Chapitre 27

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La panique se diffusa plus vite qu'une traînée de poudre dans la salle de l'Arène. Des cris, des bousculades, des pleurs, pour certains : un véritable chaos s'installa. Les arènes se vidèrent, tous coururent à la recherche d'une cachette sous une pluie de balles. Les coups de feu résonnaient en masse, en provenance des gradins.

Un peu étourdie sur mon tapis, j'assistai passivement à la scène. On m'avait tiré dessus ! Un peu plus et le projectile me faisait sauter la cervelle ! Horrifiée, je vis un corps tomber d'un balcon de spectateurs, fixé au mur comme à l'opéra.

Bang ! Un gros trou se creusa dans le sol à deux centimètres de mes orteils et je décidai de bouger. Je titubai jusqu'aux cordages du ring et passai dessous, les jambes flageolantes, notant au passage l'absence de Nacera qui n'avait pas mis trois secondes à se sauver. Je m'accroupis derrière un banc, dans un recoin protégé et essuyai mon oreille avec un morceau de t-shirt. La blessure n'était sans doute que superficielle mais elle me faisait un mal de chien.

- Abattez-les ! hurla quelqu'un. Tous à vos postes !

J'évaluai la distance qui me séparait de la porte. Tous ceux qui ne possédaient pas d'armes tentaient de fuir par là et c'était un véritable carnage. Quoi de mieux pour les attaquants qu'un troupeau de GEN se piétinant mutuellement, entassés dans un seul couloir pour atteindre l'unique ascenseur ?

Je plissai les yeux pour localiser une échappatoire tout en refusant de céder à l'angoisse et à la douleur. Je ne comprenais pas grand-chose à la situation, mais une chose était claire : nous étions tous en danger, moi et mes amis compris, et j'ignorais où ils se trouvaient. Il fallait quitter la salle où nous étions les plus vulnérables.

Des bruits de tirs sifflèrent de nouveau lorsque je m'élançai dans la direction opposée à la porte. Je fonçai dans les gradins, les escaladant jusqu'à la plus haute marche et bondis le plus haut possible. Je fus heurtée par des gens allant dans l'autre sens et se jetant du haut du balcon. Mes doigts crochetèrent le rebord de celui-ci, puis, d'un souple balancement de jambes, je me hissai dessus.

- Luna ! Qu'est-ce qui se passe ?

Amanda rampait sur la moquette dans ma direction, les yeux écarquillés. Je me jetai au sol, tout près d'elle, soulagée de ne plus être seule, et abritée par la rambarde du balcon.

- Ça va ? demandai-je très vite.

- Tu as du sang, hoqueta mon amie.

- Ce n'est rien, OK ? On ne doit pas rester ici.

Depuis notre position, nous avions vue sur toute la salle et l'anarchie qui y régnait. Je vis Allan, arme au poing, viser un homme en gilet par balle dans la foule et le tuer, ainsi que des corps jonchant le sol. Des blessés, voire pire.

- Tu as une idée pour sortir de là ? murmura Amanda. La porte est bloquée, il y a trop de monde !

Oui, j'en avais une, et elle ne lui plairait sûrement pas. Le balcon était presque vide – tous les GEN avaient fui précipitamment – et j'atteignis sans mal la fenêtre.

- T'es malade ? protesta Amanda. On n'est pas au rez-de-chaussée, je te rappelle !

Une balle se planta dans le mur entre nous deux et elle sursauta.

- Très bien, capitula-t-elle.

Mon amie Noire percuta la vitre avec sa chaussure, nous éclaboussant de débris de verre, et l'enjamba. Elle disparut la première et je me glissai dehors à sa suite. En nous aidant des barreaux de fer accrochés aux fenêtres, nous nous retrouvâmes bientôt au sol.

Je filai ventre à terre derrière la poubelle et observai la cour. Là, les choses se déroulaient bien mieux que dedans. Rick et quelques agents défendaient des recrues face à un seul assaillant qui ne tarda pas à s'effondrer, les jambes criblées de balles. Je relâchai mon souffle. Qui que fut cet homme, il s'agissait à n'en pas douter d'un humain et il ne faisait pas le poids face à autant de GEN. Le silence revint, presque inquiétant après le boucan de la fusillade.

- Nous l'avons eu, annonça fortement Rick dans son oreillette. Tout va bien pour vous ?

Il leva le pouce à l'intention de ses collègues et tous se détendirent. L'attaque était bel et bien terminée. Mes muscles se dénouèrent et je me laissai tomber sur les fesses.

- Amy ! Amy !

Tribal se jeta sur mon amie et l'embrassa. Il portait encore un costume-cravate qui ne lui allait pas du tout, signe qu'il arrivait tout juste de mission. Un peu gênée par leurs effusions, je me remis sur mes pieds et m'avançai vers les recrues. Les conversations battaient leur plein à mesure que les GEN émergeaient du gymnase. Des infirmières faisaient sortir les blessés et il me sembla que nul n'avait été gravement touché. Plus de peur que de mal, donc.

Victoire, Guilhem et Marc se tenaient un peu à l'écart des autres et je les rejoignis, très vite imitée par les tourtereaux, sortis de derrière leur poubelle.

- Tout le monde est entier ? C'était de la folie, pas vrai ? dit Guilhem, les cheveux dressés comme s'il se réveillait à peine.

- Qu'est-ce qui s'est passé au juste ? demanda Victoire dont la présence m'étonnait.

Nous nous tournâmes dans un bel ensemble pour regarder les agents sortir les cadavres des assaillants par la porte du gymnase. Tous des humains... Comment étaient-ils entrés ? Et pourquoi lancer un attentat à l'Institut avec si peu de soldats ? Peut-être devenais-je un peu parano, mais quelque chose me dérangeait. En tout cas, le plus dur était passé. Du moins le crus-je.

Alors que nous recevions l'ordre de regagner nos quartiers, une GEN passa si près de moi qu'elle me cogna le bras. Elle ne se retourna pas pour s'excuser, mais je la reconnus de dos.

- Rita ? appelai-je.

L'amie de Tribal et Samuel me jeta un regard en coin.

- Ne restez pas ici, jeta-t-elle, glaciale.

Elle poursuivit son chemin avec détermination, sans que mes amis l'aient remarquée, mais je ressentais un certain malaise. Les sourcils froncés, je la suivis attentivement des yeux.

Rita s'arrêta au milieu de la cours et écarta les bras.

- Pour les Revenants ! hurla-t-elle soudain. Et la liberté !

Elle arracha prestement sa mitraillette à un agent et se mit à tirer. Un cri m'échappa tandis que je ployai les genoux pour me plaquer contre les dalles de la cour. Je ne vis rien de la suite des événements, le visage enfoui dans mon coude, mais lorsque je me redressai, Rita gisait sur le ventre. Allan se tenait au-dessus d'elle, la forçant à l'immobilité d'une main ferme.

- Vous allez tous crever, s'époumona la jeune GEN. Vous allez tous y passer ! Bande d'assassins !

Sous nos yeux effarés, elle fut emmenée par Rick et son adjointe, une GEN rousse aux cheveux bouclés, et ses vociférations se turent. Cette fois, c'était fini pour de bon.

- Je..., je crois que... Je crois que je ne me sens pas..., pas très bien, se plaignit doucement quelqu'un.

Je reportai mon attention sur mes amis et, mortifiée, découvris Guilhem, toujours à quatre pattes.

- Mon dieu, il est blessé ! couina Amanda, les deux mains sur la bouche.

Guilhem fit un effort monumental pour se mettre à genou, révélant ainsi son torse inondé de sang. Sans bruit, il bascula sur le flanc, le visage d'un blanc de craie.

GENESIS (1)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant