II

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Il n'a pas changé : toujours ses cernes noircies par la fatigue, son visage ridé et maigre à cause de la malbouffe de la prison, et ses poignets bleus dû aux menottes qu'il porte à chaque voyage qu'il entreprend à l'intérieur de ces couloirs ternes et sans vie. Son uniforme gris délavé, avec inscrit 021651 sur le côté gauche, et ses manches courtes laissant ses bras tatoués, musclés et pâles à l'air lui donnent un aspect encore plus dramatique qu'il ne l'est déjà. Je lui fais la bise et m'assois en face de lui, en tournant mes pouces. Je sais bien que quoi qu'il ait pu se passer, il reste mon père. C'est toujours le même homme que celui qui m'a appris à faire du vélo, qui m'a fait tatouer et m'a accompagnée faire mon premier piercing. C'est grâce à lui que j'ai assumé mon côté « Punk » et c'est d'ailleurs lui qui m'a nommée Punkie. Il n'a heureusement pas changé son comportement envers moi, mais je ne peux pas me permettre de faire impasse sur tout ce qu'il a fait subir à ces jeunes hommes, ainsi qu'à leur famille, à leurs connaissances et à toute l'Arizona pour la peur qu'il a provoqué pendant vingt-six longues semaines. Un couvre feu avait même pris place dans notre contrée, nous interdisant de sortir après que les vingt-et-un coups avaient sonnés.

« Comment tu vas Piper ? » Me demande-t-il de sa voix rauque et cassée sûrement à cause d'un coup de froid dont il a été la victime.

« Papa, c'est Punkie. Piper c'est seulement au lycée. » Répondis-je sans le regarder dans les yeux.

« Oui, désolé chérie, et en parlant de ça, comment ça va les cours ?

-Comme d'habitude hein... Et toi ? Comment ça se passe ici ? » Demandé-je par pure politesse et non par intérêt. C'est lui qui a fait ces crimes, alors a lui de ramasser les pots cassés, que la punition soit dure ou non il l'a méritée.

« Très bien. Je me suis inscrit au cours de menuiserie. En faisant une activité qui aide à ce point la ville, je peux enlever deux ans de ma peine.

-Il te restera donc huit ans à purger ? » Dis-je en faisant un rapide calcul.

« Encore huit ans, oui. Ty prend bien soin de toi ?

-Oui tonton, ne t'inquiète pas, tout vas bien. » Répondit Ty à ma place en posant ses coudes à côté des miens.

Nous continuons à discuter de tout et de rien, jusqu'à ce qu'une alarme retentisse, en nous annonçant que l'heure des visites étaient terminées. Je prends mon père dans mes bras alors que je sens mon épaule se mouiller dû à ses larmes. Je me détache rapidement de lui, détestant voir pleurer quelqu'un et ne pouvoir (ou ne vouloir) rien faire pour l'en empêcher. Mon cousin lui donne une rapide accolade, me voyant déjà quitter la salle et nous nous dirigeons vers la sortie, en prenant soin de récupérer nos affaires personnelles et de vérifier que rien ne manque. Ce serait bête de revenir dans cet établissement juste pour une étourderie.

Comme notre compromis le disait, nous nous dirigeons maintenant vers le McDonalds. En chemin, nous mettons la radio à fond et chantons à tue-tête des musiques que nous connaissons par cœur. J'aime être comme ça. J'aime que mon esprit soit vide de pensées et mon coeur vide de sentiments. J'aime faire des choses pourtant simples avec les personnes que j'apprécie sans que quiconque ne puisse porter un jugement, qu'il soit fonder ou non. J'aime ne devoir rendre des comptes à personne. J'aime juste ces moments là car ils me permettent d'être tout simplement, moi. Nous passons devant notre ancien village de Saint Johns, et voyons nos anciens voisins nous dévisager.

« Ne fais pas attention à eux, Punkie. Ils ne comprendrons jamais que nous n'avons rien à voir la dedans. Juste, fais abstraction d'eux. » Me conseille Ty alors que j'hoche la tête en buvant ses paroles. Le stress me prend directement quand nous nous arrêtons à un feu rouge, et qu'une pluie d'oeufs s'abat sur nous, ainsi qu'une avalanche d'insultes. Appeurée, je regarde de tous les côtés, de toutes les fenêtres pour essayer de reconnaître les personnes qui nous en veulent autant, mais je me rends compte que c'est peine perdue : tout le monde nous en veut. Alors qu'une larme, puis une deuxième, puis un sanglot traverse mon visage, Ty me prend la main en me chuchotant :

« Je suis désolé, c'était une mauvaise idée de passer par là. » Il essuie doucement mes larmes, puis serre ma main. Je continue de pleurer silencieusement, priant pour que le feu passe au vert rapidement. C'est seulement lorsqu'une pierre esquinta le parbrise arrière que Ty se décide de griller le feu rouge et de nous emmener dans le McDonalds d'Eager, pour quitter une bonne fois Saint Johns.

C'est donc dans une ambiance morose que nous arrivons au fast-food. Ty, connaissant parfaitement ma commande, se dirige vers les caisses tandis que je me lance à la recherche d'une table à l'extérieur, me mouchant comme un éléphant l'aurait si élégamment fait. La tache est plus compliquée que prévue puisque je préfère manger avec le soleil qui me tape sur le dos, alors que Ty lui veut manger à l'ombre. Au bout de deux bonnes minutes de repérage, je réussi enfin à trouver la table qu'il nous faut. Elle se trouve éloignée des autres, proche du parking, et de la sortie du restaurant. Reniflant pour la dernière fois, je m'assois et prends mon téléphone. Voyant la tronche de zombie que je tire, j'améliore mes cheveux roses et essuie le mascara coulé qui avait tracé des traits noirs sur mes pommettes. Mon travail de reconstitution fini, je m'amuse à des jeux aussi débiles que les autres mais qui me permettent de passer le temps. J'étais bien concentrée, j'allais gagner le niveau difficile qui me hante depuis deux grosses semaines durant lesquelles j'avais délaissé mes devoirs quand un poids lourd se pose sur mon dos et qu'un verre de soda trouve refuge dans mes cheveux. L'action s'est passée si rapidement que je n'ai pas eu le temps de mettre à l'abri mon téléphone et qu'il se retrouve, lui aussi, trempé. Mes cheveux ne sont plus rose pâle mais d'un rose marron hideux et collant. Sur ma mèche coulent des gouttelettes de la boisson gazeuse et la colère me monte au cerveau. Je reste figée, ne voulant pas bouger pour aggraver la descente du liquide sur moi.

« Je suis vraiment désolé, je ne vous avais pas vu. » Entendis-je. Je me retourne pour faire face à la personne qui a causé ce désastre et lui infliger une centaine d'insultes préparées à l'avance et qui avaient vraiment besoin de sortir après cette journée gâchée quand je remarque que cette personne ne m'est malheureusement pas totalement inconnue :

« Mais, ne serait-ce pas notre petite Rosie ?

-Encore toi... » Murmuré-je, vraiment agaçée par l'attitude de ce garçon.

« Oui, encore moi, dit-il froidement. T'habites à Eager ? Je pensais que tu venais de Saint Johns, sinon pourquoi aller jusqu'à la bas pour une prison ?

-Qu'est-ce que ça peut te faire ? » Déclaré-je en essuyant mon téléphone avec le rebord de mon débardeur.

« Ton copain t'a laissé tombé pour une fille aux cheveux bleus ? » Je le regardais étonnée. Etait-il seulement sérieux ? Je crois que c'est la remarque la plus idiote que je n'ai jamais entendue. Il cligne des yeux plusieurs fois avant de les fermer et d'exploser de rire, renversant une nouvelle fois son soda sur moi, et bien sûr, sur mon téléphone.

DOUBLE JE {Wattys2016/JustWriteIt}Où les histoires vivent. Découvrez maintenant