Chapitre 16

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Le bureau du directeur Marx. Grand, vitré, agrémenté avec goût de meubles modernes et de canapés profonds plus anciens. Et gâché par une immonde fontaine avec des cupidons posée près de la baie vitrée.

Debout devant la porte, je regardai le directeur occupé à se servir un verre d'un liquide ambré. Un face-à-face avec le salopard qui me volait ma vie, et tant pis si le mot pouvait sembler un peu fort.

- Mademoiselle Deveille, dit-il doucement en revenant vers son bureau, verre à la main. Désirez-vous boire quelque chose ?

Je ne répondis pas, les mâchoires contractées. J'étais partagée entre la haine et la terreur.

- Asseyez-vous.

Cette fois, l'ordre ne souffrait aucun refus, et je me résignai à ne pas tirer sur la corde. Je posai le bout de mes fesses sur la chaise de l'autre côté du bureau.

- Voyez-vous, mademoiselle, j'ai un problème. Un problème dont vous faites partie et qui vous concerne même pleinement, d'ailleurs.

- Je ne crois pas que nous ayons quoi que ce soit de commun, rétorquai-je. Et certainement pas un problème. Je ne suis pas comme vous.

Ça y était, la bataille avait débuté. Je pris une inspiration profonde pour me calmer et conserver un visage inexpressif. Derrière nous, les deux gorilles qui servaient de garde du corps encadraient la porte.

- Vous croyez ? s'amusa Ulrich Marx. C'est votre principal défaut, mademoiselle. Vous ne paraissez pas saisir le fait que vous appartenez désormais à la communauté GEN. Il n'y a pas que vous dans la balance.

Ses paroles sonnèrent comme un avertissement. Je coupai avant qu'il n'ouvre la bouche :

- Je me fiche de ce que vous avez à dire. Vous retenez des gens contre leur volonté et vous les trafiquez génétiquement. J'en sais suffisamment comme cela.

- Je sais. Et vous ne souhaitez rien tant que partir de cet Institut pour échapper à ces expériences.

Le directeur se leva et but une gorgée de son verre. Il se perdit quelques secondes dans la contemplation de sa fontaine puis se rassit.

- J'ai une question pour vous. Bien que je sache que l'idée de la bombe conçue par Geb n'était pas la vôtre, vous feriez n'importe quoi pour vous évader, n'est-ce pas ? Mais une fois que vous serez dehors, où iriez-vous ?

- Je ne comprends pas.

- Oh, si, vous comprenez. Retournerez-vous chez vos parents ? Reprendrez-vous une vie normale ? Comment croyez-vous qu'ils vous accueilleront ?

- Vous m'avez posé bien plus d'une question, monsieur le directeur, fis-je en me calant contre mon dossier avec un air que je souhaitais farouche.

- Ne jouez pas à la plus fine avec moi, mademoiselle. Si vous y tenez, je vais répondre à votre place.

Marx posa son verre et croisa ses bras sur le bureau. Je détaillai son visage qui était loin d'être aussi gracieux que celui des autres GEN. Je songeai avec un sourire intérieur que la mutation n'avait pas du très bien réussir avec lui. A moins qu'il n'ait été remarquablement laid et que le sérum n'ait pu rien faire pour lui.

- Vous êtes morte, mademoiselle Deveille. Enterrée six pieds sous terre ou même réduite en cendre selon la préférence de vos parents. Et vous comptez réapparaître devant vos proches, comme si de rien n'était, avec un tout autre visage, de surcroît ? On peut toujours espérer qu'ils se montreront ouverts d'esprit, mais qu'en sera-t-il de la société ? La réponse, c'est que vous serez rejetée. Il n'y a pas de place pour les personnes comme nous dans le monde des Hommes. Evidemment, si votre nature est révélée, cela les fascinera un moment, mais ensuite, ils auront peur. Savez-vous pourquoi ?

GENESIS (1)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant