Je rentre dans sa pièce et observe malicieusement la décoration. Les murs sont d'un gris chaleureux (comme dans toutes les chambres) mais sont remplis de photos familiales de toute taille et de toute couleur. Assez étonnant pour un gars comme lui. Sous chacune de ces images et de ces souvenirs, on peut y lire la date, ainsi que le nom des personnes qui y sont présentes. Je frôle doucement le mur qui se trouve à ma gauche et trouve rapidement une photo de lui, et d'après la légende de l'image, d'un certain Nathan. Ils se tiennent par les épaules et ont l'air complices. Ce Nathan ne m'est pas inconnu, c'est lui que Darren était allé voir à la prison, ce week end. Se pourrait-il qu'il aient fait un coup ensemble, et que Nathan soit le seul condamné?
Une des photos attire particulièrement mon attention. Elle est grande, et mesure la moitié de la taille d'un poster je dirais, elle est attachée au dessus de son lit défait. Darren y est présent, avec un homme qui ne lui ressemble pas, blond aux yeux marrons clairs, assez pâle de peau. Sur le bas de la photo est écrit Papa, un jour de plus sans toi.04-2008. Aurait-il perdu son père? Nathan y serait-il pour quelque chose ?
Il toussote ce qui me fait sortir de ma contemplation et m'invite d'un geste de tête à m'asseoir sur son lit, ce que je fais sans attendre une de ses paroles. Je me retrouve donc assise en tailleur devant Darren et me met inconsciemment à le fixer.
« Pourquoi tu veux tout me dire d'un seul coup ? » Me demande-t-il, après quelques instants où nous étions plongés dans le silence de l'internat.
« J'ai besoin de me confier. » Chuchotais-je simplement. Je réfléchis aux explications et aux manières que je pourrais employer pour lui dire la vérité, pour lui annoncer la véritable raison qui me force à me cacher. Après quelques minutes et plusieurs regards insistants de Darren, j'articule enfin, avec des gestes de main :
« Je vais tout te dire, mais ne me coupe pas, je déteste ça. » Je rassemble mes forces en un soupir et commence :
« Mon vrai nom est Punkie Alice Dallas. Si je suis allée à la prison de Saint Johns samedi, c'était pour rendre visite à mon père. Il a été inculpé pour crime contre les citoyens et a eu l'honneur d'être jugé par le maire de la ville lui-même. Après une comparution immédiate, il a été directement en taule parce qu'il avait assumé les atrocités qu'il avait commises. Après huit mois d'emprisonnement et de lettres au gouvernement écrites par ma mère, les juges ont décidé de lui faire une audience pour qu'il puisse pouvoir appliquer ses droits. Il restait un être humain, après tout... Soupirai-je. Le jour de ce procès, de cette audience, j'avais treize ans. Je venais de les fêter à vrai dire. J'avais déjà mes deux piercings, mes cheveux roses et mon père venait de me dire de me faire ce tatouage.
-Attends ? Tu avais un tatouage, des piercings et des cheveux roses à treize ans ? » Prononce-t-il, estomacqué.
« Oui, soufflais-je, maintenant tais-toi idiot, et laisses moi continuer. Je disais donc que j'avais déjà les atouts d'une punk. Le jour de l'audience, mon père était sur le banc des accusés, et ma famille et moi étions juste derrière lui, pour lui apporter le peu de soutient que nous pouvions, et que nous voulions lui donner. C'est vrai que ce qu'il a fait avait été difficile à encaisser, pour moi comme pour tous les habitants de Saint Johns. Je me souviens que ma mère a faillit insulter tous les journalistes du tribunal car ils ne voulaient pas nous laisser tranquille, heureusement qu'il y avait les membres de la sécurité sur qui nous pouvions tout de même compter. En face de nous se trouvait le juge qui nous surplombait de sa prestance et de sa puissance, et à sa droite, sa fille, Miranda. C'était ma meilleure amie, elle avait le même âge que moi, et était très proche de son père, tout comme je l'étais avec le mien. Miranda était la première amie que j'avais eu, nous nous connaissions depuis l'époque du bac à sable et rien n'avait jamais changé entre nous, jusqu'à ce que mon père devienne ce qu'il est maintenant. Quand elle a su ce que mon père avait commis, elle a en quelque sorte remis la faute sur moi et à partir de là ma vie s'est dégradée. Toute mon école l'a su à cause d'elle et de sa grande gueule et j'en ai terriblement souffert. Mes notes dégringolaient ainsi que mon état, qu'il soit mental ou physique. Ma mère a craqué et est devenue complètement folle, elle est maintenant dans un asile. Sous les conseils de mon père et pour nous faire oublier de ce village, nous avons déménagé ici, à Eager, moi et mon cousin Ty, le type qui t'appelait Gamin. Comme tu l'a vu, mon père est toujours dans cette affreuse ville qu'est Saint Johns... Quand je suis rentrée dans ce lycée, enfin, quand une place s'est finalement libérée, Ty m'a dit que je pourrais enfin revivre une vie normale. Malheureusement pour lui, ça a été le déclencheur. Je me suis donc inscrite sous le nom de Piper Byllos, avec la perruque et tout ce qui s'en suit. Je pense que je voulais oublier mon passé, et cela voulait dire, supprimer celle que j'étais. Le jour de la rentrée, les professeurs m'appelaient Piper, mais je dois admettre je ne me reconnaissais pas. Que ce n'était pas moi, et que je n'aimais pas avoir à jouer ce jeu. Je voulais dire toute la vérité, à tout le monde, et payer les pots que mon père avait eu la débilité de casser, mais une nouvelle fille est arrivée dans la classe, peu après ma décision : Miranda. Tu sais, la garce blonde platine. Elle était tout le contraire de ce qu'elle est aujourd'hui. C'était une petite fille brune, aux yeux bleus perçants et au sourire chaleureux, protégeant n'importe quel être comme son papa le maire lui avait si bien enseigné. Heureusement pour moi, elle ne m'a toujours pas reconnue et je ne veux pas qu'elle le fasse. Je ne veux pas que tout le monde me juge par rapport à ce qu'à fait mon père, tu comprends ? Parce que j'ai enfin trouvé ce que je veux faire de ma vie, de mon avenir, et je ne veux pas que le passé de mon père tâche mon futur du sang qu'il a fait coulé.
-Tu ne veux pas que l'on te juge sur les actes de ton père, mais sur une fille fausse qui se cache derrière une perruque hideuse ? » Me crache-t-il à la figure.
« C'est ça.
-Tu es une cause perdue Rosie. Qu'est-ce qu'a pu faire ton père pour se faire autant détester et pour avoir été accusé de crime contre les citoyens ?
-Il a tué vingt-six personnes par balles.
-Donc, ton père est le meurtrier d'Arizona... Conclut-il, et alors ? Disait-il si facilement, avec son air détaché qui n'appartenait qu'à lui, Miranda n'avait jamais vu de tueur ? Avec un père maire, c'est pas si compliqué pourtant.
-Si, bien sûr qu'elle en avait vu, mais aucun d'eux n'avait tué son grand frère. » Déclaré-je une boule dans la gorge, me souvenant encore du moment où elle avait découvert que mon père était le coupable de toutes les larmes qui avaient coulées sur ses joues rondes et roses d'une simple pré-adolescente de treize ans.
« Il cherchait la merde ton père ? » Prononçe-t-il en croisant ses bras.
« Ne parle pas de lui comme ça. Non, ne parles pas de lui tout court. Ca vaut mieux pour toi Darren. Et, je peux savoir pourquoi tu n'es pas étonné ? C'est pourtant surprenant.
-Tu sais, presque tous les membres de ma famille ont été en prison donc ça ne me fait pas peur Rosie. » Je baisse doucement les yeux en acquiescant.
« Pourquoi étais-tu à la prison samedi ?
-Mon frère a été pris pour vol à main armée, et puis avec son lourd casier judiciaire rempli de récidive, ils ont décidé de le placer là où tous les grands du crime se trouvent : à Saint Johns. » Explique-t-il d'une traite. Nathan est donc son frère, et est en prison pour vol. Et non pour meurtre. C'est rassurant. Mais, savoir que pratiquement toute sa famille est déjà passée par la case prison n'est pas vraiment rassurant.
« Promets moi que ça restera entre nous Darren. » Réussis-je à prononcer.
« Je te le promet, ça restera entre nous Piper. » Dit-il, avec un clin d'œil et me serrant la main droite. J'esquisse un petit sourire tandis que Monsieur ri. J'arque alors un sourcil pour lui demander la raison de ce braillement si insupportable. Il me répond, un sourire qui se veut charmeur sur les lèvres :
« A ce que j'ai compris, tu es célibataire petite Rosie ? »
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DOUBLE JE {Wattys2016/JustWriteIt}
Teen FictionEssayer de la décrire serait tout bonnement impossible. Cette jeune fille âgée d'à peine seize ans voit sa vie résumée à deux personnalités complètement différentes. Elle adore ca. Elle adore ce concept, être « Double Je ». Tome 2: "Dallas-Brewster"...