha de lui et lui dit, d'une voix si basse et si différente de d'habitude qu'il faillit penser qu'il s'agissait de quelqu'un d'autre:

Peter PanOù les histoires vivent. Découvrez maintenant