Chapitre 32

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(P.D.V Natacha)

   Ça doit bien faire deux bonnes heures que nous sommes tous sur ce fichu radeau en train de batailler avec les vagues pour avancer. Je me concentre de toutes mes forces pour ne pas me retourner et désespérer par le peu de progression qu'on a fait, parce que sinon je vais devenir folle.

   Arthur, qui comme d'habitude ne fait absolument rien, chouine pour la énième fois.

   -J'en ai marre! Je veux rentrer à la maison! Finalement, les indiens étaient plutôt sympas...

   Je lève les yeux au ciel. Il peut pas se taire deux secondes, celui-là? 

   En me tournant discrètement vers Peter, je remarque qu'il fait exprès de regarder droit devant lui, pour ne surtout pas croiser mon regard. Je souffle, découragée. Cette situation où nous nous faisons la gueule sans raison se répète beaucoup trop à mon goût. C'est super frustrant. Pour une fois que c'est moi qui ai envie que les choses s'améliorent, eh ben j'ai comme l'impression qu'elles s'empirent... Pourtant, en montant sur le radeau, je pensais que ça s'était un peu arrangé. Il m'a même sourit, lui qui ne le fait que rarement. Alors pourquoi s'est-il à nouveau braqué? Je ne sais pas. C'est décidé, lorsque nous serons à nouveau tous les deux, je n'attends pas que ce soit lui qui vienne me voir, je lui fonce dedans. J'en ai marre de ses sauts d'humeur à deux balles, alors que moi de mon côté je fais des efforts surhumains. C'est vrai, quoi. Je me retiens toutes les deux secondes de ne pas l'envoyer bouler pour qu'il puisse venir vers moi, mais il ne fait rien. Si ça continue d'être à sens unique, je vais sérieusement péter un plomb. 

   Enfin bon. Ce n'est pas le moment de se préoccuper de ça. Pour l'instant, il faut qu'on atteigne un endroit au sec, car la nuit est tombée d'un seul coup. A cause des énormes vagues qu'on affronte sans relâche, la fatigue commence à se faire bien ressentir dans les rangs. 

   Lili, qui est de loin celle qui met le plus d'effort à l'ouvrage (avec Peter, mais on ne va pas parler de lui sinon je vais m'énerver), est essoufflée comme jamais, et ses cheveux partent dans tous les sens. Je ne vais pas faire ma langue de vipère, mais elle est beaucoup moins redoutable comme ça. Même Arthur qui a peur d'elle semble plus détendu alors qu'il est à proximité. En la considérant bien, j'admets que je ne la déteste pas. Il y a des fois où elle m'agace franchement, mais elle a été là pour nous à chaque instant, et elle se donne à fond dans tout ce qu'elle fait. Ce doit être un truc d'indien, de prendre tout à cœur dans le travail, comme ça...

   En tout cas, ce n'est clairement pas dans mes gènes, parce que je suis totalement effondrée. Pourtant, avec Sébastien, on a décidé de "ramer" à tour de rôle, mais même avec cette méthode, je sens mes muscles hurler de douleur et ma tête tourner par la fatigue. Mes yeux me piquent, mais pour rien au monde je ne l'avouerais. Surtout en voyant tous les autres puiser les dernières énergies de leur corps pour faire avancer cette fichue embarcation de merde. 

   -Tu veux que je prenne le relais Natacha? me demande Sébastien derrière moi. 

   Point positif: on a construit le radeau assez large pour qu'on puisse bouger sans se bousculer. Point négatif: il est totalement instable, et il faut vraiment être agile pour ne pas se retrouver à rouler vers l'eau. Autant dire que combiner agilité et force, ce n'est pas mon fort. Déjà que j'ai du mal à tenir en équilibre sur un pied lorsque le sol ne bouge pas et que je peux me tenir à quelque chose, alors là... 

   -Non, t'inquiète, lui répondis-je. Je gère. Va plutôt t'occuper de Dorian, je pense qu'il est crevé, depuis le temps. 

   C'est le seul qui a gardé les rames depuis le départ. Je ne sais pas comment il fait. Enfin, il ne se plaint pas, donc on ne s'est pas trop occupé de lui...

Peter PanOù les histoires vivent. Découvrez maintenant