Chapitre 34

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- Quel enthousiasme, se moqua Ulrich Marx. Je ne crois pas me tromper en affirmant que vous êtes ravie de me parler.

Immobile contre le crépi de la résidence de Reilly, je réfléchis à toute vitesse puis me hissai sur le balcon du deuxième étage. Là, je jetai un œil à l'intérieur pour être certaine que nul ne me voyait, puis me tapis dans un angle, inquiète à l'idée de ce qui allait suivre.

- Je suis légèrement occupée, monsieur, dis-je d'un ton ferme.

- Oh ! Vous m'en voyez navré. Une occupation agréable, j'espère ?

Je claquai impatiemment de la langue, au comble de l'agacement. Ce crétin allait-il lâcher le morceau et me dire ce qu'il me voulait ?

- Agréable, je ne suis pas sûre, mais elle pourrait coûter la vie à plusieurs de vos agents, le défiai-je effrontément.

L'autre éclata de rire. Je l'imaginais bien avec sa face ronde, son costume bien repassé et, en arrière-plan, sa fontaine aux cupidons. Heureusement pour moi, il ne releva pas ma remarque.

- Si j'en juge par le fonctionnement de votre oreillette, je dirais que vous êtes seule, recrue Deveille. Isolée du reste de l'équipe. N'est-ce pas ?

Le directeur n'attendit pas de commentaire de ma part et poursuivit immédiatement, d'une voix autoritaire, comme s'il passait enfin aux choses sérieuses.

- J'ai besoin que vous fassiez quelque chose pour moi, recrue. Il me faut un document en possession du sénateur Reilly, il est de la plus haute importance.

- De quoi s'agit-il ?

- Une liste. Une liste de noms, pour être exact. J'ignore où le sénateur la garde, mais il est certain qu'elle a été imprimée et qu'il ne s'agit pas d'un fichier numérique. Vous pensez que c'est dans vos cordes, recrue ?

« Connard », songeai-je.

- Oui, monsieur, répondis-je, dents serrées.

- Excellent. Je savais que vous feriez du bon travail. Mais, surtout, n'en informez personne, cette affaire doit rester confidentielle. Ce sera notre petit secret, acheva-t-il en laissant traîner ses derniers mots.

Cela me glaça le sang, mais je n'ajoutai rien. Il y eut un petit bip et ce fut le silence.

- Bordel de merde, il se fout de moi celui-là ! Trou du cul ! grondai-je.

Personne ne m'entendit, ni ne put me réconforter, mais j'évacuai un peu de mon énervement. Marx attendait que je sois seule depuis le début et comptait se servir de moi pour dissimuler quelque chose, mais quoi ? Il avait bien plus confiance dans ses Elites qu'en moi, donc il devait avoir une bonne raison de me mettre sur ce coup. Me piéger ? Me tester ? Et que pouvait bien contenir cette liste de si essentielle ?

Finalement, je me décidai à agir. Je ne pouvais pas rester coller à mon mur dans l'espoir de me fondre dedans. Cela n'arrangerait rien du tout et j'allais finir par prendre des crampes.

Je crochetai la fenêtre du petit salon dont j'occupais le balcon depuis cinq minutes et entrai. J'aurais peut-être dû avoir honte de savoir ouvrir une porte verrouillée et cambrioler en toute discrétion, mais ce n'était pas le cas, un peu comme si quatre mois avaient suffi à rendre ma nouvelle réalité normale.

Des voix me parvinrent, étouffées, et je ne compris pas de quoi il retournait. J'entrebâillai la porte, celle qui communiquait avec une autre pièce, et découvris une chambre probablement occupée.

GENESIS (1)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant