Chapitre 28

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Peu à peu, la lumière revient. Les premières notes de la chanteuse ont un effet immédiat sur la foule qui se remet en mouvement. Je tourne sur place et sonde la salle à la recherche de Thibaud. Mes yeux parcourent chaque recoin, détaillent chaque individu et scannent toute information bonne à retenir. De longues secondes s'écoulent. Mes poings sont si serrés que mes faux-ongles se décollent un à un.

Plusieurs choses me préoccupent.

La première est que la sortie de secours qui se trouve dans mon champ de vision est condamnée alors qu'elle ne l'était pas jusqu'à présent, et la seconde ...

Eh bien, c'est le fait que Thibaud ait disparu.

Je plie et déplie nerveusement un genou en réfléchissant. Peu d'options s'offrent à moi. Prétendre de ne pas me soucier de la disparition de mon acolyte et le plus rapidement trouver un moyen de tirer mon joli petit cul bronzé de cette embuscade. Soit, le chercher, paraître suspecte aux yeux des chiens de garde russes postés devant toutes les issues, flinguer ma couverture et signer notre arrêt de mort dans la lancée.

Alors que si je me débrouille assez bien pour me sortir de là, aucun mal ne sera fait à Thibaud. Ils se serviront juste de lui comme appât pour m'attirer.

Un tantinet énervée,  je m'enfonce une nouvelle fois dans la rangée de personnes qui mène aux WC.

***

La situation est bien plus critique qu'elle ne me paraissait il y a un quart d'heure de ça. La fenêtre par laquelle je suis entrée est fermée et je ne peux l'ouvrir de l'intérieur sans la casser. Or, si elle est cassée, je me lacérerai de façon intégrale le corps en glissant à l'extérieur. Quant à l'entrée par laquelle j'ai introduit Thibaud à l'intérieur du bâtiment, elle n'est même plus accessible. Des portes anti-feu se sont refermées dessus.

Déconcertée par la rapidité avec laquelle le contrôle de la situation m'a échappé, je me dirige vers le bar et échoue sur un tabouret.

Analysons les évènements.

Je suis bêtement tombée dans un piège, j'ai égoïstement embarqué quelqu'un de "normal" dans ma petite aventure et je suis seule, assise à un bar et entourée d'une clique de russes armés qui sont probablement là ce soir pour me capturer et me lapider jusqu'à ce que je leur révèle qui est mon patron. N'est-ce pas une exquise situation dans laquelle je me suis encore fourrée ?

Il n'y a pas trente six mille solutions. Je dois trouver un biais pour ouvrir ces fichues portes et me débarrasser des espèces de caricatures qui les gardent amoureusement.

Le barman arrive et interrompt ma méditation.

- Que puis-je faire pour vous jolie demoiselle ? me demande-t-il avec une sourire qui fait briller ses yeux bleus.

Je le regarde plus attentivement et retiens un petit rire amer.

Encore un Callas.

Celui la a les cheveux plus longs que les deux autres. Il est plus grand que Sergei, plus musclé, plus impressionnant et plus... Beau, il faut bien l'avouer. Plusieurs bracelets noirs pendent à son poignet droit et un long collier se ballade autour de son cou.

Alors que je me perds dans la contemplation de ses yeux, une idée me traverse l'esprit.

- Une bouteille de vodka.

Il hausse un sourcil et se mord l'intérieur d'une joue pour se retenir de sourire.

- Mauvaise semaine?

Je hoche la tête et pince les lèvres. Il a une mimique compatissante.

- Désolé, c'est une bouteille pour trois personnes, s'excuse-t-il en essuyant un verre.

Mince.

- Une bouteille d'eau dans ce cas là.

Je pivote sur mon tabouret en gardant un œil sur le beau barman et reporte mon attention sur un regroupement de personnes situé de l'autre côté du bar.

- Que se passe-t-il ? fais-je en les désignant du menton.

- Concours de shot, me répond-il en posant ma bouteille et ses coudes sur le comptoir.

- Je peux y participer ? m'empressais-je de demander, voyant une possible issue à cette situation critique.

Mon nouvel ami a un petit rire de gorge

- Dimitri, se présente-t-il en tendant une main dans ma direction, tu es certaine de vouloir ça ?

Je la lui serre en retour et empoigne ma bouteille :

- Juna et ne t'inquiète pas pour moi. J'ai une bonne descente.

Liar

- Jolie prénom, complimente-t-il avec un haussement de sourcil, bon et bien si tu es sûre de toi...

Il passe de l'autre côté du bar et me présente sa main avec galanterie avant de m'entraîner vers la grappe. A mi-chemin, il approche ses lèvres de mon oreille et murmure : 

- Le dernier qui tient debout remporte 100 grammes d'octa...

La fin du mot se perd dans le brouhaha quand un homme avec trois grammes dans chaque bras s'écroule de son tabouret. Un tonnerre d'applaudissements retentit autour du gagnant.

- Il a gagné deux fois déjà, m'annonce Dimitri.

Je déglutis et serre ma bouteille sous mon bras.

- Ça représente combien de shot en tout ?

Il réfléchit.

- Deux bouteilles. D'un litre.

Mes yeux s'écarquillent. Cela représente prêt de 40 shot. Moi qui suis déjà de travers à partir de cinq...

- Ok, dis-je avec une petite voix étranglée. Mes jambes se raidissent et je fais un effort surhumain pour continuer à avancer. Les gens s'écartent sur notre passage et me considèrent avec un petit air indulgent. Le même que l'ont fait aux condamnés à mort.

Dimitri s'écarte et le cercle se referme autour de moi et mon adversaire. Un coude laconiquement posé sur le comptoir, mon opposant -qui n'est autre que Sergei- me regarde avec un sourire carnassier.

Il me dévisage, la pupille dilatée. 

- I'll go easy on you.







Hello !

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Kisses

Radicalement VôtreOù les histoires vivent. Découvrez maintenant