Chapitre 10

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Je me décollai du mur avec précaution. Dix minutes s'étaient écoulées, pourtant personne ne venait. Le cellier plongé dans l'obscurité me sembla tellement lugubre que j'éprouvai une envie dévorante de sortir en hurlant me réfugier dans ma chambre. Je n'avais rien vu de la scène entre la recrue et le GEN, mais je me sentais terriblement mal après ce que j'avais entendu. A quelques instants près, cela aurait pu être moi, prise la main dans le sac.

Maintenant, je devais rejoindre l'aile des recrues sans être repérée. Le GEN avait probablement prévenu ses collègues. Une vérification des lieux par ces derniers pour trouver les complices du garçon était tout à fait possible.

Je me levai et rajustai les lanières du sac à dos sur mes épaules. Sur la pointe des pieds, je me rendis dans la cuisine. Toujours aucune lumière, ni trace d'un GEN. Toutefois, je ne pensais pas pouvoir me fier à mes sens car ces agents étaient bien plus entraînés que moi et pouvaient me prendre par surprise.

- C'est par là, indiqua justement une femme à l'entrée du self. On fouille partout et on retourne se coucher.

- Toujours la même histoire avec ces jeunes, grogna une autre. Ils nous font le coup chaque année. Et encore, il n'y a pas eu de tentative de fuite !

- Ça ne durera pas. Marx convertit toujours les recrues en fidèles soldats, même les plus dures à cuire.

Je m'accroupis sous une table en silence. Les deux femmes passèrent à ma hauteur en conversant bruyamment et sans me voir. Je déguerpis lorsqu'elles disparurent dans la cuisine. Personne dans le couloir, personne dans l'escalier. Apparemment, un jeune garçon pillant les réserves de nourriture n'affolait personne. Ce n'était pas une menace suffisante, mais avec des systèmes de sécurité pareils disposés dans tout l'Institut, je m'étais tout de même attendu à une réaction plus vive des agents.

Enfin, je n'allais pas me plaindre de ne pas être découverte et punie, moi aussi.

Toute à mes réflexions, je faillis oublier de me tenir hors du champ de la caméra dans le couloir des chambres et m'aplatis d'un coup contre une porte.

« Non, mais quelle courge, me sermonnai-je. Tu as envie de finir comme l'autre ? ».

Je retrouvai le calme de la chambre avec bonheur et m'empressai de cacher le sac sous mon lit. J'avais trop chaud, surement à cause de la peur qui m'avait saisie, mais je me couchai très vite en enlevant juste mes chaussures. Un sourire bête illumina mes lèvres. J'étais fière de moi et étrangement excitée. C'était la toute première fois que j'accomplissais ce genre de choses, et en plus avec succès !

Je me retournai vers le mur et fermai les yeux.

***

Le garçon ne reparut pas. J'appris par une de ses amies, précisément la fille que j'avais courageusement secourue à notre premier entraînement forestier, qu'il se nommait Ruben – et qu'elle-même s'appelait Jessy. Ils prenaient ensemble des cours de piano, dans leur ville d'origine près de Marseille.

Stone fit de lourdes allusions au vol commis par Ruben et au sort qu'on lui avait réservé. Pour moi, il ne faisait aucun doute qu'il gisait désormais six pieds sous terre. Il avait dû passer un sale quart d'heure. Amanda ne le connaissait pas, mais elle parut choquée par la nouvelle. Le sentiment général d'emprisonnement et de danger se renforça encore et je ne pensais plus qu'à ma fuite prochaine.

Pour cela, je retournai à la cuisine deux soirs de suite sans rencontrer de problèmes. Je dus aussi explorer la buanderie, au premier étage des chambres pour réquisitionner des sacs à dos supplémentaires et des vêtements. Il fallait parer à l'éventualité de la présence de mes amis en plus de Marc et moi. Chaque soir d'expédition nocturne, je rentrai tremblante et moite de peur. Je me surpris même à espérer que les GEN n'aient aucun problème cardiaque, sinon je n'allais pas faire long feu à ce régime.

Du côté de Marc, je finis par croire qu'il avait abandonné tout espoir et ne cherchait plus à nous sortir du pétrin. Il se comportait naturellement et ne me parla pas une seule fois de nos projets durant les deux semaines qui passèrent. Perdant patience, je le coinçai à la sortie d'un cours de maths – niveau licence 2 de maths. Je n'étais tout de même pas en train de risquer ma peau tous les soirs pour rien !

- Marc, il faut qu'on discute, tu as deux minutes ?

- Pas ici, protesta mon ami, les dents serrées.

- Je ne vais pas attendre indéfiniment que tu te magnes le derrière. Tu as besoin d'aide pour quelque chose ? De mon côté tout est prêt.

Je lui forçai un peu la main, mais c'était ça ou devenir chèvre à force d'attendre.

- C'est bon, je te dis. Je m'en occupe. Mais on est tout le temps sous bonne garde, je te rappelle, alors c'est loin d'être simple !

- D'accord.

J'étais un peu rassurée. Je jetai un œil dans le couloir qui se vidait et nous nous mîmes en routes avec les autres recrues comme si de rien n'était.

- Tiens-toi prête, murmura Marc alors que nous atteignions la cour. Le moment venu, débrouille-toi pour prévenir les autres, OK ?

Il s'éloigna à grands pas et mit une grande claque dans le dos de Guilhem en arrivant à ses côtés. Son nouveau pote éclata de rire. J'aimais bien Guilhem, mais si cela n'avait tenu qu'à moi, je n'aurais aidé à sortir que Victoire, parce que j'étais son amie depuis toujours. Et Amanda, aussi. En fait, je ne savais pas vraiment. La sensation d'urgence me prenait aux tripes. Plus nous serions nombreux et plus les risque seraient grands. 

Stone corsa violemment les séances. Musculation, combat à main nue, utilisation du couteau ou encore exercices d'intrusions dans une salle sécurisée par des détecteurs laser. Nous étions vraiment préparés pour tous types de missions, et je compris finalement que mettre hors d'état de nuire une personne ne suffirait bientôt plus. La prochaine étape, c'était la supprimer définitivement, car on ne nous enseignait pas comment embrocher un mannequin au poignard juste pour le fun. Bientôt, ce serait un être vivant. Mais comment réagirais-je si on me demandait de tuer quelqu'un ?

GENESIS (1)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant