Chapitre 32

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Le trajet me semble plus long que tout à l'heure, mais au vu de l'état dans lequel je suis, je ne peux rien affirmer. Je suis entre l'assoupissement, le coma et le réveil, ce qui fait que je reste accrochée à Thibaud, de la même façon que le paresseux s'accroche à sa branche. De temps à autres, nous nous arrêtons, puis repartons encore plus vite. Si je me souviens bien, nous ne nous sommes pourtant pas arrêté à l'allé.

Après ce qui - je pense- était une heure et demi de route, Thibaud met enfin la béquille et descend de moto. Toujours accrochée à lui, je glisse sur le côté et il me rattrape in extremis au moment où je m'affale par terre. Assise au sol, il semble terriblement grand. Les mains sous mes aisselles, il me remet sur pied et me cale contre lui. Il m'enlève le casque et commence à me traîner jusqu'à mon conteneur. Je glousse.

- Qu'est-ce qu'il y a ? demande-t-il.

- Tu me fais des chatouilles ! Dis-je en pouffant.

Il me regarde comme si j'étais un martien.

- Et moi qui pensais te préférer bourrée...

- Je ne suis pas bourrée ! M'indignais-je, avant de caqueter à nouveau.

Thibaud secoue la tête avec une tristesse feinte et continue de me charrier, au sens propre du terme. Arrivés devant mon conteneur, comme le siège de ma moto, il est double.

- Thibaud arrête de jouer avec tes pouvoirs, j'ai sommeil, grognais-je.

Il me considère et soupire.

- Ne t'inquiète pas, ma petite licorne, tu vas bientôt pouvoir te coucher.

Je souris bêtement.

- Tu le dis à personne que je suis une licorne, hein ? Il a un hochement de tête qui se veut désespéré.

Ah ces garçons, quelle bande de comédiens.

- Oui, une licorne tatouée avec le nom des personnes qu'elle a assassiné, murmure-t-il. Tu penses que tu peux tenir toute seule ? me demande-t-il, les clefs dans la main.

Je lève les yeux au ciel et croise les bras.

- Pff, bien sûr que je peux tenir toute seule !

Il secoue sa tête de droite à gauche et marmonne.

- Encore plus insolente une fois bourrée...

Soudain j'ai une autre idée lumineuse qui me rend ma vigueur. Pendant qu'il s'échine à introduire la clef dans la serrure, le dos tourné, je me sauve sur la pointe des pieds. La main plaquée sur ma bouche pour que mes petits bruits amusés ne l'alarme pas, je m'éloigne dans la pénombre. Au bout d'un moment je ne l'entends plus. Je regarde là où je l'ai laissé mais il n'y est plus. D'après ma culture cinématographique je dirais qu'il est derrière moi et attend de me surprendre. Je me retourne d'un coup et lance un :

- Bouh !

Ça aurait pu être parfait, si Thibaud avait été là. Je pose les poings sur mes hanches, contrariée. Il devrait être là ! N'a-t-il jamais vu de films ? Je scrute l'obscurité, peut-être a-t-il eu un problème de timing ? Mais il n'apparaît toujours pas. Je pousse un pff mécontent quand je suis interrompue.

- Hum hum...

Je me retourne et vois Thibaud. Je ris et me jette sur lui.

- Tu m'as trouvé ! Dis-je en gloussant, encore.

Il soupire. Décidément, c'est quelque chose qu'il fait beaucoup ce soir !

- Allez viens, tu avais sommeil il y a deux minutes.

Au moment où il me le rappelle, mes paupières redeviennent lourdes.

- Si tu m'empêchais pas de rentrer, je serais déjà couchée depuis longtemps, l'accusais-je en baillant.

Il grogne et me pousse devant lui.

- C'est ça oui, maintenant tais-toi et avance, m'ordonne-t-il.

Je me fais prier jusqu'à ce que nous soyons enfermés dans le conteneur, qu'il prend soin de fermer à clef.

« Pour que je ne me sauve pas pendant la nuit. » M'a-t-il dit.

Pourquoi ferais-je une chose pareille ? Ma conscience a un petit rire diabolique.

Je rentre dans la salle de bain et me débarrasse de mes vêtements. J'enlève mon sarouel -pas le gilet puisqu'il a disparu de la circulation- et arrache mon masque.

- Dior !

Thibaud m'appelle du salon. Sans mettre ma main devant la bouche, je baille à m'en décrocher la mâchoire et quitte la salle de bain en titubant. A mi-chemin, je suis obligée de faire une pause canapé. Je m'étale dessus en travers, la moitié de mon corps pendante et pousse un soupire à fendre l'âme. Un petit bruit me réveille alors qu'un gars nommé Morphée commençait à me prendre dans ses bras. Je me tourne à plat ventre, le dos en quasi angle droit et vois Thibaud assis au bureau. Sa respiration est rapide, saccadée. Le petit bruit semble provenir de devant lui.

Je me lève tant bien que mal et rampe jusqu'à la chaise de Thibaud. Doux Jésus, on dirait un antivol de voiture, c'est horrible ! Cramponnée au dossier, je me redresse à moitié et suis le regard de Thibaud. Sur l'un des écrans, je vois un homme qui tape sans relâche dans un sac de boxe. Puis il finit par croiser les bras, et s'allumer une cigarette. Son dos à une musculature comme j'ai rarement vu. La seule chose qu'il porte est un short noir. Mon esprit embrumé bataille pour reprendre le contrôle de mon cerveau. Ou qu'il soit, je trouve que le cadre a une incontestable ressemblance avec l'intérieur d'un conteneur.

Oulalalala.

Le timing est TREEES mauvais, Dior. Tu n'es pas en état de gérer la situation.

Non, sans plaisanter ?

Pas besoin d'être un génie pour deviner l'identité du bonhomme, mais j'espère vraiment que la machine, Thibaud et moi nous trompons.

Le bip qui résonne en continu n'a de cesse de se moquer du doux espoir que je berce. Mes mains sont crispées sur la chaise que je serre de toutes mes forces. Le trouver était au programme de demain, après que je me sois débarrassée de Thibaud qui n'a pas besoin d'être fourré d'en plus d'ennuis.

Quand l'homme se retourne, aucun doute n'est possible, il s'agit bien de Sachka. Sa dernière apparition devant une caméra m'est restée un peu en travers et j'appréhende les conséquences de celle-ci.

Il abandonne la contemplation du sac de boxe et se dirige vers l'unique meuble de la pièce, un bureau apparemment vide. Il appuie sur un interrupteur et des néons clignotent avant d'allumer le conteneur d'une lumière verdâtre, jusqu'alors plongé dans une quasi-pénombre. A quelques mètres de lui des chaises sont alignées avec plusieurs personnes assises dessus, selon toutes apparences endormies. Mais leur position n'a l'air ni naturelle ni confortable. Leurs têtes pendent et leurs épaules sont tirées en arrière, comme si ... comme si leurs mains étaient attachées dans leur dos.


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Et voila, le vilain petit russe refait apparition ... ;)

Vous pensez quoi de ce chapitre ?
J'essaie de mettre la suite demain

Kisses




Radicalement VôtreOù les histoires vivent. Découvrez maintenant