Des odeurs atroces me brulèrent les narines. Je n'avais jamais rien senti de tel et c'était comme si je respirai de l'acide tellement la puanteur était forte et m'agressait.
A plat ventre contre le carrelage, je voulus ouvrir les yeux pour m'éloigner de la chose qui sentait si fort, mais la lumière de la pièce m'aveugla. Le sol était trop blanc, le néon trop jaune. Leur vision m'était tout bonnement insoutenable.
Je rampais donc un peu plus loin et clignai longuement des paupières pour m'accoutumer à la forte luminosité. L'odeur était toujours présente, et je compris que sa source n'était autre que moi-même. J'étais trempée d'urine, de sang et de tout un tas d'autre choses dont vous ne voudriez surtout pas que je parle, histoire de ne pas imaginer trop clairement la situation.
La douche ! Il fallait à tout prix que je me nettoie, aussi me levai-je avec hésitation pour m'y rendre. Je ne pouvais encore pas ouvrir pleinement les yeux mais assez pour repérer son contour. Je mis le jet à fond et aussitôt, un bourdonnement insupportable emplit mes oreilles. Chaque goutte crépitait violement, résonnant dans mon crâne tel un tambour. Désorientée, j'éteignis l'eau et m'adossai au mur de la douche.
Qu'est-ce qui m'arrivait ? Mes sens semblaient tous trop sensibles et c'était douloureux.
Je remis le jet en marche, plus doucement cette fois, et me glissai dessous. Il chatouilla désagréablement ma peau. Je dus prendre sur moi pour me savonner et me débarrasser de ma crasse malgré tout. Je me sentis un peu mieux. J'allais enfin pouvoir découvrir ce que mes ravisseurs m'avait fait, et peut-être comprendre un peu mieux tous ces évènements fous.
Je sortis de la cabine et mon regarde tomba sur un miroir posé juste en face, certainement pas par hasard. Mes jambes mollirent et je me retrouvai sur les fesses, choquée.
- Non..., m'entendis-je hoqueter.
La femme qui me regardait avec ce même air effrayé qui devait être aussi imprimé sur mon visage n'était pas moi. C'était une certitude. Trop belle, trop différente. Pas moi. Une créature irréelle.
Ses traits étaient beaucoup plus fins, plus nets, son nez bien fait et ses dents parfaitement alignées. Des yeux bruns profonds, comme liquides, illuminaient une peau sans défaut et de longs cheveux, plus sombres eux-aussi, avec des reflets miroitants, descendaient sur les épaules, jusque dans le dos.
Si, c'était moi. Mais en mieux. Comme une copie améliorée.
Entre émerveillement et peur, je trouvai la force de me rapprocher. Mon reflet grossit et mon corps apparut. Cette femme – moi – avait un corps de déesse, musclé et délicat, bien proportionné et surtout, elle faisait au moins quinze centimètres de plus. Le genre de femme qui n'existe pas. Des larmes inondèrent mes joues à cause des émotions qui me chamboulaient.
Je ne sus jamais combien de temps je me contemplai dans la glace, mais je parvins finalement à m'en détourner, le cerveau encombré de questions et d'hypothèses toutes plus folles les unes que les autres. Mes ravisseurs avaient posé de nouveau vêtements, un jogging et un t-shirt, pour faire original, que je passai en silence.
Je devais retrouver Marc et Victoire. Je me rattachai à cette pensée pour tenir bon et ne pas me mettre à crier en courant partout. Si on leur avait fait la même chose qu'à moi, au moins allaient-ils bien, mais je n'en pouvais plus de ne pas savoir. J'évitai le miroir qui me montrait des choses impossibles et me faisait trembler dès que je regardais dedans. Je devais garder la tête froide. Car, quoi qu'il fut prévu ensuite, je savais au plus profond de mon être que j'avais changé. La doctoresse avait vaguement évoqué le programme de l'Institut et j'entendais presque ses mots résonner dans ma mémoire. On avait fait de moi un cobaye expérimental.
***
- Docteur Malcolm ?
- Oui ?
La jeune scientifique se détourna des écrans de contrôle qui lui retransmettaient le déroulement des mutations dans chaque cellule. Le sérum avait été injecté aux jeunes capturés environ six heures plus tôt. Elle se positionna devant l'hologramme d'Irina Malcolm, projeté en bleu par sa tablette de travail.
- La dernière recrue s'est réveillée, docteur. Elle est restée inconsciente une heure de plus que les autres.
- C'est inhabituel, souligna Irina, ses lunettes chaussées sur son nez, bien que sa collègue sût parfaitement qu'il ne s'agissait que d'un accessoire. De qui s'agit-il ?
- Luna Deveille, répondit la scientifique en consultant l'écran.
- Je me souviens d'elle, je l'ai eue en consultation. Le sérum a peut-être mis plus de temps à agir.
- En tout cas, elle a l'air en parfaite santé, docteur. Elle s'est levée très vite et sa motricité est revenue dans la foulée. Je ne vois aucune raison de s'alarmer.
- Très bien. Tenez-moi au courant pour les analyses de sang de nos nouveaux pensionnaires. Combien sont-ils à avoir été transformé ?
La scientifique fit défiler des informations avant d'ouvrir à nouveau la bouche :
- Ils étaient cinquante-sept à l'arrivée à l'Institut et nos tests en ont retenu trente-deux, récapitula-t-elle. Vingt-quatre ont survécu à la mutation, mais il y a des complications avec deux d'entre eux. Une jeune fille semble être devenue folle et nos équipes l'ont prise en charge. Elle répète des phrases incohérentes et pousse des hurlements affreux.
- Comme c'est fâcheux, ironisa la doctoresse. Sans doute une humaine trop fragile nerveusement. Et l'autre ?
- Une fille aussi. Elle est devenue violente et d'une force encore supérieure à la nôtre. Mais son cerveau est à présent aussi évolué que celui d'un poisson rouge, j'en ai peur.
- Cela arrive, ma chère, ne vous en faites pas. Nous travaillerons de nouveau ce point pour le prochain sérum. Je vous verrai plus tard.
L'hologramme disparut et la scientifique retourna à son travail. Elle appuya sur une touche pour déverrouiller les cellules et observa la dernière recrue. Cette dernière traversa la cellule et franchit la porte. Elle allait pouvoir rejoindre ses camarades et entrer dans la phase suivante.
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GENESIS (1)
FantasyExtrait du journal de Luna Deveille, 30 Mai, 23h12, Institut Bollart Les GEN sont des êtres humains génétiquement modifiés pour devenir des armes surpuissantes et capables de dominer la race des hommes. Ils sont partout, vivent peut-être près de che...