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C'est en ce jeudi soir que nous retournons au lycée. Le trajet dans la Berline de Darren est très silencieux, beaucoup trop silencieux pour une pipelette comme je peux l'être et un taquin maître comme lui. C'en est presque inquiétant. Ces derniers jours ont été rempli de bavardages, de bêtises et de travaux exténuants en tous genres, et maintenant que le silence nous entoure, je dois admettre que c'est assez gênant.

Il y a des moments où j'aimerais avoir un pouvoir. Celui du savoir.

Savoir ce que ressent la personne qui nous accompagne seulement en me concentrant sur ses expressions faciales, ses mimiques vocales, ou encore les gestes qu'elle effectue. J'aimerais souvent lire les personnes comme on lit un livre ouvert, juste en déposant nos yeux sur leur silhouette et en déchiffrant chacune des parties visibles, puis me focaliser sur ce que je ne vois pas, sur ce que je peux deviner. Après la semaine que j'ai passé avec Darren, je pensais pouvoir résoudre le mystère qui entourait son caractère, mais sa posture impassible me rend la tâche beaucoup plus compliquée que prévue. Oui, j'aimerais à ce moment précis, avoir ce pouvoir.

Darren se gare à une place de parking consacrée aux élèves puis replace correctement ses lunettes de soleil qui lui glissait du nez. Sans une parole à mon égard, et en chantonnant un petit air musical discret, il tend le bras puis récupère son sac de sport qu'il avait mit sous mon siège. Au passage, il ouvre la boîte à gants puis en sort un pistolet noir aux fines gravures dorées, qu'il range sous sa ceinture. Sous mes yeux ébahis et incompréhensifs, il en sort un deuxième, identique au premier, avant de me le mettre entre les mains.

« C'est seulement une question de sécurité.

-Je n'ai pas besoin d'être protégée.

-Je te rappelle que tu as été kidnappée il y a à peine trois semaines. » Me souffle-t-il blasé.

« On sera au lycée, Darren, il ne peut rien m'arriver.

-Si tu crois que ça va empêcher un gangster de venir t'attaquer, tu te fourres le doigt dans l'œil jusqu'au crâne, Punkie. » Je soupire face à son air strict et prend finalement l'arme, avant de la glisser à l'arrière de mon jean.

Nous sortons de la voiture, chacun avec son sac, puis déambulons jusqu'à l'entrée où nous justifions nos absences. Darren a utilisé l'excuse du voyage et moi, celle de l'évènement familial. Ceci fait, nous quittons le bureau des surveillants pour nous rendre à nos dortoirs. La marche se fait toujours dans un silence de plomb déstabilisant, stressant puis énervant. Le fait que mon camarade me cache encore les émotions qui le traverse me fout un coup au moral. Enfin arrivés dans le corridor vide aux coloris jaune et marron, nous accédons chacun à nos portes.

« Je range mes affaires, puis je te rejoins. » Me murmure Darren, ce à quoi je réponds positivement. Il entre dans sa chambre et j'en fais de même, avant de déballer mon sac et de m'allonger sur mon lit, l'arme entre les mains.

Je la fais soigneusement tournoyer entre mes doigts avant de caresser doucement les gravures, sûrement faites à la main. Je regarde rapidement le chargeur et soupire de lassitude.

« Rempli. Pourquoi Diable pense-t-il que j'aurai besoin d'un flingue rempli de munitions ? »

Je referme rapidement le bloc dans un léger claquement et d'une habilitée dont je suis désormais la maîtresse. La beauté des fusils et pistolets m'a toujours éblouie, malgré leur utilité sombre. La plupart de ces engins contient l'histoire de son propriétaire, que l'on lit, rien que dans les formes, bosses, rayures et autres disfonctionnements physiques qu'ils peuvent avoir. Mais, l'arme que je tiens est parfaite. Sans aucune trace d'un précédent combat, ce qui signifie qu'elle n'a jamais été utilisée par un des gangsters des Eighteen Blood. Ma porte s'entrouvre dans un grincement insupportable mais je ne m'en préoccupe pas, mes yeux ne veulent pas se décoller de l'objet dont je suis totalement obnubilée.

DOUBLE JE {Wattys2016/JustWriteIt}Où les histoires vivent. Découvrez maintenant